Le plan Barrot de 1979

25 juillet 1979
04m 11s
Réf. 00031

Notice

Résumé :

Nouveau plan de financement porté par Jacques Barrot. Il succède, moins de six mois après, à celui de Simone Veil. Il présente une double particularité : la création d'un point temporaire de cotisation et surtout, pour la première fois, il s'attaque à l'évolution des dépenses d'Assurance maladie.

Type de média :
Date de diffusion :
25 juillet 1979
Source :
TF1 (Collection: IT1 20H )

Éclairage

Le 4 juillet 1979, à la suite de son élection à la Présidence du Parlement européen, Simone Veil quitte le gouvernement de Raymond Barre. C'est Jacques Barrot qui lui succède, comme Ministre de la Santé et de la Sécurité sociale. L'encre du plan de financement de Simone Veil est à peine sèche que le dérapage des dépenses de l'Assurance maladie oblige Jacques Barrot, moins de trois semaines après son arrivée au ministère, à présenter un plan « musclé » pour rétablir les finances de la Sécurité sociale.

La première des mesures est une hausse des cotisations, + 1 % de la part salariale. Mais - grande innovation - cette hausse est annoncée comme temporaire pendant 18 mois, c'est-à-dire qu'elle s'appliquera d'août 1979 à février 1981. Il n'échappe alors à personne que février 1981 se situe à trois mois de l'élection présidentielle.

Pouvoir se permettre le luxe de baisser une cotisation, même si on l'a relevée, n'est pas à la portée de la Sécurité sociale. La cotisation exceptionnelle fut effectivement supprimée, puis, après l'élection présidentielle, rétablie par Nicole Questiaux, Ministre de la santé de François Mitterrand.

Deuxième catégorie de mesure de ce plan Barrot, le blocage de l'évolution des dépenses d'Assurance maladie : le budget des hôpitaux est plafonné, le prix de journée des cliniques est bloqué. Les honoraires des médecins et des dentistes sont gelés, les pharmaciens doivent reverser une part de leur marge, une taxe sur la publicité des laboratoires pharmaceutiques est instaurée.

Comme on le voit, 17 ans avant le plan Juppé, Jacques Barrot inventait l'Ondam (objectif national des dépenses d'Assurance maladie). Comme lui, il fixait un objectif aux dépenses d'Assurance maladie.

Dire que cet ensemble de mesures - dont toutes n'ont pas été citées - fut impopulaire, relève à l'évidence d'un euphémisme.

Il en est cependant une qui provoqua une déferlante de récriminations rarement égalée.

Il s'agit du principe du Ticket Modérateur d'Ordre Public (TMOP). Son fonctionnement est simple. Lorsque l'on augmente le ticket modérateur, cela n'a pas de conséquence pour la grande majorité des assurés, car leur complémentaire santé le prend en charge. L'idée est de responsabiliser les assurés en laissant à leur charge directe une certaine somme, c'est-à-dire avec interdiction faite aux mutuelles de leur payer ce TMOP.

Jacques Barrot ne faisait que mettre en application une mesure qui figurait dans les ordonnances Jeanneney de 1967, mais qui n'était pas entrée en vigueur. Le président de la Fédération Nationale de la Mutualité Française, René Teulade, lança une campagne contre le TMOP, qui se traduisit par l'envoi à l'Elysée de près de 7 millions de cartes postales de protestations. L'argument de René Teulade était que le TMOP était contraire au principe fondamental de la liberté d'assurer et de s'assurer. A la demande du Président de la République, Jacques Barrot reporta son décret.

Vingt-cinq ans plus tard, la loi Douste-Blazy allait créer une franchise de 1 € non prise en charge par les complémentaires santé, dans le but de responsabiliser les assurés sociaux. Cette renaissance du TMOP ne provoqua alors aucune réaction.

