Création du Rassemblement du Peuple Français

07 avril 1947
06m
Réf. 00318

Notice

Résumé :

La constitution de la IVème République ayant été votée le 13 octobre 1946 (seulement par un électeur sur trois), le général de Gaulle, de Strasbourg, annonce aux Français sa décision de créer un rassemblement des forces politiques placé au-dessus des partis pour obtenir une réforme de la constitution qu'il estime mal bâtie.

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Date de diffusion :
07 avril 1947
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Éclairage

La IVe République vient enfin d'être installée après l'adoption par référendum de la constitution le 13 octobre 1946, l'élection de l'Assemblée nationale le 10 novembre 1946 (165 PCF, 158 MRP, 91 SFIO, 76 modérés, 54 RGR) et celle du président de la République, le socialiste Vincent Auriol, le 16 janvier. Le socialiste Paul Ramadier préside un gouvernement essentiellement tripartite depuis le 17 janvier. Le pouvoir doit faire face à d'importantes difficultés : l'inflation, la guerre d'Indochine - depuis la fin de l'année 1946 - , l'insurrection à Madagascar. Ce contexte national s'inscrit sur un arrière-plan de naissance de la guerre froide, avec la dégradation des relations américano-soviétiques qui conduit les Etats-Unis à présenter la doctrine Truman le 12 mars 1947, annonçant "l'endiguement" du communisme.

Le général de Gaulle, retiré du pouvoir depuis le 20 janvier 1946, n'a pu empêcher l'adoption de la constitution de la IVe République malgré ses discours de Bayeux et d'Epinal. Il juge la situation internationale très grave au début 1947 et redoute plus que jamais la faiblesse de la France dans un tel contexte. Alors qu'il avait toujours refusé, pendant la Seconde Guerre mondiale et à la Libération, de fonder un parti, il franchit le pas et annonce en trois temps la naissance du Rassemblement du Peuple Français, à Bruneval (30 mars 1947), à Strasbourg (7 avril) puis par une déclaration le 14 avril.

Le RPF n'est pas, à ses yeux, un parti mais un mouvement qui doit rassembler les Français, même membres d'un autre parti (la double appartenance est acceptée). La décision annoncée à Strasbourg est capitale : la IVe République doit, dès mai 1947 - exclusion des communistes du gouvernement - faire face à une très vive opposition des gaullistes d'un côté et des communistes de l'autre ; le gaullisme entre dans une nouvelle phase de son histoire, celle du gaullisme politique, partisan, dans l'opposition d'abord jusqu'au milieu des années 1950 puis au pouvoir sous la Ve République. De Gaulle s'investit beaucoup dans le RPF mais, après un démarrage très rapide, le mouvement s?essouffle très vite et ne parvient pas à ramener de Gaulle au pouvoir, notamment aux élections législatives de 1951. Entre 1953 et 1955, le Général met progressivement en sommeil le RPF.

Bibliographie :

Fondation Charles de Gaulle-Université de Bordeaux 3, De Gaulle et le RPF 1947-1955, Paris, Armand Colin, 1998.

Bernard Lachaise

Transcription

Charles de Gaulle
J'ai fait connaître quelles étaient, à mon sens, les institutions qui s'imposaient pour la France et pour l'Union française, et j'ai adressé à mes compatriotes, à mes concitoyens des avertissements pressants - je les ai adressés à temps - des avertissements pressants quant au jugement qu'ils allaient porter. On sait ce qu'il est advenu. La constitution en vertu de laquelle tous les pouvoirs publics procèdent dans leur source et reposent dans leur fonctionnement d'une manière directe et exclusive sur les partis et sur leur combinaison, cette constitution a été acceptée par neuf millions d'électeurs, rejetée par huit millions, ignorée par huit millions, mais elle est entrée en vigueur.
(Hourra !)
Charles de Gaulle
On voit, maintenant, ce qu'elle donne. Il est clair que la France n'a pas, à sa tête, à l'heure qu'il est, un Etat dont l'efficience, l'autorité soient à la hauteur des immenses problèmes qui se posent à elle. L'action économique, l'action sociale, l'action impériale, l'action extérieure nous appellent et nous pressent pendant que nous zigzaguons sur une route bordée de précipices. Faudra-t-il donc que nous demeurions indéfiniment dans cet Etat ruiné, exaspérant, où des hommes qui travaillent à une même tâche opposent organiquement leurs intérêts et leurs sentiments ? Serons-nous toujours condamnés à osciller douloureusement entre un système suivant lequel des travailleurs ne sont que des instruments dans l'entreprise dont ils font partie et un autre système qui conduit tous et chacun, corps et âme, à l'écrasement sous une monstrueuse machinerie totalitaire et bureaucratique ? Mais la solution humaine, française, pratique, de cette question qui domine tout n'est ni dans cet asservissement des uns, ni dans cette servitude de tous. Elle est dans l'association libre, digne, féconde de tous ceux qui, dans une même entreprise, mettent en commun soit leur travail, soit leur technique, soit leurs biens et qui s'en partageraient, à visage découvert, en nommant les actionnaires, les bénéfices ou les risques. Ce n'est, évidemment pas, cette voie que préconise ni ceux qui ne veulent pas admettre que la dignité de l'homme est non seulement un devoir moral mais encore une condition du rendement, ni ceux qui ne conçoivent l'avenir que sous la forme d'une [inaudible]. Mais nous avons à nous tirer d'affaire, à nous tirer d'affaire par un long et puissant effort. La cause est, maintenant, entendue. Nous n'y parviendrons pas en nous divisant et subdivisant en catégories opposées. Nous n'y parviendrons pas si l'Etat est bâti pour fonctionner sur la seule base de ces divisions et des groupements qui les expriment. La République que nous avons fait sortir du tombeau, où l'avait ensevelie le désespoir national, la République que nous avons rêvée tandis que nous luttions pour elle, la République, dont il faut qu'elle se confonde maintenant, avec notre rénovation. La République sera l'efficience, la liberté et la concorde ou bien elle ne sera rien que désillusion et impuissance, en attendant soit de disparaître, de noyautage en noyautage sous une certaine dictature, soit de perdre, dans l'anarchie, jusqu'à l'indépendance du pays. Il est temps que les Français et les Françaises qui pensent et qui sentent ainsi, c'est-à-dire, j'en suis sûr, l'immense masse de notre peuple, s'assemblent pour le prouver. Il est temps que se forme et que s'organise le rassemblement du peuple français.