L'entrevue Churchill-De Gaulle à Marrakech

1944
03m 13s
Réf. 01077

Notice

Résumé :

Le général de Gaulle rencontre le Premier ministre britannique Winston Churchill à Marrakech, afin de consolider l'amitié franco-britannique. Les deux hommes saluent les drapeaux et passent en revue les troupes de la garnison.

Date de diffusion :
1944
Lieux :

Éclairage

Les 12 et 13 janvier 1944, le général de Gaulle rencontre Winston Churchill à Marrakech, où le Premier ministre britannique se trouve en convalescence depuis la conférence de Téhéran (28 novembre-1er décembre 1943). Installé à Alger, le chef de la France libre préside depuis l'été 1943 le Comité français de libération nationale. Mais De Gaulle s'impose difficilement comme le représentant de la France et les tensions sont nombreuses avec les États-Unis. Le Royaume-Uni, cependant, se montre soucieux de cultiver l'amitié d'un allié essentiel en Europe face aux tensions qui ne peuvent manquer de naître dans l'après-guerre avec l'URSS, essentiel au niveau international face aux revendications indépendantistes dans les colonies.

Le Maroc et la population marocaine sont les grands absents de ce reportage. Certes, la caméra suit dans le moindre détail le rituel des réceptions officielles à Marrakech : l'offrande du lait et des dattes, le déploiement des poupées traditionnelles au bord de la route, le spectacle des musiciens chleuhs et des bateleurs. Le Service cinématographique de l'armée (SCA) capture même l'image d'une femme marocaine faisant le V de la victoire à sa fenêtre. Pour autant, la ville et ses habitants ne semblent servir que de décor à des négociations dont ils sont largement exclus.

La vision folklorique de Marrakech donnée par le SCA escamote le tournant que constitue la guerre pour le Maroc comme pour l'ensemble du Maghreb. La défaite de 1940 porte un coup à la réputation d'invincibilité du pays protecteur. La confusion qui suit le débarquement anglo-américain de novembre 1942 se révèle tout aussi néfaste pour l'autorité de la France, d'autant que les Américains développent un point de vue très critique à l'encontre du colonialisme, comme le montre l'entretien du président Roosevelt avec le sultan durant la conférence d'Anfa (janvier 1943). Enfin, la dégradation de la situation économique accentue le mécontentement des Marocains. La nomination d'un résident général conservateur, Gabriel Puaux, anéantit toute perspective de réforme. À la fin de l'année 1943, naît le parti de l'Istiqlâl. Le 11 janvier 1944, les nationalistes marocains demandent dans un manifeste l'indépendance du pays.

Ce contexte politique troublé est soigneusement éludé dans le reportage. Il importe non seulement de rassurer les spectateurs sur l'amitié franco-britannique mais aussi sur la fidélité des peuples colonisés, à une époque où l'empire fait figure de recours. Alger n'est-elle pas devenue la nouvelle capitale de la France (libre) ? La participation des soldats marocains à la délivrance du territoire métropolitain s'annonce d'ores et déjà comme une nécessité. « Les Africains au secours de la métropole, le salut de la France par l'Empire, c'est un épisode sans précédent dans l'histoire », souligne l'historienne Christine Levisse-Touzé.

Morgan Corriou

Transcription

(Bruit)
Journaliste
Marrakech la rouge, la capitale du sud, vieille cité qui renferme dans la ceinture de ses remparts tout le pittoresque de la vie arabe. Sa place, Jemaa-el-Fna, ses souks ombreux, ses ruelles brûlées de soleil, dominées par l’un des plus purs témoins d’une brillante époque de l’histoire de l’Islam, la Koutoubia. Marrakech vient d’acclamer le Général de Gaulle, qu’accompagnait le Général [Gueret], et Monsieur Churchill. Une revue des troupes de la garnison a permis à la population française et marocaine qui avait envahi les avenues d’acclamer les deux grands hommes d’Etat ; dont la présence ensemble symbolisait une fois de plus l’amitié de deux nations. Journée historique pour les habitants de Marrakech, que celle où leur hôte d’honneur Churchill, à la légendaire silhouette, passa au côté du Général de Gaulle devant le front de troupe. Un défilé, drapeaux en tête, armée nouvellement équipée et spahis dans leur costume traditionnel, vint clore cette grandiose manifestation.
(Musique)
Journaliste
Monsieur l’Ambassadeur Gabriel Puaux, résident général de France au Maroc et Son Excellence Si Hadj Thami el Glaoui, pacha de la ville ; conduisirent ensuite le Général de Gaulle pour l’offrande rituelle des dattes et du lait.
(Musique)
Journaliste
Frénétiquement applaudi par la foule, les cavaliers de tribu, des musiciens chleuhs, le Général de Gaulle termina par une rapide visite de la ville indigène.
(Musique)
Journaliste
Quelques instants de repos après l’audience des notabilités françaises et musulmanes, quelques minutes de recueillement sur la terrasse du palais de la Bahia ; devant l’inoubliable spectacle de cette ville qui vient de manifester son vibrant enthousiasme. Et le Général de Gaulle regagnera Alger à bord de son avion personnel, salué une dernière fois par les autorités et les détachements des troupes. La rencontre de Marrakech a pu dire le Général de Gaulle, en présence de tous et sur le front des troupes françaises : nous voulons y voir un gage nouveau de l’alliance à la veille des suprêmes efforts en commun pour la même cause.
(Musique)