Médée d'Euripide, mis en scène par Jacques Lassalle à Avignon

10 juillet 2000
02m 56s
Réf. 00306

Notice

Résumé :

À quatre brefs extraits du spectacle correspondant à des passages du prologue et des 2e et 5e épisodes de la pièce s'ajoutent des interviews du metteur en scène Jacques Lassalle et du traducteur Pierre Judet de La Combe, qui insistent sur la modernité du spectacle proposé et revendiquent la mise en valeur de la violence du texte d'Euripide.

Date de diffusion :
10 juillet 2000
Source :
Fiche CNT :

Éclairage

Contemporain de Sophocle, dont il fut le principal rival, Euripide ne rencontra cependant pas le même succès que lui auprès du public de son temps : son théâtre, qui se caractérise par une démarche constante de renouvellement de l'art tragique, n'a soulevé l'admiration unanime des Grecs que tardivement, au cours de la période hellénistique. Comme Sophocle, il donne à l'humanité la place centrale dans ses pièces, reléguant les dieux à un rôle symbolique ou périphérique. Son théâtre est un théâtre d'idées, où s'affrontent des positions contradictoires sans qu'il soit possible d'y distinguer la sienne propre. Si cette caractéristique a souvent valu à Euripide le reproche d'être un « élève des sophistes », elle correspond en réalité à un principe éminemment théâtral, celui d'un dialogisme qu'aucun point de vue supérieur ne vient trancher.

Médée, sans doute sa pièce la plus jouée et la plus souvent adaptée aujourd'hui, donne à voir la transformation d'une malheureuse femme répudiée, Médée, victime de la trahison de Jason, en un monstre vengeur et meurtrier. La force et la sauvagerie de Médée contrastent alors avec la médiocrité vaine de Jason, qu'Euripide prive ici de toute dimension héroïque : l'histoire de Médée et Jason, qui avait commencé dans la grandeur épique de la quête des Argonautes, finit dans l'intimité mesquine d'un couple désuni.

Jacques Lassalle, pour sa mise en scène de la pièce présentée à l'été 2000 au Festival d'Avignon, s'est intéressé à l'humanité de Médée, à sa rationalité, à son intelligence, mais aussi à sa souffrance. En confiant le rôle à Isabelle Huppert, il s'est donné pour tâche de concilier la grandeur mystérieuse de la magicienne, petite-fille du Soleil, et la faiblesse pathétique de la femme délaissée.

Céline Candiard

Transcription

Présentateur
Au festival d’Avignon, l’évènement théâtral, mercredi soir, ce sera dans la Cour d’honneur Médée d’Euripide mise en scène par Jacques Lassalle avec Isabelle Huppert. Dans quelques instants, nous serons en direct avec Isabelle Huppert. Elle incarne Médée, une femme qui a trahi et qui est trahie par Jason et qui devient une mère criminelle pour se venger de cette infidélité. Le texte date de 430 avant notre ère mais les paroles qu’entendront les spectateurs de la Cour d’honneur sont extrêmement modernes comme le présentent maintenant Daniel Wolfromm et Valérie Lucas.
Comédienne 1
Ne les conduis pas auprès d’une mère abattue car je l’ai vue déjà jeter sur les enfants l’œil d’un taureau fou comme si elle allait passer au crime. Elle ne renoncera pas à sa colère avant de fondre sur quelqu’un.
Isabelle Huppert
Malheur, mon malheur !
Journaliste
Le cri venu du fond de la grotte est celui de Médée, la mère des deux enfants, l’épouse déchue, trahie par Jason au profit d’une autre. Sa vengeance sera terrible.
Isabelle Huppert
Privée de vous deux, je vais passer la vie dans mes chagrins, dans mes douleurs, vous ne verrez plus votre mère de vos yeux chéris. Vous serez partis vers une autre apparence de la vie.
Journaliste
Va-t-elle tuer ses deux fils ? Elle en doute encore.
Isabelle Huppert
Non, non, non, non, non, non. Que dois-je faire ?
Journaliste
A aucun moment, elle ne sait où elle va. On est loin du destin imposé par les Dieux de la Grèce. L’héroïne s’interroge sur ses actes, Médée en ce sens est une tragédie moderne.
Isabelle Huppert
Pour quelle raison attrister leur père en leur faisant du mal si je me donne un malheur deux fois plus grand ?
Jacques Lassalle
Il y a dans ces textes, une formidable et permanente provocation au spectateur athénien. Il faut retrouver ce que ces textes avaient de, quelque fois d’inadmissible, de violent.
Isabelle Huppert
T’ai-je trahi ?
Comédien
Tu maudis les rois…
Journaliste
Violence des situations, violence des mots, la nouvelle traduction de la pièce donne une vue très contemporaine des vers d’Euripide.
Isabelle Huppert
Salaud total.
PierreJudet (de la) Combe
Nous, on a finalement opté pour "salaud total" parce qu’ils sont complètement en-dehors du langage tragique, parce que d’habitude donc là, c’est, il y a "infâme scélérat" ou "toi...", je sais pas quoi, "le plus pleutre", je sais pas quoi ; donc là, c’est vraiment, non c’est un bloc : elle dit j'arrête ton discours, j'arrête notre communication et je parle comme ça; mais après elle glose, c'est ça qui est intéressant, après elle analyse. C’est le nom que j’ai pour toi.
Isabelle Huppert
C’est le nom que j’ai pour toi, la plus grande violence, que peut la langue contre hélas… Mais que se passe-t-il ? qui me condamne à mon fils ?
Comédien
La jeune reine vient de mourir avec Créon son père. A cause de tes drogues.
Journaliste
Mais quand Médée disparaît de la surface de la terre, le mystère de son double infanticide reste entier, c’est la complexité du personnage, elle, la petite fille du Dieu Soleil, étrangement humaine.