Sabordage de la flotte française à Toulon

27 novembre 1942
02m 10s
Réf. 00309

Notice

Résumé :

Le 27 novembre au soir, le général de Gaulle évoque au micro de la BBC le sabordage de "la flotte de Toulon, cette flotte de la France". Il salue le "réflexe national" des marins français qui leur a évité de collaborer avec l'ennemi. Il stigmatise "le voile atroce que, depuis juin 1940, le mensonge tendait devant leurs yeux". Comme d'autres commentateurs de l'événement, il évoque les combats d'une "ultime résistance" qui n'a pas véritablement eu lieu. Il formule le voeu qu'au moins ce nouveau désastre achève de rassembler les Français dans la lutte contre l'occupant et contre Vichy, pour la victoire.

Type de média :
Date de diffusion :
27 novembre 1942
Type de parole :

Éclairage

Le 11 novembre 1942 au petit matin, en riposte au débarquement anglo-américain qui vient d'avoir lieu en Afrique du Nord, les troupes allemandes franchissent la ligne de démarcation. Le 12 au soir, elles atteignent le littoral méditerranéen. Quelques gestes isolés mis à part, aucune résistance n'est opposée aux envahisseurs. Seul le camp retranché de Toulon reste "libre" moyennant un accord de collaboration militaire défensive contre toute attaque venant de la mer. Or, à Toulon mouille la flotte française de Méditerranée, soit la moitié la plus moderne de la flotte française. Programmée par les Allemands dès le 19 novembre, l'opération "Lila" visant à neutraliser cette flotte ou à l'acculer au suicide est lancée dans la nuit du 26 au 27 novembre. Le 27 à 5h15, l'amiral de Laborde, commandant des Forces de haute mer, donne l'ordre de sabordage après avoir appris que les Allemands ont fait prisonnier l'amiral Marquis, préfet maritime, et parviennent dans l'arsenal. En quelques heures, l'un des rares atouts dont disposait encore la France disparaît. 85 bâtiments (dont 3 cuirassés, 7 croiseurs, 15 contre-torpilleurs, 12 sous-marins) pour un total de 350.000 tonnes sont en effet coulés. 5 sous-marins parviennent malgré tout à quitter la rade, dont 3 choisissent de gagner Alger, 1 se saborde et le dernier gagne l'Espagne. Ce sabordage n'est pas un acte de résistance à proprement parler. Il témoigne seulement du refus de participer à la lutte, que ce soit aux côtés des Allemands ou à ceux des Alliés. Avec l'occupation totale de la France et la dissolution de l'armée d'armistice - qui a lieu également le 27 novembre, le sabordage de la flotte à Toulon apporte une nouvelle preuve de la vanité du pari vichyste et de la faillite du régime fondé par le maréchal Pétain, accélérant au passage le ralliement à la résistance d'un certain nombre d'éléments militaires et policiers.

Guillaume Piketty

Transcription

Charles de Gaulle
La flotte de Toulon, cette flotte de la France, vient de disparaître. Au moment où nos navires allaient être saisis par l'ennemi, le réflexe national a joué dans les âmes des équipages et des états-majors. En un instant, les chefs, les officiers, les marins ont dû se déchirer le voile atroce que, depuis juin 1940, le mensonge tendait devant leurs yeux. Ils ont compris en un instant à quel aboutissement infâme ils allaient être acculés. Privés, sans doute, de toute autre issue, ces marins français ont, de leurs mains, détruit la flotte française afin que soit, du moins, épargnée à la patrie la honte suprême de voir ces vaisseaux devenir les vaisseaux de l'ennemi. Mais la France a entendu le canon de Toulon, l'éclatement des explosions, les coups de fusil désespérés de l'ultime résistance. Un frisson de douleur, de pitié, de fureur l'a traversée toute entière. Ce malheur qui s'ajoute à tous ces malheurs achève de la dresser et de la rassembler. Oui, de la rassembler dans la volonté unanime d'effacer, par la victoire, toutes les atroces conséquences du désastre et de l'abandon. Vaincre, il n'est pas d'autre voie. Il n'y en a jamais eu d'autre.