Discours à l'Université de Toulouse

14 février 1959
18m 30s
Réf. 00027

Notice

Résumé :

Lors d'un voyage officiel dans le Sud-Ouest, le général de Gaulle prononce un discours à l'Université de Toulouse devant des étudiants enthousiastes, et rend hommage à l'esprit d'innovation et de recherche des scientifiques français et de ceux amenés à les remplacer dans l'avenir, les étudiants. Le général se rend ensuite au balcon de l'Hôtel de Ville, sur la place du Capitole, d'où il prononce devant une foule nombreuse un bref discours de remerciement et d'encouragement.

Type de média :
Date de diffusion :
15 février 1959
Date d'événement :
14 février 1959

Éclairage

Du 14 au 18 février 1959, le général de Gaulle accomplit un voyage officiel dans le Sud-Ouest. Il saisit l'occasion de son passage à Toulouse pour faire de sa visite aux établissements scientifiques et techniques rassemblés dans l'agglomération toulousaine (Sud-Aviation, l'Ecole d'agriculture, l'Institut d'optique électronique, l'Institut de toxicité, le Service de la carte de la végétation et des cultures, le Laboratoire électrotechnique et hydraulique) le symbole de sa volonté de promouvoir la recherche, gage de l'avenir et de la transformation du pays que son gouvernement entend assurer.

S'adressant aux professeurs et aux étudiants de l'Université de Toulouse à la Cité universitaire, il prononce ainsi devant un public enthousiaste l 'éloge des chercheurs , recommandant qu'une large partie de la jeunesse s'engage dans des études scientifiques et lui promettant de bonnes conditions d'études, des maîtres en nombre suffisant et un effort, déjà entamé, d'investissement dans les organismes de recherche. Mais s'il souhaite que l'Etat oriente la recherche dans le sens des applications les plus utiles à l'intérêt public, il admet que tout dépend du génie individuel de quelque chercheur. Son discours s'achève par un hommage à l'enseignement français au service de l'Homme.

