Parcours thématique

De Gaulle : le retour au pouvoir

Serge Berstein

Introduction

Le retour au pouvoir du général de Gaulle au printemps 1958, s'il est fondamentalement dû à l'impasse dans laquelle se trouve plongée la IVe République du fait de la guerre d'Algérie, représente pour le Général l'occasion de mettre en oeuvre la réforme des institutions qu'il médite depuis la Libération mais qui a échoué en 1946.

Revenir au pouvoir pour changer les institutions

Les institutions selon de Gaulle : le discours de Bayeux

Discours de Bayeux

Discours de Bayeux

Visite du général de Gaulle à Bayeux pour y présider les fêtes organisées par la municipalité en commémoration de sa visite à cette ville, la première libérée, dans les premiers jours de la bataille de France de juin 1944. De Gaulle rappelle la Libération grâce à la victoire finale des alliés et de la France, ce qui permet la réapparition sur le sol des ancêtres de l'Etat légitime. Puis il souligne l'urgence de bâtir les institutions nouvelles de la France et expose, de façon précise, sa vision des institutions, marquée par une profonde rénovation, avec deux idées principales : le pouvoir exécutif ne doit pas procéder du Parlement et c'est d'un chef de l'Etat fort que doit procéder le pouvoir exécutif.

16 juin 1946
11m 23s

Le 16 juin 1946, au moment où la seconde Assemblée constituante, élue en mai, s'apprête à étudier la future Constitution de la IVe République, de Gaulle fait connaître ses vues sur la question.

  • Les institutions : un ensemble qui doit répondre aux attentes et aux aspirations d'un peuple à un moment donné de son histoire. Or, celles de la IIIe République n'ont garanti ni l'unité nationale ni la défense du territoire. Les nouvelles institutions doivent y pourvoir et maintenir l'Union française.
  • La démocratie exige cependant un parlement de deux chambres (la seconde, formée d'élus locaux et des représentants des organisations économiques, familiales, intellectuelles), chargé de voter les lois et le budget.
  • Mais le pouvoir exécutif ne doit pas procéder du Parlement. Il aura pour clé de voûte un président de la République désigné par un collège d'élus, chargé de constituer le gouvernement, d'orienter la politique du pays, de promulguer les lois, d'arbitrer, de consulter le pays, d'être le garant de l'indépendance nationale et des traités.

Une condamnation sans appel du régime de la IVe République : le discours d'Epinal

Discours à Epinal

Discours à Epinal

Dans ce discours prononcé à Epinal en septembre 1946, le général de Gaulle, retiré du pouvoir depuis le mois de janvier, invite les électeurs à rejeter le projet de constitution présenté par l'Assemblée Constituante, qui vient d'être approuvé par l'Assemblée nationale, et qui va être soumis au peuple par voie référendaire. Le général de Gaulle, dans la lignée du discours de Bayeux, critique le régime des partis, et plaide pour une France dotée d'un Etat fort, qui puisse exister véritablement entre les Etats-Unis et l'URSS.

29 sep 1946
06m 29s

Le 29 septembre 1946, alors que l'Assemblée constituante a adopté la nuit précédente le projet de constitution qui doit être soumis au peuple par référendum, le général de Gaulle saisit l'occasion de sa venue à Epinal pour célébrer le second anniversaire de la libération de la ville, afin de faire connaître son jugement sur le projet en montrant qu'il s'oppose sur tous les points aux propositions de Bayeux.

Pourquoi ne peut-on approuver le texte voté ?

  • Les partis disposeront de tous les pouvoirs de la République.
  • Le gouvernement sera placé sous la dépendance des partis.
  • L'Assemblée nationale aura l'initiative des dépenses sans contre-pouvoir.
  • La justice dépendra d'un Conseil dont la moitié des membres sera élue par les partis.
  • Les institutions de l'Union française dépendront d'un organe sans force (le Conseil de l'Union française).
  • Le référendum en matière constitutionnelle est exclu dans l'avenir.

Le Général conclut au rejet d'un texte qu'il juge inapte à assurer l'indépendance de la France comme les profondes réformes nécessaires.

Mais le 13 octobre, les Français adoptent le texte constitutionnel.

Le RPF, une machine de guerre contre la IVe République

Création du Rassemblement du Peuple Français

Création du Rassemblement du Peuple Français

La constitution de la IVème République ayant été votée le 13 octobre 1946 (seulement par un électeur sur trois), le général de Gaulle, de Strasbourg, annonce aux Français sa décision de créer un rassemblement des forces politiques placé au-dessus des partis pour obtenir une réforme de la constitution qu'il estime mal bâtie.

07 avr 1947
06m

La Constitution adoptée, de Gaulle ne voit d'autre moyen pour obtenir sa révision dans le sens indiqué à Bayeux, tout en restant "dans le cadre des lois", que d'intervenir dans le jeu politique, non en créant un nouveau parti, mais un "rassemblement" autour de ses idées.

