Le Magic Circus, Good bye Mister Freud, et Micheline Presle
Notice
Entretien de Jérôme Savary avec Danièle Gilbert à propos de la comédie musicale Good bye Mister Freud (1974) par la troupe du Magic Circus et extrait du spectacle avec Micheline Presle sur le plateau de l'émission de télévision.
Éclairage
Good bye Mister Freud est une comédie musicale ou, pour reprendre les mots de Jérôme Savary, un opéra tango. Le spectacle est une fantaisie sur la mère de Freud, plus que sur l'inventeur de la psychanalyse lui-même. Selon Savary, Mimi Freud serait une mère abusive. « Lingère à Paris, elle se retrouve au Kremlin par amour pour le tsar de toutes les Russies. Celui-ci, qui a mis son pays en faillite, organise la révolution pour cacher ses méfaits à son peuple. Mimi, par une nuit glacée, se fait violer par Marcello Marx et connaît l'orgasme pour la première fois. Elle s'enfuit ensuite aux Etats-Unis où elle devient matrone » [1] d'une maison close. A cette description, il faut ajouter que chaque soir, quarante spectateurs et spectatrices jouent sur scène, installés dans des loges à vue, ils sont invités à se vêtir d'un frac pour les hommes, à se présenter seins nus pour les femmes afin de former la communauté des clients du bordel.
Le spectacle est créé au Théâtre de la Porte Saint Martin en 1974. Il s'agit du premier grand décor construit par la troupe du Grand Magic Circus qui a invité, pour l'occasion, Micheline Presle, spectatrice assidue des précédents spectacles de la compagnie, à jouer le rôle de la mère de Freud. A ses côtés, il y a aussi Copi, dessinateur et dramaturge argentin, qui collabora à plusieurs spectacles de la compagnie et dont Jérôme Savary mis en scène plusieurs pièces.
Jérôme Savary est le maître d'œuvre des spectacles de cette troupe. Né en 1942 à Buenos Aires, il est acteur, metteur en scène et, à partir des années quatre-vingt, directeur de théâtre et d'opéra. A dix-neuf ans, il passe par New-York où il côtoie des musiciens de jazz (Count Basie, Thelonious Monk) qui l'influencent fortement dans sa conception musicale des spectacles. En 1962, il part faire son service militaire en Argentine, puis travaille à Buenos Aires comme illustrateur. C'est à cette époque qu'il rencontre Copi. En 1965, il rentre en France où il monte la Compagnie Jérôme Savary qui devient Le Grand Panic Circus, puis Le Grand Magic Circus et enfin, Le Grand Magic Circus et ses animaux tristes – animaux qui ne sont autres que les humains puisque « l'homme est un animal triste car il a perdu le sens de l'animalité ». A partir des années quatre-vingt, il dirige plusieurs institutions dont le Théâtre National de Chaillot (1988-2000) ou l'Opéra Comique (2000-2006) avant de retrouver son indépendance.
Fortement influencé par le cirque, le music-hall et le théâtre épique, Jérôme Savary défend un théâtre de la fête, un théâtre total où les différents arts mêlent textes, musiques, danses, plaçant l'acteur au centre du plateau. A contre-courant d'un théâtre de texte ou littéraire, il privilégie l'image comme moyen d'expression. Les actions, les effets priment sur la langue. Dans les années soixante et soixante-dix, cette conception de la fête théâtrale l'amène à créer de grands spectacles populaires à l'image de Good bye Mister Freud (Zartan, frère mal aimé de Tarzan, 1970 ou De Moïse à Mao, 1974) ou des spectacles de rue, des parades qui investissent l'espace public. D'ailleurs, selon Jérôme Savary, « La parade de rue est la meilleure école pour ôter à l'acteur ses inhibitions. » [2] Dans la lignée de mai 68 et des grandes révolutions sociales et culturelles, Le Grand Magic Circus revendique la fête permanente c'est-à-dire « avant tout la liberté, pour tous, de s'exprimer comme ils l'entendent. C'est le droit pour les enfants de marcher sur le gazon. C'est le droit pour tous de chanter et de faire de la musique dans la rue et les parcs, en dehors des catafalques culturels et des syndicats de la trompinette, etc., autant dire que la fête est pratiquement impossible. » [3] Dans le mouvement révolutionnaire de ces décennies, le Grand Magic Circus participe ainsi activement au renouvellement du théâtre populaire, entre transgression et subversion.
[1] Jérôme Savary, Le Magic Circus. 1966-1996. Paris, Théâtre National de Chaillot/ BC Editions, 1996, p. 66.
[2] Idem, p.46.
[3] Id.