Raymond Barre et le premier plan de financement de la Sécurité sociale
Notice
Avant que n'existent les lois de financement de la Sécurité sociale - qui ont mis de l'ordre dans les comptes, à défaut de les rétablir - chaque fois que la Sécurité sociale était en déficit, le gouvernement créait un plan de financement. Entre 1976 et 1996, il y en eu une vingtaine. C'est Raymond Barre qui a donné son nom au premier plan.
Éclairage
L'année 1976 présente la particularité de voir se succéder les deux premiers plans de financement de la Sécurité sociale. La liste des plans de financement sera très longue, à tel point que les médias se mélangeront dans leur numérotation. Ces plans continueront jusqu'en 1996, où en application du plan Juppé, les Lois de Financement de la Sécurité Sociale (LFSS) les remplaceront, avec un vote annuel du « Budget de la Sécu ».
Deux caractéristiques doivent être retenues de la vingtaine de plans qui vont se succéder en vingt ans, entre 1976 et 1996.
La première est le mélange de ce que l'on peut appeler les « petits plans » et les « gros plans ».
Un plan de financement n'est jamais populaire et les mesures retenues sont aussi désagréables que difficiles à faire passer auprès de l'opinion publique. En possession des prévisions financières de la Sécurité sociale, le gouvernement et en première ligne le Ministre en charge de la Sécurité sociale, mettent en doute le niveau du déficit, estimant que les prévisionnistes ont une vision exagérément noire des perspectives. Dès lors ils fabriquent un « petit plan », rétablissant à peine l'équilibre et s'avérant insuffisant au bout de quelques mois. Ainsi, en moyenne 9 mois plus tard, il faut refaire un nouveau plan. Ce dernier est alors beaucoup plus conséquent ; il pourra durer de 18 à 24 mois... Avant qu'il ne soit nécessaire de recommencer. Il est alors possible de parler de « gros plan ».
Deuxième caractéristique de ces plans : leur facture est toujours la même. Hausse des cotisations, voire d'autres recettes, mesures d'économies et parfois transferts entre l'Etat et la Sécurité sociale. La règle générale est que la hausse de cotisations se chiffre en plusieurs milliards de francs, mais que les mesures d'économies ne comptent que pour quelques dizaines de millions. L'année 1976 est tout à fait caractéristique de cet état d'esprit. Ainsi au 1er janvier 1976, les cotisations maladie sont augmentées d'un point sur la totalité des salaires et les cotisations vieillesse de 0,5 point sur les salaires plafonnés. Le rendement escompté était chiffré à 10 milliards. Les mesures d'économies étaient, elles, limitées à la création des vignettes bleues [1] pour les médicaments : le Ticket Modérateur passe de 30 % à 60 %. Ne furent concernés en 1976 que les laxatifs et certains tranquillisants, pour un rendement d'environ 200 millions.
Il est symptomatique que les médias, reflétant en cela l'opinion du public, firent leurs titres sur : « Réduction drastique des prestations », alors que la hausse des cotisations - dont le rendement était cinquante fois supérieur - était à peine mentionnée.
L'hostilité des Français face aux mesures d'économies a conduit pendant des décennies à augmenter les prélèvements obligatoires. Quarante ans plus tard, les réactions des syndicats semblent laisser penser qu'il reste encore aujourd'hui plus facile d'augmenter les prélèvements que de faire des économies.
Il n'est dès lors guère étonnant que la France soit tristement championne des prélèvements obligatoires.
[1] Rappel concernant le taux de remboursement actuel des médicaments :
- 100% pour les médicaments à vignette blanche barrée (remboursements reconnus comme irremplaçables et coûteux).
- 65% pour les médicaments à vignette blanche (médicaments à service médical rendu majeur ou important).
- 30% pour les médicaments à vignette bleue, les médicaments homéopathiques et certaines préparations magistrales (médicaments à service médical rendu modéré).
- 15% pour les médicaments à vignette orange (médicaments à service médical rendu faible).