Aussi annonce-t-il à Strasbourg le 7 avril 1947 la création du "Rassemblement du peuple français" (RPF), destiné à lutter contre le "régime des partis" en rendant à l'Etat qu'ils se sont partagés la cohésion, l'efficience et l'autorité nécessaires pour aborder les graves problèmes économiques, sociaux, impériaux, internationaux que doit affronter le pays. Le but majeur est une réforme profonde de l'Etat.

Toutefois, les élections de 1951 n'ayant abouti qu'à l'élection d'un nombre insuffisant de députés RPF pour changer la Constitution et un certain nombre d'élus acceptant de s'intégrer au régime, de Gaulle décide de rompre tout lien entre celui-ci d'une part, le RPF et lui-même de l'autre comme il le reconnaît dans sa conférence de presse du 12 novembre 1953.

Quelles institutions pour l'Europe ?

Quelles institutions pour l'Europe ?

En juillet 1953, un armistice est signé en Corée mais les Etats-Unis accentuent leur pression pour la création d'une armée européenne placée sous leur contrôle. Le septennat du Président de la République Vincent Auriol s'achève en décembre de la même année. Le général convoque le 12 novembre une conférence de presse pour faire l'analyse de la situation internationale, rappeller les solutions qu'il préconise et commenter le rôle du RPF.

12 nov 1953
04m 09s

Le grand projet du Général a échoué.

La crise de 1958 et le retour du Général au pouvoir

L'émeute du 13 mai 1958 et l'appel à de Gaulle

Discours du 4 juin 1958 au Forum d'Alger

Discours du 4 juin 1958 au Forum d'Alger

Lors de son retour au pouvoir, au printemps 1958, le général de Gaulle doit gérer une situation très tendue en Algérie depuis la crise du 13 mai. La communauté européenne et une partie de l'armée se radicalisent autour de l'idée d'Algérie française. Ils refusent tout processus d'autonomisation. Ils espèrent que de Gaulle - pourtant indécis sur la nature exacte de l'avenir algérien - devienne leur avocat et le garant du maintien français en Algérie. Dès qu'il est investi des pleins pouvoirs (le 2 juin), le Général se rend à Alger (du 4 au 7 juin) où l'on attend, dans les milieux européens, qu'il se prononce en faveur de l'Algérie française. En fait, il a trois objectifs : rassurer la population européenne et éviter sa révolte (elle ne ferait qu'aggraver la crise algérienne) ; dire son respect au peuple musulman en guerre ; affirmer sa légitimité des deux côtés de la Méditerranée, auprès des civils comme des militaires. Les paroles qu'il prononce à cette occasion, devant une immense foule en majorité européenne, sont de la plus haute importance. Son "Je vous ai compris" est devenu historique. De Gaulle vient avant tout lancer un appel à la concorde et au retour au calme, sans s'engager ; son discours est volontairement ambigu, afin que chaque groupe puisse s'y reconnaître et y projeter ses propres espérances.

04 juin 1958
18m 07s

C'est l'impuissance de la IVe République à gérer les conséquences de l'émeute du 13 mai à Alger qui va ramener de Gaulle au pouvoir. Face à la prise du Gouvernement général par les émeutiers, à la constitution d'un pouvoir insurrectionnel, le Comité de Salut public rassemblant les activistes européens d'Algérie et une partie de l'armée, le gouvernement tente de sauver la face en désignant le Général Salan, chef de l'armée d'Algérie, comme délégué général.

Le 15 mai, le Général Salan lance un appel au général de Gaulle. Le même jour, celui-ci publie un communiqué qui fait retomber sur "le régime des partis" qui a entraîné la dégradation de l'Etat, la responsabilité de la situation en Algérie, sans prononcer un mot pour condamner la sédition d'Alger. Bien plus, l'affirmation selon laquelle il se tient prêt à "assumer les pouvoirs de la République" apparaît comme l'indice d'une solidarité avec les émeutiers d'Alger et provoque une grande émotion dans les milieux politiques.

C'est à répondre à celle-ci qu'est destinée la conférence de presse du 19 mai 1968. Il y développe l'idée que c'est l'incertitude de la politique française liée aux combinaisons de partis qui a provoqué l'émeute du 13 mai, que les cris de "Vive de Gaulle" et les scènes de fraternisation prouvent que les Français d'Algérie n'entendent pas faire sécession, que l'armée a joué son rôle de maintien de l'ordre et a conservé sa cohésion. Enfin, il refuse de traiter de factieux les chefs de cette armée que le gouvernement n'a pas sanctionnés et auxquels il a délégué l'autorité.

Conférence de presse du 19 mai 1958

Conférence de presse du 19 mai 1958

Immédiatement après la grave crise politique du 13 mai 1958, le général de Gaulle convoque la presse au Palais d'Orsay, pour montrer quelles sont les causes de la situation où se trouve la France et pour préciser la portée de sa déclaration du 15 mai, dans laquelle il se déclarait "prêt à assumer les pouvoirs de la République".

