Œdipe-Tyran de Sophocle, adaptation d'Hölderlin, mis en scène par Jean-Louis Martinelli
Notice
Interviews du metteur en scène Jean-Louis Martinelli et des comédiens Christine Gagnieux et Charles Berling, entrecoupées de très courts extraits du spectacle : la scène du 2e épisode où Jocaste tente de dissuader Œdipe d'abandonner son enquête, et l'arrivée d'Œdipe, les yeux crevés, dans l'exodos.
Éclairage
Lorsqu'il traduit Œdipe-roi de Sophocle (voir ce document) en 1804, Hölderlin est malade et sur le point de sombrer dans la folie. Pourtant sa traduction et les Remarques qui l'accompagnent témoignent d'une lecture forte et lucide de l'œuvre de Sophocle, à l'opposé de l'interprétation lisse laissée par l'âge classique : son travail met ainsi en valeur la violence sauvage du texte grec et insiste sur la responsabilité du héros, donnant ainsi à la tragédie une modernité inattendue.
Mal reçue de son vivant, la traduction d'Hölderlin donne à la pièce de Sophocle une dimension politique particulière en accentuant la dimension despotique prise par le héros au cours de son enquête ; il choisit d'ailleurs de la mettre en évidence en intitulant la pièce Œdipe le tyran, à l'encontre de la tradition qui l'avait précédé. Mais Hölderlin relie cette tyrannie d'Œdipe à sa quête d'un savoir total, interprétant le nom du personnage à partir du verbe grec oida, « savoir ». Pour lui, Œdipe est l'objet de la grande tentation métaphysique moderne, celle d'un savoir absolu qui confèrerait le pouvoir absolu, permettant ainsi la transgression de la limite entre humain et divin. C'est en ce sens qu'Œdipe est pour Hölderlin un héros tragique moderne, parce qu'il se fait lui-même responsable de sa misère au lieu d'être un simple jouet des dieux.
La mise en scène proposée par Jean-Louis Martinelli au Festival d'Avignon, appuyée sur la traduction et la dramaturgie de Philippe Lacoue-Labarthe, met en évidence la place particulière du politique dans la traduction d'Hölderlin et donne à voir, par l'extrême tension du jeu des comédiens, la proximité constante de la folie.