Le Triomphe de l'amour de Marivaux
Notice
Un extrait de la célèbre mise en scène du Triomphe de l'amour de Marivaux par Jean Vilar, avec Maria Casarès dans le rôle de Léonide.
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Éclairage
Comédie en 3 actes, représentée au théâtre des Italiens en 1732 et qui n'est entrée au répertoire de la Comédie-Française qu'en 1978. Léonide, princesse héritière d'un trône contesté, entreprend de séduire Agis, légitime prétendant au pouvoir. Pour se faire aimer de lui et vaincre son tuteur philosophique, Hermocrate, Léonide se déguise en homme et tente d'approcher Agis en se faisant aimer de Léontine, la sœur d'Hermocrate. La mascarade est finalement découverte, mais Léonide, par un discours fort à propos, justifie devant tous la légitimité de son procédé, qui n'était guidé que par l'amour.
Jean Vilar a très certainement contribué à révéler et à dépoussiérer cette pièce pour le spectateur du XXe siècle en la créant au TNP en 1956 - avec Maria Casarès dans le rôle de Léonide -, puis en reprenant ce spectacle à Avignon en 1958 et pour le Festival du Marais en 1967. Dans cette dernière mise en scène, en extérieur, Vilar installe son plateau devant la façade de l'hôtel de Rohan, et le public sur les parterres gazonnés : il retrouve ainsi d'une certaine façon les indications données par Marivaux, qui situe l'action de sa pièce dans les « jardins de la maison d'Hermocrate ». Ce choix se prête à la dramaturgie de Marivaux et se met aussi au service d'une grande entreprise de réhabilitation et de rénovation d'hôtels particuliers ou de bâtiments laissés à l'abandon dans le IIIe et le IVe arrondissement de Paris. Le Festival du Marais, sous l'égide de Michel Raude et de l'association pour la Sauvegarde et la Mise en valeur du Paris historique (1961-1993) entendait en effet redonner vie au patrimoine architectural parisien en revalorisant un quartier devenu insalubre.
Depuis cette remise en lumière du Triomphe de l'amour par Vilar, la pièce a connu de nombreuses mises en scène, notamment par Vitez au Piccolo Teatro de Milan en 1985 ou encore par Planchon au TNP de Villeurbanne en 1996, par Nordey en 2003 au Théâtre national de Bretagne. Le Triomphe de l'amour avait pourtant souffert à son époque d'un succès plus que modéré, sans doute à cause de sa structure déconcertante qui mêle le genre romanesque de la pastorale à un sujet antique, mélange qui parut peu vraisemblable pour les spectateurs contemporains de Marivaux. La pièce s'inspire en grande partie d'œuvres du XVIIe siècle : Démocrite amoureux de Regnard (1700), Feint Alcibiade de Quinault (1658) et surtout des nouvelles de Mme de Villedieu, Les Amours des grands hommes (1671). Mais la grande originalité de Marivaux est de faire de Léonide, son personnage féminin principal, la meneuse de jeu et d'ouvrir sa pièce, comme on le voit dans la scène d'exposition donnée ici en extrait, sur un stratagème dont toutes les données sont révélées d'emblée au spectateur et qui repose sur des effets de travestissement. Toute la pièce repose, via le déguisement, sur le rapport trouble qui va s'installer entre hommes et femmes. La confusion identitaire et sexuelle, qui sont des procédés facilitant le quiproquo et l'imbroglio, font partie des thématiques favorites de Marivaux. La veine comique s'enracine dans la définition de ces corps ambigus et androgynes et dans des propos qui sonnent par conséquent toujours à double sens. Ces effets de dédoublement et de mise en parallèle des couples et des situations sont illustrés, avec beaucoup d'économie et de sobriété, dans le décor symétrique que propose Vilar dans sa mise en scène.