Voeux pour l'année 1968

31 décembre 1967
11m 05s
Réf. 00066

Notice

Résumé :

A l'occasion des traditionnels voeux du chef de l'Etat, Charles de Gaulle dit sa confiance dans une année 1968 prospère pour tous. Il évoque avec sérénité les défis que la France va être amenée à relever : le progrès économique et social, l'indépendance de la France, la construction européenne. Il prend ensuitre vivement position contre les conflits au Vietnam et au Moyen-Orient. Le général termine son allocution en renouvellant ses voeux aux Français.

Type de média :
Date de diffusion :
31 décembre 1967

Éclairage

Alors qu'il est à la tête de l'État depuis près de neuf ans, le général de Gaulle, comme c'est la tradition désormais, présente à la télévision ses voeux pour la nouvelle année. Exceptionnellement, il s'adresse également à la " nation française du Canada " : c'est en effet en juillet 1967, alors en visite à Montréal, qu'il avait lancé le retentissant " Vive le Québec libre ! ", confirmant ainsi les liens particuliers tissés depuis le début des années 1960 entre les deux peuples.

Comme il en a pris l'habitude, le Général dresse le bilan de l'année écoulée et décrit quelle doit être celle qui débute. Dans le domaine économique et social, il rappelle les bons résultats qui s'inscrivent dans le mouvement mondial des " Trente Glorieuses ". Il se réjouit aussi de " la suppression prochaine des barrières douanières " pour les six pays de l'union européenne (les taxes et les restrictions quantitatives aux échanges disparaîtront officiellement le 1er juillet 1968). C'est un pas important pour l'Europe économique, d'autant que l'élargissement du Marché commun reste en peine : en mai 1967, le général de Gaulle opposait, encore une fois, son veto à l'adhésion de la Grande-Bretagne, rejetée pour ses liens trop forts avec les Etats-Unis.

Il réaffirme aussi sa volonté d'inscrire la politique française dans l'espace mondial, car son " but primordial " est la paix. A ce titre, l'année 1967 lui en donne l'occasion par deux fois. Au Vietnam tout d'abord, où il condamne sans relâche les bombardements et demande le retrait des troupes américaines. Au Proche-Orient ensuite, où la Guerre des Six Jours oppose, en juin, Israël et les pays arabes. Le général de Gaulle porte son soutien à ces derniers, attitude qui vaut à la France une aura diplomatique sans précédent dans le monde arabe (impensable du temps de la guerre d'Algérie), mais au prix d'un éloignement brutal avec Israël.

