Catégorie 3.1 de Lars Norén au TNS

07 mai 2000
02m 23s
Réf. 00019

Notice

Résumé :

En mai 2000, Jean-Louis Martinelli achève de répéter avec ses comédiens sa mise en scène de Catégorie 3.1, une pièce de l'auteur suédois Lars Norén, qui sera créée au Théâtre National de Strasbourg. La pièce représente les parcours croisés des marginaux de Stockholm. Extraits des répétitions et interviews de Jean-Louis Martinelli, metteur en scène, et d'Alain Fromager, comédien.

Date de diffusion :
07 mai 2000
Source :
A2 (Collection: MIDI 2 )
Fiche CNT :

Éclairage

Né en 1944, Lars Norén est un poète, un écrivain, et un auteur dramatique suédois. Depuis 1973, il a écrit une soixantaine de pièces pour le théâtre, la télévision ou la radio. Sa dramaturgie s'intéresse aux conflits familiaux, psychologiques, sociologiques et politiques. Ses œuvres font parfois écho à son rapport personnel à la psychiatrie. Elles témoignent d'une recherche constante sur l'intime et le politique au théâtre où la violence et la cruauté de la société sont démasquées. Revendiquant une nouvelle approche de la réalité, la noirceur du théâtre de Lars Norén prend vivement à parti le lecteur/spectateur.

Catégorie 3.1 (Personkrentz 3:1) est une pièce écrite en 1997 en réponse à la crise sociale et économique que traverse la Suède dans les années 90. Elle est le premier volet d'une trilogie nommée Morire di classe. Son titre reprend l'appellation administrative des marginaux à Stockholm. Telle une fresque sociale, elle comprend près de quarante personnages et sa représentation intégrale durerait une dizaine d'heures. Dans une salle désaffectée ou bien à l'intérieur d'un parking se retrouvent drogués, prostituées, alcooliques ou simples chômeurs. L'espace urbain dans lequel évoluent ces êtres en détresse devient le creuset et le théâtre de relations qui s'écrivent et se parlent différemment. Alternant brefs dialogues et monologues, les micro-drames de Catégorie 3.1 offrent une parole souvent frontale.

Le reportage, diffusé lors du « Journal de 13h » (France 2) du 7 mai 2000, rend compte des répétitions de la mise en scène que Jean-Louis Martinelli créera quelques jours plus tard au Théâtre National de Strasbourg. Le spectacle, qui est une adaptation de la pièce originale, dure sept heures et fait intervenir dix-sept comédiens. La mise en scène échappe au voyeurisme et au sensationnalisme en trouvant une forme théâtrale qui associe des portraits dérangeants et violents à une parole sensible, crue et lyrique. La création souligne la contemporanéité et la familiarité du désastre des personnages, notamment à travers la scénographie de Serge Marzolff et Gilles Taschet qui privilégie la représentation d'un espace en béton.

En 2007, Jean-Louis Martinelli créera au Théâtre Nanterre-Amandiers Kliniken de Lars Norén, qui met en jeu les patients d'un hôpital psychiatrique.

Marie-Isabelle Boula de Mareuil

Transcription

Présentatrice
A Strasbourg, le Théâtre national prend le parti de nous faire partager le cri de révolte des exclus de la société avec cette pièce inédite signée Lars Norén. Les dernières répétitions. Michel Strulovici, Patrick Voigt.
Journaliste
Au cœur des villes, ils sont nombreux ceux dont l’existence dévastée tend le miroir de nos échecs à la société. Exclus de tout sauf de la souffrance, ce sont les gueux de notre époque. C’est leur requiem que nous lance comme un coup de poing le théâtre de Strasbourg.
Alain Fromager
C’est la même classe inférieure qui est pauvre et qui n’a pas plus de liberté que lorsqu'ils étaient des esclaves. Même si on ne les appelle pas pareil. Les mêmes fils d’ouvrier bien qu’il les appelle autrement maintenant parce que c’est des travailleurs sans travail qui savent ni lire ni écrire et qui n’ont pas d’éducation.
Journaliste
Sur cette place se croisent les désœuvrés par force. Ils répètent à l’infini. Ils balbutient les cassures de leur vie.
Alain Fromager
Tu vois. Là, à celui-là, j’avais une bague. Attends, tu vas voir. Tu vois celui-là, c’est mon fils. Tous les personnages mettent des mots, c’est-à-dire qu’on a un peu trop tendance aujourd’hui à voir ces gens-là un peu comme des images et on oublie, on oublie qu’ils ont des histoires.
Comédien 1
Ils pensent qu’ils sont libres alors qu’ils vivent dans la prison la pire de toutes parce qu’ils craignent tellement de perdre ce qu’ils ont volé à ceux qui n’ont rien, qu’il leur faut boucler tout tout autour d’eux avec des clefs, des verrous et des barreaux et avoir une société de gardiennage [inaudible], des surveillants et des projecteurs et des alarmes hypersensibles. Et ils vivent là-dedans comme dans un camp de concentration où ils ont tout ce qu’il leur faut et pensent qu’ils sont tellement bien lotis qu’ils ont une belle vie.
Jean-Louis Martinelli
C’est un coup de poing. C’est un cri. C’est un requiem. Mais en même temps avec des êtres qui tentent de rester debout. Et je crois que ce que ça désigne très précisément c’est que la marge que l’on désignerait volontiers comme un ailleurs est très très proche de nous.
(Musique)
Journaliste
Théâtre de la protestation, du désir d’amour, du besoin de reconnaissance pour casser la fatalité de l’exclusion.
(Musique)