Alain Barjot et les conventions médecins en 1960

01 novembre 1960
04m 45s
Réf. 00003

Notice

Résumé :

A travers une interview d'Alain Barjot, le directeur de la Sécurité sociale, il est fait un point de situation sur les conventions départementales des médecins avec les organismes de sécurité sociale.

Type de média :
Date de diffusion :
01 novembre 1960
Source :
RTF (Collection: Non diffusé )
Personnalité(s) :

Éclairage

Cette vidéo fait partie intégrante de l'histoire de la Sécurité sociale. Elle a été diffusée le 1er novembre 1960. Elle présente un double intérêt.

Elle fait le point sur les conventions médicales en 1960, sachant que la première convention nationale entre l'Assurance maladie et les médecins ne sera signée qu'en 1971, soit dix ans plus tard (voir à ce propos le document La première convention nationale des médecins).

Elle permet ensuite de voir une interview d'Alain Barjot.

Si l'histoire retient le nom de Pierre Laroque comme étant le père de la Sécurité sociale, elle passe sous silence les noms de ceux qui ont œuvré avec lui pour bâtir les ordonnances de 1945. Deux personnes doivent être associées à Pierre Laroque. Sur les aspects actuariels, économiques, techniques et financiers, il s'agit de Francis Netter. Sur les aspects juridiques et la rédaction des textes, c'est le nom d'Alain Barjot.

C'est le trio Laroque, Barjot, Netter, qui a construit la Sécurité sociale dès le lendemain de la guerre.

Alain Barjot est né le 1er septembre 1912, il est décédé le 30 juillet 2002, quelques jours avant son 90e anniversaire. Il est l'auteur de nombreux ouvrages sur la Sécurité sociale, en particulier une histoire de la Sécurité sociale à travers les textes publiée par le Comité d'histoire de la Sécurité sociale. Il a été nommé directeur de la Sécurité sociale au printemps 1960, quelques mois avant cet interview. Il est conseiller d'Etat. Il faut noter que tous les directeurs de la Sécurité sociale jusqu'en 1976 sont issus du Conseil d'Etat. Pierre Laroque, Président de la section sociale du Conseil d'Etat, ne pouvait concevoir qu'il en fut autrement

Depuis près de quarante-cinq ans, nous nous sommes habitués à vivre avec une convention nationale régissant les rapports entre l'Assurance maladie et les médecins. C'est oublier que la première convention nationale fut signée le 28 octobre 1971. En 1945, les médecins et les organismes étaient invités à conclure dans chaque département des conventions fixant les tarifs, mais il y avait de nombreux départements non conventionnés. De l'ordre fut un peu mis avec le décret du 12 mai 1960, dont parle la vidéo. Même si l'on reste au plan départemental, toutes les conventions devaient respecter une convention type, qui en particulier fixait des tarifs conventionnels. De plus le décret définissait les bases du « Droit Permanent à dépassement » (DP). Les médecins se sont sentis heurtés par le décret du 12 mai 1960, et l'on comprend que les endroits où il y avait beaucoup de praticiens à haute notoriété furent ceux où les conventions médicales furent le plus difficile à signer.

