Gilles Gleizes à propos de Médée de Sénèque

18 mars 1995
02m 12s
Réf. 00315

Notice

Résumé :

Interview de Gilles Gleizes, entrecoupée de courts extraits du spectacle donné à la Cartoucherie de Vincennes : le metteur en scène rappelle la filiation entre la tragédie sénequienne et les pièces à vengeance élisabéthaines, avant d'évoquer les parties chorales, pour lesquelles ont été élaborées une musique spécifique et une langue fictive, et les décors monumentaux, conçus pour mettre en valeur la solennité de l'action.

Date de diffusion :
18 mars 1995
Source :
FR3 (Collection: En scène )
Fiche CNT :

Éclairage

On ne songe plus guère aujourd'hui à contester au philosophe stoïcien Sénèque, précepteur de Néron qui le força à se suicider en 65 après J.-C, la paternité des neuf tragédies qui nous sont parvenues sous son nom. On connaît en revanche très mal le contexte dans lequel elles furent représentées : à une époque où la cérémonie des Jeux n'accueillait plus guère de pièces de théâtre, il est probable que ces tragédies aient été destinées à des récitations privées chez de riches particuliers. En revanche leurs sujets, tirés de tragédies grecques, sont conformes à ceux de la tragédie romaine traditionnelle.

Le sujet de Médée était apprécié depuis longtemps par les dramaturges romains : Ennius, Accius et Ovide lui avaient consacré des tragédies avant que Sénèque n'écrive la sienne à partir de celle d'Euripide (voir ce document). Comme toute tragédie romaine, Médée donne à voir la transformation d'une personne humaine en monstre par le biais d'un acte criminel : c'est en tuant ses enfants que la magicienne accomplit l'acte ultime qui fera d'elle la Médée de la mythologie. Pour cela, elle bascule dans un état de furor, une folie violente qui l'exclut de la communauté humaine. Contrairement à ce qu'on trouve dans la tragédie grecque, qui réserve les crimes au hors-scène, la Médée de Sénèque commet son double infanticide sous les yeux des spectateurs : théâtre du monstre et de la monstration, la tragédie romaine préfigure bien la violence du théâtre élisabéthain.

Gilles Gleizes met en scène la pièce de Sénèque dans la nouvelle traduction de Florence Dupont, en respectant l'alternance entre dialogues parlés et parties chorales chantées. Animé par une musique de Michel Musseau, le chœur chante en une langue inconnue aux accents méditerranéens et primitifs. La scénographie, afin de conférer solennité et majesté au jeu des comédiens, reprend les trois portes monumentales du mur de scène romain.

Céline Candiard

Transcription

(Musique)
Journaliste
Au Théâtre de la Tempête, Jason est de retour. Jason a répudié sa complice Médée, la sorcière, mais on ne répudie pas impunément les sorcières. Ainsi débute Médée tragédie de Sénèque, mise en scène par Gilles Gleizes, une scénographie magnifique pour une interprétation définitivement emphatique. On ne monte pas impunément du tragique.
Comédienne 1
Il était une fois, d’abord, Jason et les Argonautes.
Comédienne 2
Jason est fils de roi. Son père régnait jadis sur une ville de Grèce, Iolcos en Thessalie.
Gilles Gleizes
Et cette pièce a notamment beaucoup inspiré Macbeth et le personnage de Lady Macbeth, ainsi que toute la scène de sorcellerie parce que c'est une pièce où comme dans Macbeth l’ésotérisme a anormalement, d’importance. C'est aussi des pièces qui sont des pièces sur la vengeance, qui sont des tragédies de la vengeance, comme étaient écrites les pièces du théâtre élisabethain.
Comédienne 3
J’ai les flammes volées, à la gueule brûlante du taureau.
Gilles Gleizes
Et j’ai demandé à Michel Musseau, qui est un compositeur, un musicien contemporain, d’écrire des chants pour le spectacle et donc le chœur est comme ça mi-chanté, mi-parlé; mais quand elles chantent, elles ne chantent pas en français parce que ça amenait des choses trop contemporaines et Michel Musseau a inventé une langue qui fait penser au grec et au latin mais qui n’est pas du grec et du latin parce que ça sonnait pas assez bien dans le chant, qui est des sortes de phonèmes qui évoque une langue méditerranéenne et archaïque.
(Chants)
Gilles Gleizes
Nous reprenons le principe du théâtre latin qui était le principe des trois portes. J’ai absolument voulu qu’il y ait ça, qu’il y ait cette fidélité-là au théâtre antique, c'est... comme ça, ça nous permet d’avoir des entrées, des sorties plus dynamisantes. J’avais besoin de ces ouvertures de portes, de ce travail de machinerie qui donne une énergie comme ça dans l’entrée des acteurs et qui en donne aussi toute la dimension de gigantesque, de théâtrale.
Comédienne 4
Tiens, père ! Garde tes enfants. Moi, je m’envole, emportée par le char ailé.