Yves Rouquette à propos de la colonisation de l'Occitanie

Italiques était une émission littéraire – on ne disait pas encore talk-show – sur la seconde chaîne de la télévision entre 1971 et 1974. L’animateur, Marc Gilbert, y recevait des écrivains. Yves Rouquette fait partie des rares auteurs occitans à avoir eu cet honneur, même si d'autres, Robert Lafont, Bernard Manciet, Max Rouquette … en ont bénéficié plus tard ou à la même époque, dans d’autres émissions encore plus prestigieuses, animées par Michel Polac, Bernard Pivot ou encore Laure Adler.

Yves Rouquette (1936-2015), natif de Sète, enseignant de français et d’occitan à Béziers, est en 1973 un poète et prosateur reconnu depuis les années 1950. Il est le frère d’un autre poète occitan, Jean Larzac, et l’époux de la chanteuse et romancière bilingue, Marie Rouanet. C’est aussi depuis le début des années 1960 l’un des animateurs de l’occitanisme politique aux côtés de (puis contre…) Robert Lafont, dans le cadre du Comité occitan d’études et d’action (1962-1971) et de la revue Viure (1965-1973).

Il joue enfin un rôle important dans l’émergence de la nouvelle chanson occitane née en 1968-69, et dans la coopérative Ventadorn qui édite et diffuse cette chanson. C’est donc un poids lourd de l’occitanisme militant de ces années qui, exceptionnellement, a la possibilité de défendre ses positions sur les ondes d’une télévision publique (la seule à exister alors) qui, sous la présidence de Georges Pompidou, est assez peu ouverte à l’expression de quelque « contestation » que ce soit.



Yves Rouquette profite assez astucieusement de l’occasion pour résumer en quelques mots, pour un public ordinairement fort peu informé, ce que sont les grands thèmes défendus alors par l’occitanisme politique. On va donc retrouver dans ses propos la dénonciation de la colonisation de l’Occitanie, maître mot de l’argumentaire du mouvement depuis les travaux de Robert Lafont, dans sa dimension historique, depuis le XIIIe siècle (allusion à la Croisade contre les Albigeois) jusqu’à l’époque contemporaine.



Défilent ainsi des allusions aussi bien aux révoltes populaires qui ont scandé l’histoire du Midi depuis l’époque moderne jusqu’au mouvement viticole de 1907, qu’à la grande grève des mineurs aveyronnais de Decazeville en 1961-1962, le déclic qui a amené à la création du Comité Occitan d’Etudes et d’Action.



Il n’oublie pas de mentionner aussi le phénomène de l’exil contemporain des jeunes Occitans contraints de chercher dans le nord de la France des emplois que l’économie occitane, oubliée des Trente Glorieuses, ne leur fournit pas ou plus ; il n’oublie pas davantage la dimension culturelle de la revendication occitane, quitte à la faire passer au second plan par rapport à la lutte pour le pays.