Jean-François Chadelat

Transcription

Journaliste
Monsieur, sur dix assurés sociaux, combien y en a-t-il à l’heure actuelle qui, lorsqu’ils vont sonner chez leur médecin, aient l’assurance de se voir rembourser les honoraires réels à 80% ?
Alain Barjot
Dans l’ensemble du territoire, il y en a environ 6 sur 10 qui, automatiquement, se verront rembourser à 80% du fait de conventions passées entre les caisses de Sécurité sociale et les médecins.
Journaliste
C’est le compte. Nous allons d’ailleurs, si vous le permettez, voir cela sur le plan géographique, sur la carte. Il y a donc, vous dites, des départements, ce sont ceux qui apparaissent en sombre sur l’écran, il y a des départements où les associations de médecins ont passé avec vous des conventions qui fixent des tarifs et sur ces tarifs, les assurés sociaux sont remboursés à 80%, c’est bien cela ?
Alain Barjot
C’est bien cela.
Journaliste
Reste maintenant les départements qui apparaissent en clair, c’est ceux où les négociations sont encore en cours, ou bien où rien n’a pu être fait, n’est-ce pas ?
Alain Barjot
C’est cela. Alors, il y a des départements dans lesquels les négociations sont encore en cours, il n’y en a que trois d’ailleurs en France, c’est la Seine et Oise, l’Indre et Loire et la Gironde, non, il y a un autre département mais je ne sais plus lequel. Et puis, il y en a un certain nombre dans lesquels nous avons été amenés, à la demande des caisses de Sécurité sociale, a fixer des tarifs d’autorité qui ouvrent les jeux des adhésions personnelles.
Journaliste
C’est le cas du département de la Seine. D’ailleurs, nous voyons que le département de la Seine est en grisé au milieu de la Seine et Oise qui est en blanc parce que rien ne s’y est fait encore, le département de la Seine est en pointillé, est en grisé, parce que n’ayant pu aboutir à un accord général avec les médecins, vous avez fixé des tarifs, vous avez dit : Les tarifs maintenant, ils sont ce qu’ils sont, vous médecins, vous allez adhérer non plus collectivement mais individuellement, si vous le voulez.
Alain Barjot
Exactement, les tarifs dans le département de la Seine sont fixés par un certain nombre de lettres clés, la consultation est à 1000 anciens francs, la visite à 1300. Ces chiffres sont portés pour les spécialistes à 2000 et 2600 et sur ces tarifs, quand le médecin a souscrit une adhésion personnelle, le remboursement a lieu à 80%.
Journaliste
Et s’il n’a pas souscrit d’adhésion personnelle ?
Alain Barjot
S’il n’a pas souscrit d’adhésion personnelle, le remboursement est faible, correspondant aux taux anciens, de l’ordre de 350 francs pour la consultation.
Journaliste
S’il y a eu une résistance particulière dans la Seine, à Paris donc et en banlieue, aux conventions, à quoi l’attribuez-vous ?
Alain Barjot
Je pense que la résistance dans Paris est due au fait qu’en dehors de tarifs très légitimement demandés et élevés pour des personnes qui ont la qualité de professeurs, de médecins des hôpitaux, d’anciens internes, il existe à Paris une très grande différence de situations. Il y a des médecins de Paris, des médecins de banlieue qui pratiquent des tarifs tout à fait normaux, de ceux de l’ordre de ceux que nous avons prévus, peut-être même moins élevés ; et puis, il y a un certain nombre de médecins sans aucun titre particulier qui, exerçant dans des quartiers riches, ont des tarifs nettement plus élevés. Mais néanmoins, nous sommes frappés de voir que les adhésions personnelles qui n’ont pratiquement pris corps que depuis le rejet par un référendum très récent du projet de convention par les médecins, ces adhésions se multiplient très vite ; puisque à l’heure actuelle, nous sommes à près de 1500 adhésions personnelles dans la Seine sur 6500 médecins environ.
Journaliste
Nous avons vu il y a quelques jours que les médecins de la Seine ont cessé leur grève administrative. Est-ce que vous pensez que cela présage une amélioration des rapports entre les médecins de la Seine et la Sécurité sociale ?
Alain Barjot
Je pense que d’une manière générale, les rapports se sont nettement améliorés depuis un certain temps, que les décrets du 12 mai 1960 ont surpris et heurté le corps médical ; et puis, on s’est expliqué, les caisses se sont expliquées avec les médecins et je crois que les médecins désirent une collaboration plus confiante avec les organismes de Sécurité sociale. Ce qui est d’ailleurs, je pense, leur intérêt, mais ce qui est surtout l’intérêt des assurés sociaux et le grand désir du gouvernement.