Discours à Epinal

29 septembre 1946
06m 29s
Réf. 00008

Notice

Résumé :

Dans ce discours prononcé à Epinal en septembre 1946, le général de Gaulle, retiré du pouvoir depuis le mois de janvier, invite les électeurs à rejeter le projet de constitution présenté par l'Assemblée Constituante, qui vient d'être approuvé par l'Assemblée nationale, et qui va être soumis au peuple par voie référendaire. Le général de Gaulle, dans la lignée du discours de Bayeux, critique le régime des partis, et plaide pour une France dotée d'un Etat fort, qui puisse exister véritablement entre les Etats-Unis et l'URSS.

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Date de diffusion :
29 septembre 1946
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Éclairage

Le discours d'Epinal, après le discours de Bayeux, constitue un des deux temps forts de l'expression des idées politiques du général de Gaulle en matière institutionnelle, dans le contexte des lendemains de la Seconde Guerre mondiale. La France, toujours dirigée en septembre 1946 par un gouvernement provisoire, est en pleine reconstruction et n'a toujours pas choisi ses nouvelles institutions, près d'un an et demi après la fin de la guerre (8 mai 1945) et presque un an après avoir élu une assemblée constituante (21 octobre 1945).

Le premier projet de constitution, présenté par référendum aux Français le 5 mai 1946 a été rejeté et une seconde Assemblée nationale a été élue le 2 juin 1946. La composition politique de cette Assemblée n'est guère différente de celle d'octobre 1945 mais le MRP est le parti le plus puissant (161 députés au lieu de 143), devant le PCF en léger recul (146 contre 148) et la SFIO en recul (115 contre 135). Les forces du tripartisme au pouvoir dominent loin devant les modérés en baisse (63) et le RGR en hausse (37).

Alors qu'il n'avait pas pris position sur le premier projet de constitution, de Gaulle, retiré du pouvoir depuis le 20 janvier 1946, prend position à Bayeux, le 16 juin puis dans diverses prises de parole dans l'été - notamment le 19 septembre - et surtout à Epinal où il se rend le 29 septembre, invité à présider les cérémonies du deuxième anniversaire de la Libération. Il espère sur le MRP qui se prétend le "parti de la fidélité" pour infléchir l'Assemblée dans le sens qu'il souhaite. Comme à Bayeux, les circonstances lui permettent de lier son action pendant la guerre et son image de libérateur et sa position face aux décisions de l'Assemblée pour l'avenir de la France. A ses yeux, la question des institutions est fondamentale car seul "un Etat juste et fort" permettra de régler les problèmes de la France dans un monde complexe et lui permettra d'assurer "son salut" et "son renouveau", deux mots majeurs du vocabulaire gaulliste.

Le MRP ne suit pas de Gaulle et contribue au contraire au succès du "oui" au référendum du 13 octobre 1946. C'est un échec pour de Gaulle et le premier pas d'une rupture avec le MRP. Dès lors, le Général fait de son combat contre les nouvelles institutions de la IVe République un thème essentiel de son action et l'amène à fonder un mouvement politique, le Rassemblement du Peuple Français, en avril 1947.

Bibliographie :

Le discours d'Epinal. "Rebâtir la République", Actes du colloque d'Epinal les 27 et 28 septembre 1996, Economica-Presses Universitaires d'Aix-Marseille.

Bernard Lachaise

Transcription

(Silence)
Charles de Gaulle
L'engagement que nous avions pris, nous l'avons purement et simplement tenu ! Dès que possible, nous avons invité à voter tous les Français et toutes les Françaises pour élire d'abord les Conseils municipaux et puis les Conseils généraux. Enfin, une Assemblée nationale à laquelle nous avons remis immédiatement et sans réserve, comme nous l'avions toujours promis, les pouvoirs que nous exercions depuis plus de cinq lourdes années. Entre-temps, nous avons gouverné. C'est pourquoi, soit dit en passant, nous accueillons avec un mépris de fer les imputations dérisoires (inaudible) [L'ensemble], ceci implique des institutions locales propres à chaque territoire et des institutions communes : Conseils des Etats, assemblée de l'Union française, Président de l'Union française, ministre chargé des activités communes. Depuis que le travail constitue (...) Cette nuit, par l'Assemblée nationale, ne nous paraît pas satisfaisant ! Que l'Etat ait enrayé, à la fois par l'omnipotence et par la division des partis, est-il bon, nous le demandons, de faire en sorte que les partis aient organiquement à leur disposition totale, à leur gré, à tout instant tous les pouvoirs de la République ? Alors que tout le monde constate les fâcheux effets [...] équilibrés. Dans ce monde dur et dangereux où le rassemblement des Slaves, rassemblement ambitieux, réalisé bon gré mal gré sous l'égide d'un pouvoir sans bornes, se dresse en face de la jeune Amérique, toute débordante de ressources, et qui vient à son tour de découvrir les perspectives de la puissance guerrière. La France et l'Union française n'ont de chance de sauvegarder leur indépendance, leur sécurité et leur droit, que si l'Etat est capable de porter dans un sens déterminé une responsabilité pesante et continue, les problèmes immenses du présent et de l'avenir que nous avons à résoudre. Conditions de la vie des personnes et des familles et d'abord, des moins avantagés, restauration financière, activité économique du pays, réformes sociales et morales, organisation de l'Union française, défense nationale, refonte de l'administration, positions et actions de la France dans le monde. Ces problèmes-là, comment les résoudrons-nous sinon sous la conduite d'un Etat juste et fort ? Ces convictions-là sont les nôtres. Elles ne sont pas d'un parti. Elles ne sont de gauche ni de droite. Elles n'ont pas d'autre objet que d'être utiles au pays. Ils le savent bien et elles le savent bien, tous les hommes et toutes les femmes de chez nous, dont nous avons pu souvent éveiller l'esprit et toucher le coeur en leur demandant de s'unir à nous pour servir la France. Aujourd'hui, nous en sommes certains : il n'y aura pas de victoire définitive, excepté pour la clarté et pour la fermeté, qui sont au total toujours les habiletés suprêmes et d'où naîtront les institutions qui conduiront la France vers son salut et vers son renouveau, dans l'Etat républicain.