Serge Berstein

Transcription

(Silence)
Charles de Gaulle
Après avoir vu, tour à tour, et je cite dans l'ordre : Sud-Aviation, et puis l'Ecole Agricole Régionale donc, et puis tout à l'heure l'Institut Electronique et en même temps Optique, en même temps on m'a montré l'Institut d'Opticité. J'ai pu voir aussi le Service de la Carte de la Végétation et des Cultures, je viens de voir à l'instant le laboratoire de ce qui est à la fois électrique et hydraulique et enfin je vois ici la Cité Universitaire, je vous vois tous, je vous vois toutes et je suis fixé. Autrement dit, autrement dit, j'ai le sentiment, au [INCOMPRIS] où je suis, au moment où je suis de ma vie, c'est-à-dire dans mes dernières années, j'ai le sentiment de me trouver sur une plage, au bord d'un océan. Celui, celui qui peut vous porter, vous, les chercheurs, vous, les professeurs, vous les étudiants, qui peut vous porter vers les rivages de la découverte et afin de gagner à partir de là, avec nous tous pour vous suivre, les terres inconnues du progrès. Il y a là la manifestation d'un mouvement général de notre espèce. L'Homme aujourd'hui au prise avec l'Univers, c'est-à-dire d'abord au prise avec lui-même, l'Homme cherche à sortir de soi. Il cherche à accéder à ce monde nouveau où les désirs restent infinis, mais où peut-être la nature cesse d'être limitée. Et alors, cet Homme là, cet Homme de notre temps, cet Homme moderne, regarde avec passion, avec admiration ce qui est découvert dans les cerveaux de quelques-uns et ce qui est réalisé dans les laboratoires. Et ce qui est ensuite appliqué par la technique moderne. Il regarde cela et en même temps, il faut bien le dire, il est guetté par son démon. Car la rivalité des états, la lutte des idéologies, l'ambition de dominer ou l'esprit d'indépendance, érigent à mesure en armes de guerre ces moyens nouveaux qui sont découverts pour améliorer la vie. Bref, c'est le perpétuel combat de l'Archange et de Lucifer. Et c'est pourquoi, il est indispensable que parallèlement à la culture, à la formation scientifique et technique, la pensée pure, la philosophie qui l'exprime, les lettres aussi qui la font valoir, les arts qui l'illustrent, et aussi la morale qui procède de la conscience et de la raison, que la pensée pure dirige la morale, oriente, conduise cet immense effort d'évolution. Ce n'est pas à la Faculté des Sciences de Toulouse, entouré que je suis, par les maîtres et les étudiants des diverses Facultés, que j'ai besoin de démontrer pourquoi il faut que l'éveil, et que le développement de l'esprit par la connaissance de ce qui est beau et par le culte de ce qui est bon, s'associe de la façon la plus directe à la formation scientifique et technique de nos jours. Eh bien pour la France, pour notre France, qui est un pays contenant beaucoup de traditions de recherche, et j'en suis sûr, beaucoup de capacités profondes, pour notre France qui se trouve actuellement en plein essor de rajeunissement, pour notre France qui doit absolument choisir, entre le déclin ou bien l'acceptation, et même l'enthousiasme pour ce qui est moderne. En particulier pour la culture, pour la formation, pour la recherche scientifique, cette France là, dis-je, accueille toute cette transformation avec un commencement d'espoir et un début de satisfaction. Cette France là, elle sent bien que ce qu'il y a à construire, c'est comme tout ce qu'on construit, ça comporte plusieurs étages. A la base, il y a bien sûr le fait qu'une grande partie, une large partie de la jeunesse française doit venir aux sciences, doit venir à l'enseignement technique et scientifique, et que les étudiants travaillent bien. Ensuite, un peu plus haut, il y a les maîtres. Les maîtres qui doivent se trouver, qui doivent être en nombre suffisant, et qui doivent avoir les moyens voulus pour accomplir leur grande tâche. Au-dessus, les chercheurs, dont il faut qu'ils trouvent l'équipement spécial qui est indispensable à leurs travaux, et aussi dont il faut qu'ils ne cloisonnent pas les pensées et les sentiments, pas plus que les résultats. Et puis enfin, il y a l'Etat. L'Etat, au sommet. L'Etat qui a le devoir et qui a la fonction d'entretenir dans la Nation, une atmosphère, un climat, favorable à la recherche et à l'enseignement. L'Etat qui dans le flot des besoins et dans le flot des dépenses, a le devoir, je le répète, et la fonction de pourvoir les laboratoires et de pourvoir l'enseignement. L'Etat enfin, qui doit donner son orientation tout en laissant à chacun, bien entendu, sa direction et son autonomie. Je parle de ceux qui recherchent. L'Etat qui a le devoir de donner cependant, l'orientation, à ce qu'il est souhaitable que l'on trouve ou que l'on perfectionne dans l'intérêt public, et qui donc, par conséquent, doit appliquer vers ces objectifs là, ce dont il dispose en fait de moyens et en fait d'hommes.
Foule
BRAVO
Charles de Gaulle
Eh bien la France, eh bien la France qui a beaucoup d'espoir et qui a beaucoup à faire, la France dis-je constate que beaucoup déjà, quoique quelquefois l'on dise, beaucoup a été fait et beaucoup se fait. Et puis voyez-vous, quoique l'on fasse et quoique l'on dise, dans cet ordre d'idée là vous le savez tout comme moi, en définitive, ce qui peut faire franchir tous les obstacles, ce qui peut tout à coup faire écrouler les barrières, c'est l'éclair, imprévu et imprévisible, qui jaillit soudain d'un cerveau. C'est cela qui, de tous temps, a fait faire à tout ce qui était préparé, un pas de géant, tout à coup. Il n'y a aucune raison pour que notre France n'enfante pas demain comme elle l'a fait hier, ces hommes exceptionnels. Et puis peut-être, il est parmi vous. Celui-là, celui-là, celui-là qui est appelé à quelques découvertes merveilleuses. Eh bien, celui-là, je le salue d'avance, et même, et même je salue sa gloire, bien que je puisse dire que la gloire, ce n'est pas grand chose. Mais à travers l'Université de Toulouse, je salue tout l'enseignement français, je salue les chercheurs, les maîtres et les étudiants. Et je les salue parce que en même temps je leur rend témoignage, témoignage qu'ils rendent service à celui qu'il faut servir, c'est-à-dire à l'Homme tout simplement. Rien n'est meilleur que d'alléger, rien n'est meilleur que d'alléger le fardeau des hommes. Rien n'est plus noble et rien n'est plus grand que de leur ouvrir l'espoir. De, de tout mon coeur : Merci à Toulouse. Merci pour l'accueil que vous voulez bien me faire, et puis merci parce que du même coup, figurez-vous que je me sens rajeunir. Et je vais vous faire une promesse, à vous Toulouse, écoutez-moi bien, et en vous la faisant à vous, je la fais à toute la France. Cette année qui sera certainement, qui est, à divers égards difficiles, difficiles pour chacun et difficiles pour l'ensemble, cette année va nous ouvrir, j'en suis sûr, les grandes portes d'un avenir beaucoup meilleur.
Foule
De Gaulle, De Gaulle, De Gaulle, De Gaulle, De Gaulle,.......