19 mai 1958
10m 08s

La solution gaullienne : assumer les pouvoirs de la République

Conférence de presse du 19 mai 1958

Conférence de presse du 19 mai 1958

Immédiatement après la grave crise politique du 13 mai 1958, le général de Gaulle convoque la presse au Palais d'Orsay, pour montrer quelles sont les causes de la situation où se trouve la France et pour préciser la portée de sa déclaration du 15 mai, dans laquelle il se déclarait "prêt à assumer les pouvoirs de la République".

19 mai 1958
10m 08s

Les questions posées au général sur le sens de cette formule tournent toutes autour de la crainte que son retour au pouvoir n'implique la disparition de la République (qu'on n'imagine pas autrement que sous la forme assurant la prééminence du Parlement dans les institutions) et une restriction des libertés publiques.

A ces inquiétudes, de Gaulle répond avec une certaine vivacité, arguant de son passé et de son rôle à la Libération où il a restauré la République et rétabli les libertés publiques. Et il ira jusqu'à ironiser, affirmant qu'il n'est pas dans ses intentions d'entamer à 67 ans "une carrière de dictateur".

Enfin, s'il affirme son souci de n'accéder au pouvoir que dans la légalité, de ne prendre de pouvoirs que ceux qui lui auront été délégués par l'Assemblée nationale, il n'entend pas pour autant se soumettre à la procédure traditionnelle de désignation du président du Conseil par les partis et n'envisage qu'une procédure exceptionnelle.

C'est ce qui se produira finalement les 1er, 2 et 3 juin 1958, l'Assemblée nationale le désignant comme président du Conseil, lui votant les pleins pouvoirs pour six mois et les pouvoirs spéciaux en Algérie, et lui donnant le pouvoir de réviser la Constitution moyennant certaines conditions.

La France change de République (juin-septembre 1958)

"Le grand effort de salut commun et la réforme profonde de l'Etat"

Cette formule employée en avril 1947 pour annoncer la création du RPF est l'axe directeur de l'allocution du 27 juin 1958 au cours de laquelle le général de Gaulle définit son action en trois directions :

  • La solution de la question d'Algérie (voir fiche thématique "De Gaulle et la guerre d'Algérie")
  • Le redressement économique et financier (voir fiche thématique "De Gaulle et les problèmes économiques et financiers)
  • La réforme de l'Etat constitue le troisième élément fondamental de l'action gouvernementale dont le but est de "créer des pouvoirs publics capables de porter leurs responsabilités" (voir fiche thématique "De Gaulle et les institutions")
Allocution radio-télévisée du 27 juin 1958, prononcée à l'Hôtel Matignon

Allocution radio-télévisée du 27 juin 1958, prononcée à l'Hôtel Matignon

Par cette première allocution à la télévision depuis son retour aux "affaires" en mai 1958, le général de Gaulle expose la politique qu'il entend suivre à l'égard de l'Algérie, de la restauration de l'équilibre économique et financier de la France, et de la réforme constitutionnelle de l'Etat.

27 juin 1958
08m 13s

La Ve République, aboutissement de l'action du Général

En présentant aux Français la Constitution le 4 septembre 1958, en vue du référendum qui doit avoir lieu le 28, le général de Gaulle résume la longue histoire du combat qui s'achève avec son retour au pouvoir :

  • Il commence par placer la Ve République dans la continuité de celles qui l'ont précédée en rappelant les principes qui les ont toutes inspirées : souveraineté du peuple, liberté et justice. Toutefois il souligne les vices de fonctionnement du système politique qui ont conduit au désastre de 1940, regrettant que la République refondée à la Libération les ait reproduits.
  • Il insiste sur la légalité du processus de révision qui entend mettre en oeuvre la continuité et l'efficacité des institutions, nécessaires pour affronter les multiples défis que le monde nouveau pose à la France.
  • Il énumère les traits majeurs de la nouvelle constitution fondée sur la primauté du chef de l'Etat désignant un gouvernement, cependant que le parlement vote les lois et contrôle l'exécutif, sans sortir de son rôle et que des instances indépendantes, Conseil économique et social, Conseil constitutionnel, autorité judiciaire, garantissent la compétence, la dignité et l'impartialité de l'Etat. Enfin, la constitution prévoit pour régler les rapports entre la métropole et l'outre-mer une Communauté dotée d'organes spécifiques.

Le 28 septembre, en approuvant la constitution, 80% des Français permettent à Charles de Gaulle, revenu au pouvoir de remplir l'objectif qu'il s'est fixé depuis 1944.

Discours place de la République

Discours place de la République

A l'occasion du jour anniversaire de la proclamation de la République en 1870, et après une introduction menée par André Malraux, le général de Gaulle présente au peuple français, dans un discours place de la République à Paris, le projet de Constitution que le gouvernement vient d'adopter et qui sera soumis à l'approbation des Français par voie de référendum le 28 septembre. Il brosse d'abord l'histoire de la République en France, avant de décrire les nouvelles institutions, appelées à rompre avec celles de la IVème République, livrée au régime des partis.

04 sep 1958
38m 19s