La Manivelle de Robert Pinget
Notice
Extrait du début de la pièce La Manivelle, de Robert Pinget, mise en scène par Jean-Paul Roussillon, pour la Comédie-Française et le festival d'Avignon. Créée en 1987, cette mise en scène a été reprise en tournée en 1988 et 1989. Cet extrait a été filmé à Lisieux en mars 1989.
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Éclairage
Robert Pinget (1919-1997) est un peintre et écrivain d'origine suisse. Né à Genève, il s'installe à Paris, et commence par peindre avant de s'intéresser à l'écriture. Il est très inspiré par les surréalistes, et par Beckett, dont il est très proche. Il écrit des romans et du théâtre, et se rattache à la veine du Nouveau Roman, comme Claude Simon, Alain Robbe-Grillet ou encore Nathalie Sarraute. Beckett, qui traduit en Anglais sa pièce, La Manivelle, met en scène une autre de ses pièces, L'Hypothèse, à l'Odéon, en 1966. Il demande également à Pinget de traduire Tous ceux qui tombent. Les deux auteurs se rejoignent sur la forme dramatique : ils explorent en effet tous deux des formats courts, épurés, où le théâtre se réduit à l'essentiel, la parole ou le mouvement. Les pièces de Pinget, en particulier les premières, traduisent un questionnement sur le sens de la vie et sur la condition humaine qui s'inscrit naturellement dans les dramaturgies dites de l'absurde.
La Manivelle est, à l'origine, une pièce radiophonique. Tout s'y joue dans le dialogue et les sons. De nombreux passants, en voiture ou à pied, sont ainsi uniquement matérialisés par des sons, et ne laissent exister que les deux personnages principaux. L'action se passe à un carrefour. Un vieil homme, Toupin, joue de l'orgue de barbarie. Il croise par hasard Pommard, un vieil ami qu'il n'avait pas vu depuis un certain temps. Les deux hommes évoquent le passé, leurs souvenirs. Mais ils perdent tous deux la mémoire, et la conversation tourne rapidement en rond. Chacun corrige l'autre, revient sur son récit. Les souvenirs s'emmêlent, au point que le spectateur finit par ne plus vraiment savoir si ces deux-là ont vraiment vécu les mêmes choses... l'ensemble du dialogue est ponctué par la ritournelle de l'orgue de barbarie, dont Toupin actionne régulièrement la manivelle. Pour Pinget, cette manivelle, qui donne son titre, est fondamentale dans la pièce : en effet, c'est sur son mouvement que se construit la pièce. La manivelle tourne, s'arrête, puis repart, reprenant sans fin la ritournelle. De la même manière, la parole des deux personnages s'inscrit dans un mouvement circulaire où les souvenirs reviennent et s'enchevêtrent, formant une ritournelle sans fin.