Charles de Gaulle
Les affaires de la France sont difficiles mais hier, elles semblaient insolubles.
Aujourd'hui, non.
N'est-ce pas déjà un progrès ?
Pour l'immédiat, il en est trois qui dominent notre situation : l'Algérie, l'équilibre financier et économique, la réforme de l'Etat.
Dans ces domaines, nous venons de loin.
Mais maintenant, je crois, que, avant la fin de cette année, nous serons engagés dans la bonne voie.
L'Algérie : les conditions de son avenir.
La France veut les fixer avec les Algériens eux-mêmes mais qu'ils fassent entendre leur voix. Celle des fusils est stérile.
Or, les Algériens vont avoir, lors du prochain référendum puis lors des futures élections, la possibilité de s'exprimer librement, tous ensemble en un seul collège où le suffrage de chacun comptera autant que le suffrage des autres.
Hier, c'eut été inconcevable.
A présent, cela devient possible grâce au mouvement de fraternisation qui rapproche les communautés, grâce à l'armée qui répondra de la sécurité, de la loyauté, de la dignité de cette consultation, grâce à ce que nous avons décidé de faire pour que les dix millions d'Algériens aient tous désormais les mêmes droits et les mêmes devoirs.
L'année 58, pour l'Algérie, ouvre la route de l'espoir.
Etablir l'équilibre financier et économique, on en a beaucoup parlé ; or c'est ou jamais le moment de le faire, c'est même le dernier moment.
J'ai résolu d'y réussir avec mon gouvernement et le concours du pays tout entier.
Il n'y a personne qui ne sache que le sort même de la France et celui de chaque Français dépendent dans ce domaine du succès ou de la culbute.
Or, tout peut être sauvé si dans le cours de cette année, l'ensemble des dépenses publiques, des prix, des rémunérations, des profits ne dépasse pas le niveau où il est.
Si les possédants subissent quelques nouveaux sacrifices, si les producteurs, les fonctionnaires, les salariés concourent tous au sauvetage au détriment des augmentations qu'ils pouvaient escompter.
Bref, si nous stabilisons. Cela est absolument nécessaire pour que l'Etat échappe à la ruine, pour que puisse se poursuivre l'expansion de notre économie, pour que se maintienne le plein-emploi, eh bien, nous entendons le faire.
Nous sommes sur la voie d'y réussir.
D'ailleurs, jour après jour, les preuves éclatantes de la confiance nationale affluent aux guichets de l'emprunt.
Le résultat doit être excellent. Il apparaît déjà comme tel.
Il nous permettra de franchir le passage entre la région des abîmes où nous nous étions engagés et le plateau de la mise en ordre.
C'est pourquoi, au nom du pays et, laissez-moi le dire au mien, je remercie celles et ceux qui ont déjà souscrit et je remercie d'avance celles et ceux qui souscriront avant que cette année finisse.
Je compte que, au point de vue de la monnaie, du budget et des échanges, le redressement sera en plein cours.
La réforme de l'Etat, c'est le moyen d'éviter désormais ses crises absurdes et désastreuses où la France chancelait au milieu du doute de ses enfants et de l'ironie du monde.
C'est la base sur laquelle nous devons construire notre avenir de peuple moderne, vigoureux, plein de ressources et de capacités, et dont l'univers a besoin pour parer aux cataclysmes.
En temps voulu, le projet relatif aux institutions nouvelles sera soumis au suffrage du peuple.
S'il répond oui, je garantis que, avant la fin de cette année, des pouvoirs publics capables de porter leurs responsabilités seront normalement mis en place.
Voilà les buts, voilà les enjeux.
C'est tellement grand, c'est tellement important qu'en comparaison, les prétentions idéologiques, les disputes politiques, les agitations partisanes sont tout simplement dérisoires.
J'en appelle à l'unité . Cela signifie que j'en appelle à tout le monde.
Il faisait bien sombre hier.
Ce soir, il y a de la lumière.
Françaises, Français, aidez-moi !