Les ordonnances Jeanneney
Notice
L'histoire de la Sécurité sociale est marquée par 3 grandes dates : 1945, 1967, et 1996. Les trois fois, la Sécurité sociale a été réformée par voie d'ordonnances. Les ordonnances de 1967 modifient l'organisation de la Sécurité sociale et créent les 4 Caisses nationales du Régime général : la Cnam, la Cnaf, la Cnav et l'Acoss.
Éclairage
Les ordonnances de 1967 sont restées dans l'histoire de la Sécurité sociale sous le nom de leur auteur : Jean-Marcel Jeanneney, ministre des Affaires sociales.
Les 4 ordonnances du 21 août 1967, dites ordonnances Jeanneney, marquent la deuxième des trois grandes dates de la Sécurité sociale, les deux autre étant 1945 et 1996. Il est particulier, pour ne pas dire symptomatique que, en ces trois occasions, ce soit par le biais d'ordonnances que la Sécurité sociale connaît ses plus grandes réformes.
La première et la plus importante de ces ordonnances (n° 67-706) introduit trois grandes innovations dans l'organisation administrative et financière du Régime général de Sécurité sociale : la séparation des risques, la gestion paritaire des caisses, la création de trois Caisses nationales : la Cnam, la Cnav et la Cnaf. Ces caisses nationales sont dotées de responsabilités étendues, et en particulier celle de prendre toutes mesures pour assurer l'équilibre des recettes et des dépenses. Mais force est de constater que ce pouvoir donné aux partenaires sociaux, gestionnaires des organismes, n'a dans les faits jamais été utilisé par ces derniers. Deux explications peuvent expliquer la non utilisation de ce pouvoir. La première est que, face aux crises financières récurrentes de la Sécurité sociale, les partenaires sociaux ont préféré que ce soit l'Etat qui assume les mesures « désagréables » à prendre. La seconde est que, dans un domaine aussi important - tant politiquement que financièrement - que celui de la Sécurité sociale, l'Etat de toute façon ne peut que garder la main. Dès lors, les partenaires sociaux ne peuvent qu'être réduits à un rôle de quasi spectateur. La réalité est sans doute une combinaison linéaire de ces deux explications.
Une autre grande innovation de ces ordonnances est la création de l'Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale (Acoss), qui devait être la caisse nationale du recouvrement. Mais les ordonnances en décidèrent autrement. D'une part, le titre de Caisse nationale ne lui a pas été donné, d'autre part les ordonnances limitèrent le rôle de l'Acoss à la seule gestion de la trésorerie commune des trois branches dépensières. Bien qu'assurant la remontée des fonds depuis les Urssaf, l'Acoss n'avait quasiment aucun pouvoir sur ces dernières. Il fallut attendre la loi du 25 juillet 1994, pour que l'Acoss ait enfin les pouvoirs d'une Caisse nationale vis-à-vis de ses organismes locaux. En confiant à l'Acoss la gestion de la trésorerie commune, les ordonnances Jeanneney se sont considérablement affaiblies. En effet les gouvernements, dans le cas de difficultés financières, se sont contentés de vérifier que la trésorerie totale était à flot. Ainsi les excédents de la Cnaf ont-ils, dans les faits, servis à payer les retraites et l'Assurance maladie.
Les ordonnances de 1967 ont comporté de multiples mesures d'économies.
Deux autres caractéristiques méritent, en particulier d'être signalées. Pour la première fois, des points de cotisations déplafonnés ont été instaurés, rompant ainsi avec les règles posées par Bismarck où toutes les cotisations et toutes les prestations étaient sous plafond.
La deuxième nouveauté est la création d'une taxe sur les primes d'assurance automobile, affectée à la Cnam. Pour la première fois, une taxe venait augmenter les ressources de la Sécurité sociale. Depuis, cette idée a fait beaucoup de chemin.