Yves Rouquette
Notice
Résumé
Rencontre avec l’écrivain Yves Rouquette, à Camarés, en Rouergue. Il évoque l’influence de cette région, berceau de son histoire familiale et de son enfance, sur son travail littéraire. C'est l'écrivain Robert Lafont, qui fut son professeur de français au collège de Sète, qui le conforta dans son rapport à la langue occitane. Le poète récite le poème Fuòc Jove sur des images de paysages du Rouergue. Il raconte ensuite comment il s’est confronté à l’écriture en occitan.
Langue :
Date de diffusion :
27 avr. 1986
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Contexte historique
Par
Yves Rouquette est une personnalité emblématique de la période post-1968. Déjà connu comme un jeune écrivain prometteur à la fin des années 1950 où il publie ses premiers recueils poétiques, il devient rédacteur en chef de la revue OC et se voit décerné le Grand prix des Lettres occitanes dès 1962. Il s’impose ensuite progressivement comme un homme de pensée et d’action qui marque durablement le mouvement occitan contemporain.
Né à Sète en 1936, Rouquette a 50 ans lors de cet échange avec le journaliste Jean-Pierre Laval. Il est chez lui à « La Serre », à Camarès dans l’Aveyron, ce lieu des origines où il passa une partie de son enfance avant de s’y fixer définitivement à la retraite avec sa compagne, l’écrivaine et chanteuse Marie Rouanet. La Serre est le théâtre de nombreux textes, aux côtés de Sète, la ville de l’adolescence, où il découvre « la dignité de l’occitan » au collège Paul-Valéry avec son professeur Robert Lafont, et où il se lie d’amitié fraternelle et artistique avec le peintre Pierre François. Il évoque ici son rapport à la langue : langue exclusive des grands-parents, langue des parents entre eux, langue reconquise en dignité grâce à Robert Lafont.
Au cours des années 1960 Yves Rouquette s’engage de plus en plus sur les thèmes « décolonisateurs » de l’époque et participe activement à l’émergence d’un occitanisme politique de pensée et d’action, devenant un personnage clivant de la période : adulé par certains pour son charisme, la sincérité de ses engagements, l’importance de son action - il crée la maison de disque Ventadorn et le Centre international de documentation occitane - et bien sûr la force de son œuvre littéraire, il est aussi mis à l’écart par d’autres, l’accusant d’une forme de populisme, rejetant une truculence excessive et une certaine violence verbale.
L’évolution de ses rapports avec Robert Lafont, autre personnalité qui domine la période, représente une page importante de l’occitanisme du dernier tiers du XXe siècle, dont le moment charnière fut l’Assemblée générale de l’Institut d'études occitanes à Aurillac en 1981. Des dizaines de personnalités et militants assistèrent, à travers la violence de la séparation publique entre les deux hommes, à la division consommée du mouvement occitan. Alors qu’on l’accusait de « tuer le père », Rouquette eut ce mot qui demeura obscur à la plupart des témoins : « Lafont, c’est pas mon père, c’est ma mère ».
Disparu en 2015, Yves Rouquette apparaît aujourd’hui avant tout comme un immense écrivain. Ses premiers recueils L’Escriveire public (IEO, 1958) et Lo Mal de la tèrra (IEO, 1959) se font tour à tour cri et caresse, expression de la douceur des choses et des êtres, et de la révolte nécessaire.
Toute son œuvre révèle une attention constante au monde et au langage des humbles ; elle se nourrit de la quête incessante de la parole du peuple, au point de devenir la voix même de ce peuple, dans une démarche d’« écrivain public ». Ces humbles, ce sont souvent ceux de ce petit univers aveyronnais qu’il découvre enfant et qu’il choisit de retrouver pour la fin de sa vie, ce Pont de Camarès qui inspira le récit Lo Poèta es una vaca (Lo Libre Occitan, 1967) et les beaux portraits de Ponteses (Forra-Borra, 1976). Ce sont aussi les portraits dessinés dans l’humble cadre du quotidien qui émaillent les deux volumes de L’Ordinari del mond (Letras d’òc, 2009 et 2015). Ce sont les personnages du roman historique Lengadòc roge (IEO : A Tots, 1984) sur les luttes du peuple languedocien contre le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte. Cette attention au peuple refuse cependant le pittoresque et le populisme, comme le dit le poème « Fidèls » : « Fugir TOT PINTORESC / Siam pas / De poètas païsans / Avèm pas d’esclòps a pausar / A la pòrta de cap de bòria…» (« Fuir TOUT PITTORESQUE / Nous ne sommes pas des poètes paysans / Nous n’avons pas de sabots à poser à la porte d’aucune ferme… »)
Malgré un certain désenchantement à la fin de sa vie, dû autant à des épreuves personnelles qu’à l’échec de son projet occitaniste qu’on peut, sans le trahir, qualifier de nationaliste, il ne cessa de publier jusqu’à sa mort en janvier 2015, ni d’intervenir dans des événements publics où se manifestaient tour à tour sa finesse, sa sensibilité, son immense culture littéraire et sa verve volontiers provocatrice.
Transcription
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