La Fausse suivante de Marivaux

12 avril 2010
02m 35s
Réf. 00365

Notice

Résumé :

Reportage avec extraits du spectacle La Fausse suivante de Marivaux par Lambert Wilson, et interviews d'Anne Brochet, de Francis Leplay et de Lambert Wilson.

Date de diffusion :
12 avril 2010
Source :
Fiche CNT :

Éclairage

La Fausse suivante ou le Fourbe puni, comédie 3 actes, a été créée en 1724 au Théâtre des Italiens et n'est entrée au répertoire de la Comédie-Française qu'en 1991. Une jeune femme se déguise en Chevalier pour approcher Lélio avant de l'épouser. Ce dernier, n'ayant pas conscience de l'identité de celle à qui il se confie, lui avoue son amour et engage le Chevalier à séduire une Comtesse avec qui Lélio devait se marier mais dont il s'est dédit en apprenant que la « demoiselle de Paris » (le Chevalier) est bien mieux dotée. Sur l'aveu de cette perfidie, le Chevalier entreprend de venger l'honneur de la Comtesse et les deux mariages sont finalement cassés.

La thématique de la femme qui se fait passer pour un homme pour commencer une relation d'amour sous le travers des liens de l'amitié est exploitée à plusieurs reprises chez Marivaux, notamment dans Le Triomphe de l'amour (voir ce document), et celle de la femme travestie pour sonder le cœur et l'esprit de celui qu'elle aime, peut se retrouver aussi, par exemple, dans Le Jeu de l'amour et du hasard (voir ce document). Le procédé n'est pas propre à Marivaux qui emprunte par là à la tradition des Italiens et de la Commedia dell'arte et fait de l'équivoque à la fois un ressort comique et un moyen d'organiser la péripétie. Comme dans bon nombre de comédies, c'est surtout l'argent qui prend ici une place de première importance. Lélio est un amant fourbe, qui court bien plus après l'enrichissement qu'après l'amour. Le dédit dont Marivaux fait la pierre d'angle de sa pièce brosse un tableau intéressant des mœurs du XVIIIe siècle : l'amour ou plutôt le mariage se monnaie comme une marchandise et la promesse d'une alliance rompue s'indemnise (le fameux billet de 10.000 écus que Lélio devra rendre à la Comtesse en cas de rupture fait l'objet de tous les intérêts).

On peut noter dans le rôle de Trivelin, un valet, toutes les caractéristiques et des éléments de discours dont Beaumarchais se servira pour dessiner le personnage de Figaro, en particulier si l'on se reporte à ses tirades de l'acte I.

Lambert Wilson, quand il monte la pièce aux Bouffes du Nord en 2010 avec Anne Brochet dans le rôle du Chevalier, profite de la silhouette androgyne de l'actrice, comme l'avait fait quelques années auparavant Patrice Chéreau en 1985, avec Jane Birkin, au théâtre des Amandiers de Nanterre ou comme a pu le faire également Benoît Jacquot, dans une adaptation filmée de la pièce en 2000, avec Sandrine Kiberlain.

Céline Hersant

Transcription

Denis Podalydès
Lambert Wilson, le comédien, n’a plus de preuves à faire. Mais il aime tellement le théâtre que, cette fois, il met en scène un classique de Marivaux, La Fausse Suivante, dont le héros central est l’argent et les cupidités qu’il inspire. Et c’est aux Bouffes du Nord, à Paris, et la fausse suivante, ce n’est autre qu’Anne Brochet. Reportage d’Isabelle Baechler, Mathieu Niewenglowski.
Journaliste
Le théâtre n’est pas encore ouvert, nous sommes en pleine répétition. La comtesse porte encore ses bigoudis au café où la troupe se restaure avant le filage. Maîtres et valets, 7 personnages sous la houlette de Lambert Wilson vont illustrer la cupidité, selon Marivaux.
Anne Brochet
J’ai du bien. Il s’agit de le donner avec ma main et mon cœur. Ce sont de grands présents. Et je veux savoir à qui je les donne. Ah !
Journaliste
C’est sous un déguisement masculin qu’une jeune femme riche tente de percer à jour l’homme qu’on lui promet. Lélio se démasque vite.
Comédien 1
Dernièrement, pendant que j’étais à ma terre, on m’a proposé une demoiselle de Paris que je ne connais point, qui me donne 12 000 livres de rente ! la comtesse n’en a que 6 !
Anne Brochet
Lélio, l’homme à masque d’amoureux alors que c’est un homme extrêmement avide uniquement d’argent, c’est le loup des contes de fées.
Comédienne
Vous êtes bien galant.
Anne Brochet
Je suis mieux que cela. La comtesse, c’est une amoureuse, l’amoureuse type qui veut être aimée. J’arrive, je paie ma charge, je deviens votre amie, je vous connais, je trouve que vous ne valez rien. J’en rendrais compte, il n’y a pas un mot à redire. Le chevalier, c’est plus une Fantômette, c’est plus une justicière.
(Musique)
Journaliste
Les valets aussi sont obsédés par l’argent.
(Musique)
Francis Leplay
Il y a un vrai fond politique en même temps et social qui fait écho à la fois à la révolution française, et qui fait, je trouve vraiment, écho aussi à notre époque.
Journaliste
Un Marivaux visionnaire, 65 ans avant 1789, il écrivait déjà sur l’émancipation des femmes à travers le personnage du Chevalier.
Lambert Wilson
Quand elle est dans ce personnage d’homme elle se libère de son carcan et de ses inhibitions qui sont liés à son état de femme et à cette prison.
(Musique)
Journaliste
Comme la comédie musicale n’est jamais très loin des amours de Lambert Wilson, la bonne humeur de la pièce se termine en chanson.
(Musique)