Matthias Langhoff met en scène Désir sous les ormes d'Eugene O'Neill au Théâtre Nanterre-Amandiers

13 février 1993
02m 36s
Réf. 00012

Notice

Résumé :

En 1993, Matthias Langhoff reprend au Théâtre Nanterre-Amandiers sa mise en scène de Désir sous les ormes d'Eugene O'Neill. La pièce représente le destin tragique d'une famille installée au XIXe siècle dans une ferme de la Nouvelle Angleterre. Entre mise à distance et réalisme, le dispositif scénographique est impressionnant. Interviews de Matthias Langhoff et d'Evelyne Didi, comédienne.

Date de diffusion :
13 février 1993
Source :
A2 (Collection: JA2 20H )
Fiche CNT :

Éclairage

Né en 1888 et mort en 1953, Eugene O'Neill était un auteur de théâtre américain d'origine irlandaise. Lauréat du prix Nobel de littérature en 1936, il a composé une quarantaine de pièces dont plusieurs marquèrent l'histoire du théâtre nord-américain. Entre réalisme et expressionnisme, son esthétique renvoie à l'univers particulier du super-naturalisme qui trouve ses racines chez August Strindberg. Le dramaturge s'inspire du désespoir familial et de son désenchantement personnel pour élaborer une œuvre analysant les comportements intimes et sociaux d'une Amérique en construction.

Écrit en 1924, Désir sous les ormes représente le drame d'une famille installée en Nouvelle Angleterre. L'action se passe en 1850. Ephraïm Cabot, un vieil immigré irlandais, revient dans sa ferme auprès de ses trois fils, nés de deux mariages précédents. Il est accompagné d'Abbie, sa troisième femme, qui convoite la propriété du fermier. Tandis que les deux fils aînés d'Ephraïm rêvent de partir à l'Ouest, Eben demeure viscéralement attaché à cette terre « ingrate » où le blé pousse à travers les pierres. La relation adultérine qu'il noue avec sa belle-mère précipite les personnages vers un destin tragique.

En 1992, Matthias Langhoff met en scène la pièce, traduite par Françoise Morvan, au Théâtre National de Bretagne à Rennes. Le reportage, diffusé le 13 janvier 1993 lors du journal de 20h (France 2), est réalisé à l'occasion de la reprise du spectacle au Théâtre Nanterre-Amandiers. Aux peintures de Catherine Rankl, qui représentent un crépuscule tourmenté, s'ajoute la scénographie conçue par le metteur en scène. Le dispositif se présente de prime abord par la présence d'un immense cylindre de tulle vertical qui isole la scène de la salle. Envahi par le brouillard, le plateau est incliné et recouvert de terre et de pierraille. Outre les multiples outils agricoles, notons la présence d'une vache et d'un cheval de trait. La pièce s'ouvre avec la voix « off » d'Alain Cuny lisant les didascalies liminaires avec lesquelles Matthias Langhoff a pris une grande liberté. Parmi les acteurs figurent Jean-Marc Stehlé (également créateur des costumes de la pièce), qui interprète le personnage d'Ephraïm, Clovis Cornillac (Eben) et Evelyne Didi (Abbie). Le reportage insiste sur l'importance du puritanisme qui traverse la pièce, tandis que Matthias Langhoff, dans une interview, souligne la richesse du travail d'O'Neill sur la psychologie de ces personnages rongés par le désir et la cupidité. Evelyne Didi revient enfin sur la place de la femme qui cherche à exister dans un monde rustre et masculin.

Marie-Isabelle Boula de Mareuil

Transcription

Présentateur
L’auteur est américain, d’origine irlandaise, Eugène O’Neill, le metteur en scène Matthias Langhoff est un est-allemand, vivant en Suisse. Les acteurs sont français. Voilà la pièce de Babel, que l’on peut voir au théâtre des Amandiers à Nanterre, mais l’histoire, elle, est universelle, il s’agit d’une querelle de famille. Michel Strulovici et Jean-Marie Le Quetier vous présentent Désir sous les ormes.
Comédien 1
Cette place ici, c’est rien que des champs de pierres. Ils riaient les gens quand je l’ai prise. Ça ils savaient pas ce que je savais moi. Comme ça, tu peux faire lever du blé dans des pierres. Dieu, il habite en toi.
Journaliste
Dieu et les pierres. Deux obsessions pour ce vieil émigré irlandais aux Etats-Unis. Terre ingrate que vont lui disputer femmes et enfants.
Matthias Langhoff
C’est une pièce qui parle de la richesse, qui parle de propriété, vous voyez, qui raconte, très fort et très profond, toutes les relations possibles entre les gens.
Journaliste
Et tout d’abord, l’amour. L’amour de la belle-mère envers le fils de son mari.
Comédien 2
Qu’est-ce qui vous fait glousser ?
Comédienne
Toi !
Comédien 2
Qu’est-ce que j’ai ?
Comédienne
Paré comme un taureau de concours.
Comédien 2
Oh, regardez-vous donc ! Vous vous trouvez belle tant que ça ?
Journaliste
Tous les moyens sont bons pour séduire le fils et s’approprier la ferme. Le vieil homme, lui, ne veut rien voir et la cupidité va se parer de tous les moyens du charme.
Comédien 2
Ce que vous voulez, c’est tout vous gloutonner et que tout soit à vous. Faudra bien voir que je suis un morceau trop gros, vous pourrez pas me mâcher.
Comédienne
Toi, tu veux parler de ma ferme ?
Comédien 2
La ferme, tu t’es vendue pour elle, comme n’importe quelle vieille peau. Ma ferme !
Comédienne
Qui verra jamais le jour ! [Inaudible].
Evelyne Didi
C’est une femme, comme il en existe des milliers, qui ont besoin pour exister, d’avoir quelque chose ; et ce besoin de posséder est très très fort et entraîne des histoires abominables.
(Musique)
Journaliste
La balade irlandaise se terminera en tragédie.