Aude Vassallo

Transcription

(Musique)
Charles de Gaulle
Françaises, Français ! De tout mon coeur je souhaite une bonne année à la France. Par là même, mes voeux vont à chacune et à chacun de vous, car quand la France est malheureuse, il n'y a pas de bonheur pour des français dignes de ce nom. Mais quand la France réussit, tous ses enfants voient grandir leur chance. Oui tous, c'est-à-dire, ceux de notre métropole, ceux de nos départements et territoires d'Outre mer, ceux qui vivent à l'étranger et enfin, cas très émouvant et qui nous est d'autant plus cher, ceux de la nation française au Canada. Nos meilleurs souhaits d'autre part à tous les peuples de la terre où la France d'à présent ne se connaît pas d'ennemi. Que sera 1968 ? L'avenir n'appartient pas aux hommes et je ne le prédis pas. Pourtant en considérant la façon dont les choses se présentent, c'est vraiment avec confiance que j'envisage pour les 12 prochains mois, l'existence de notre pays. Bien entendu tous les intérêts, toutes les tendances, tous les désirs ne seront pas comblés l'année prochaine. Il est sûr que nous subirons diverses épreuves, déceptions et lacunes. Je ne doute pas que de multiples griefs, regrets, critiques auront de quoi s'alimenter. Les vers de Verlaine, "mon Dieu, mon Dieu, la vie est là, simple et tranquille", peuvent évoquer une paisible demeure, non pas un grand peuple en marche. Je crois cependant qu'au total, à moins de grave secousse qui bouleverserait l'univers, notre situation continuera de progresser et que tout le monde y trouvera son compte. Dans l'ordre politique, nos institutions seront appliquées, on ne voit donc pas comment nous pourrions être paralysés par des crises telles que celles qui nous ont jadis fait tant souffrir. Au contraire on peut espérer que l'ardeur du renouveau faisant son chemin et ces promoteurs, surtout les jeunes faisant leur oeuvre, notre république trouvera des concours de plus en plus actifs et étendus. De toute façon, au milieu de tant de peuples secoués par tant de saccades, le nôtre continuera de donner l'exemple de l'efficacité dans la conduite de ses affaires. Dans le domaine économique et social, si l'immense transformation qu'accomplit la nation française doit comporter forcément pour elle de janvier jusqu'à décembre des efforts et des difficultés, c'est tout de même avec espoir qu'en son nom, je salue l'année 1968. Il semble bien qu'en effet que notre industrie, notre agriculture, notre commerce, nos activités de pointe, réaliseront l'avance qui est visée par les réformes, les lois et les crédit que leur consacre actuellement l'Etat. L'année 1968, je la salue avec sérénité, parce q'on peut croire que la suppression prochaine des barrières douanières à l'intérieur du Marché Commun et le surcroît de concurrence qui en sera la conséquence, n'empêcheront chez nous, bien au contraire, l'expansion d'augmenter encore le niveau de vie de s'élever davantage. Les conditions de l'emploi de devenir meilleures, compte tenu des mesures qui sont prises et de celles qui au besoin le seront à cet égard, l'année 1968, je la salue avec satisfaction parce que grâce à l'intéressement du personnel au bénéfice d'un grand nombre d'industries, elle va marquer une importante étape vers un ordre social nouveau. Je veux dire, vers la participation directe des travailleurs au résultat, au capital et aux responsabilités de nos entreprises françaises. Quant à notre action à l'extérieur, nous allons la poursuivre sur la base de notre indépendance, désormais recouvrée, après une écplise qui durait depuis plusieurs générations. Cette action vise à atteindre des buts liés entre eux et qui parce qu'ils sont français, répondent à l'intérêt des hommes lesquels, un but de la France, c'est l'union de l'Europe toute entière, par la pratique entre son occident, son centre et son orient, de la détente, de l'entente et de la coopération, où nous-mêmes, nous sommes franchement engagés. Par l'affermissement du Marché Commun, pourvu qu'il tende à l'affranchissement et non pas à la subordination de l'ouest de notre continent. Un jour peut-être par l'élargissement de cette communauté, dès lors que les candidats se seraient mis politiquement, économiquement, monétairement en mesure d'y entrer sans la détruire ni la dévoyer. Un autre but de la France, c'est le progrès des peuples en voie de développement, progrès qu'on doit faciliter en aidant à leur avance économique et culturelle, en stabilisant les prix mondiaux de leurs matières premières, en favorisant l'accès sur les marchés de ce que fabrique leur jeune industrie et là où il le faut, en leur fournissant les vivres pour les populations affamées. Mais le but primordial de la France c'est la paix, la paix que tout en nous assurant les meilleurs moyens possibles de dissuasion et de défense, nous voulons maintenir pour nous-mêmes, comme nous le faisons intégralement depuis tantôt 6 années mais qu'aussi nous entendons voir rétablir là où elle a été brisée. Il s'agit naturellement avant tout, du Vietnam et du Moyen-Orient. Dans un cas comme dans l'autre, tout démontre à quel point étaient justifiés les avertissements que le bon sens et le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, nous a fait donner à deux Etats à qui nous voulons que du bien. Tout prouve maintenant que pour trouver une issue à ces guerres, il n'y a pas d'autre voie que celle que nous proposons. Tout indique que de ce fait, nous serons un jour en situation de contribuer au mieux, aux solutions internationales. Françaises, Français, voilà le cadre humain, actif et pacifique que 1968 paraît offrir à la Nation. Ce cadre-là, vous toutes, vous tous et moi aussi, puissions-nous le remplir de telle façon que l'année soit bonne et qu'elle fasse honneur à la France. Vive la République ! Vive la France !