Jean-François Chadelat

Transcription

Présentateur
La santé des Français est-elle réellement au-dessus de leurs moyens ? C’est ce que se disent en tout cas, c’est ce que disent en tout cas les chiffres astronomiques du déficit de la Sécurité sociale. L’ensemble du système de santé est en tout cas jugé trop dépensier, et c’est pourquoi on a décidé, là aussi, de faire la chasse au gaspi. Mais ça ne suffira pas. Il faudra payer un peu plus et dès le 1er août pour notre Sécurité sociale. L’Etat paiera un peu, l’Etat, c’est-à-dire le contribuable. L’assuré social paiera beaucoup, 1% de plus sur tous les revenus pendant une période de 18 mois. Le médecin paiera, le pharmacien aussi, d’une manière ou d’une autre, et accessoirement les laboratoires. Et on promet un sérieux tour de vis pour la gestion des hôpitaux. Voilà grossièrement ce qui a été décidé ce matin au Conseil des ministres. Mais nous allons pouvoir aller assez loin dans le détail avec le ministre de la Santé, Jacques Barrot donc, qui a accepté de répondre en direct à nos questions. Nous verrons également au cours de ce journal les mécontentements et les critiques que ces décisions suscitent. On peut faire une première constatation, l’ensemble des mesures concernant la Sécurité sociale vont représenter indéniablement une perte du pouvoir d’achat pour les Français. Et cela, alors que l’on apprend, c’est une autre information, que l’indice des prix à la consommation pour le mois de juin a été en hausse assez forte, 0,8%, plus 0,8%. D’abord, avec François Gault, un résumé de l’ensemble des mesures adoptées ce matin.
François Gault
Premier chapitre, à compter du 1er août, pour les salariés, cotisation exceptionnelle de 1% sur la totalité du salaire et cela pendant 18 mois. Pour un salaire mensuel de 3000 francs, vous paierez 30 francs en plus par mois. Pour un salaire de 10000 francs, vous paierez 100 francs en plus. Cela concerne l’ensemble des assurés à l’exception des commerçants et des artisans, application, je le répète, à partir du 1er août. Deuxième chapitre, les hôpitaux. Pour maîtriser la croissance des dépenses hospitalières, le budget des hôpitaux publics est plafonné, en somme, il n’y aura pas de dépense supérieure à celle prévue au 1er janvier 1979. Toujours pour les hôpitaux publics, les investissements devront être désormais mieux justifiés et gagés par des économies. Enfin, pour les cliniques privées, le prix de journée est bloqué jusqu’à la fin 1979. Et puis, les médecins et les professions de santé aussi, c’est le troisième chapitre, sont mis à contribution. Médecins, blocage des honoraires, pas de revalorisation tarifaire d’ici à janvier 1980, c’est également valable pour les dentistes. En plus, une nouvelle règle va être négociée et mise au point pour plafonner le montant total des honoraires et le coût des prescriptions. Pour leur part, les pharmaciens devront soit verser une ristourne sur leur chiffre d’affaire, soit appliquer une baisse de 1,5% sur leur marge bénéficiaire. Enfin, pour les industries pharmaceutiques, taxes sur les dépenses de publicité. Quatrième chapitre, la limitation des abus. En voici quatre exemples, pour les médicaments, deux ordonnances seront désormais obligatoires, une pour le pharmacien, l’autre pour la Sécurité sociale, et les prescriptions seront limitées à une période de un mois seulement. Pour les mutuelles, malgré la couverture à 100% qu’elles permettent, une participation minimum, 5% peut-être, sera à la charge de l’assuré. Pour les accidents de la route, le projet de loi va être mis à l’étude, l’assurance individuelle du conducteur et de ses passagers va être rendue obligatoire. Enfin, dans un but de prévention, les taxes sur les alcools et sur le tabac seront prochainement relevées. Cinquième et dernier chapitre, l’Etat, car l’Etat lui aussi va accroître sa participation aux dépenses de la Sécurité sociale, en 79 et 80, à titre exceptionnel, il versera de 2 à 4 milliards de francs et cela permettra la prise en charge de la formation des médecins et celle des malades hospitalisés depuis plus de trois ans. Enfin, la Caisse des Dépôts accordera un prêt de 5 milliards de francs au régime général pour subvenir aux besoins de sa trésorerie. Au total, l’addition est élevée, 4 milliards de francs pour l’Etat, 8 milliards pour les professions de santé et 12 milliards de francs pour les assurés.