Plaidoyer pour l'"association" dans les entreprises

14 décembre 1948
04m 30s
Réf. 00319

Notice

Résumé :

Le général de Gaulle a appelé les délégués des groupes d'entreprises du RPF à venir l'entendre et c'est devant la salle comble du Vélodrome d'hiver à Paris qu'il stigmatise le communisme international, rappelle son objectif de réformes sociales et exprime le souhait que le peuple soit rapidement consulté.

Type de média :
Date de diffusion :
14 décembre 1948
Type de parole :

Éclairage

Le discours du général de Gaulle s'inscrit dans un double contexte international et national où les questions sociales occupent une place majeure. La guerre froide, née en 1947, ne voit-elle pas l'opposition de deux modèles, l'un occidental, porté par les Etats-Unis, celui de la démocratie libérale, de l'économie de marché et du capitalisme et l'autre, porté par l'URSS, celui de la démocratie marxiste, de l'économie collectivisée et du socialisme ? A l'intérieur, la France a connu en 1947-1948 un climat social et politique tendu et très agité, marqué par de très importants conflits sociaux - les plus forts depuis 1936 -, avec des grèves longues et insurrectionnelles et par une rupture entre le PCF et les autres partis du tripartisme (SFIO-MRP). L'anticommunisme de la Troisième Force au pouvoir et des gaullistes dans l'opposition s'est exprimé avec vigueur pour empêcher une dérive politique du mouvement social.

De Gaulle ne s'est pourtant jamais contenté de s'opposer aux communistes (qualifiés de "séparatistes" depuis le discours de Rennes en 1947). Dès la naissance du RPF, il a présenté la transformation sociale comme un des objectifs majeurs du gaullisme. Il en a présenté les fondements dans son discours de Saint-Etienne le 4 janvier 1948. C'est le projet d'Association Capital-travail, volet social du gaullisme, troisième voie entre capitalisme et communisme. Soutenu par de Gaulle, théorisé et défendu par des gaullistes comme Baumel, Capitant, Vallon, Bridier, cet objectif n'a pas été réalisé, au temps du RPF et à peine ébauché sous la Ve République, sous la forme de la "participation". L'Association n'a pas rencontré dans l'électorat et les milieux gaullistes le soutien voulu : n'était-elle pas à la fois trop à gauche, trop ambitieuse et trop difficile à mettre en oeuvre concrètement pour être mise en oeuvre ?

Bibliographie :

Patrick Guiol, L'impasse sociale du gaullisme. Le RPF et l'Action ouvrière, Paris, Presses de la FNSP, 1985.

Fondation Charles de Gaulle-Université de Bordeaux 3, De Gaulle et le RPF 1947-1955, Paris, Armand Colin, 1998.

Bernard Lachaise

Transcription

Charles de Gaulle
Nous, peuple français rassemblé, nous voulons que les travailleurs capables deviennent des sociétaires au lieu d'être des salariés.
Applaudissements.
Charles de Gaulle
Oh, je ne vais pas, à ce sujet, déclamer des tirades démagogiques. Mais je dirai simplement que si nous voulons cela, ce n'est pas seulement par souci d'élever la condition ouvrière mais c'est aussi par conscience de ce qui est nécessaire au renouveau de la France et à l'avenir de la civilisation. Oui, nous voulons l'association du travail, du capital et de la direction. Et dans quel cadre ? Je réponds. Dans le cadre de l'entreprise, parce que c'est dans l'entreprise que les travailleurs, les capitalistes et les dirigeants collaborent d'une manière pratique. Et sous quelle forme, l'association ? Je réponds. Sous forme de contrat de société passé, sur pied d'égalité, entre tous les éléments qui participent et qui s'engagent les uns vis-à-vis des autres. Les types de contrat étant, naturellement, divers suivant la nature et la dimension des entreprises. Il est bien certain que les modalités de l'association chez Renault ne seront pas les mêmes, exactement, que celles du garage Victor. Et qu'est-ce qu'il y aura dans ce contrat d'association ? Je réponds. Il y aura, naturellement, les conditions particulières que chacun des sociétaires apporte à son concours, par exemple la rémunération de base pour les ouvriers, l'intérêt de base pour le capital, qui fournit les installations, les matières premières et l'outillage, et les droits de base pour les chefs d'entreprise dont c'est la charge de diriger et qui ont, notamment, à pourvoir aux réserves et aux investissements. Mais cela posé, le contrat devra prévoir et régler la rémunération de chacun, du haut en bas, suivant l'échelle hiérarchique, en proportion du rendement collectif de l'entreprise, rendement qui sera constaté périodiquement par l'assemblée des participants. Nous croyons que l'association peut donner à la production française une impulsion décisive. Le régime nouveau aura, comme avantage social, de lier entre eux, dans l'entreprise, de lier entre eux au lieu de les opposer dans l'entreprise, les intérêts des ouvriers, des patrons, des capitalistes. Mais aussi... Oh, nous ne nous faisons pas des illusions énormes sur le temps et le nombre d'expériences qu'il faudra pour changer l'atmosphère. Nous savons qu'il faudra du temps et des expériences. Mais l'avantage social à obtenir est tel qu'on doit pouvoir supporter ce temps et ces expériences-là. Et puis aussi l'association aura pour effet technique de pousser tous les producteurs ensemble à améliorer la productivité et le rendement.