Jérôme Savary met en scène La Périchole d'Offenbach

17 septembre 1984
04m 24s
Réf. 01040

Notice

Résumé :

Reportage à l'occasion de la première parisienne d'une production de La Périchole montée par Jérôme Savary. Des extraits de sa mise en scène «en technicolor» alternant avec quelques propos de la chanteuse du rôle-titre et de Jérôme Savary, qui répond ensuite aux questions du présentateur Noël Mamère, aux côtés du directeur du Théâtre des Champs-Elysées, George-François Hirsch.

Date de diffusion :
17 septembre 1984
Source :
A2 (Collection: MIDI 2 )
Thèmes :

Éclairage

Après les fastes de 1867, année de l'Exposition Universelle et saison où Jacques Offenbach voit quatre de ses œuvres obtenir un succès retentissant (parmi lesquelles La Vie parisienne et La Grande Duchesse de Gérolstein), l'année 1868 est jalonnée par la naissance de partition moins courues. Le 6 octobre 1868, Offenbach crée ainsi La Périchole, qui obtient un demi-succès en dépit de l'interprétation d'Hortense Schneider, devenue son interprète fétiche (elle avait notamment brillé dans le rôle-titre de La Grande Duchesse de Gérolstein).

Le livret d'Henri Meilhac et Ludovic Halévy s'inspire d'une nouvelle de Prosper Mérimée, Le Carrosse du Saint-Sacrement, elle-même inspirée d'une histoire vraie: dans le Pérou du XVIIIe siècle, le vice-roi avait eu une liaison avec une chanteuse des rues, et devant son fort caractère, le monarque l'avait un jour traitée de «Perra chola» (chienne d'indienne), d'où le nom de «Périchole» (prononcer: «périkole»). L'opéra-bouffe d'Offenbach reprend cette trame: le Vice-Roi tombe amoureux de la chanteuse des rues, qui crève la faim avec son amoureux Piquillo. Il l'emmène dans son palais, doit la marier pour des raisons protocolaires, et la jette en prison quand il s'aperçoit qu'elle l'a berné. La tonalité douce-amère de cette partition inspirée, ainsi que la peinture d'une certaine misère comme la dénociation d'un pouvoir arbitraire expliquent peut-être le demi-succès de la création.

L'œuvre sera remaniée en 1874, où elle obtiendra davantage les faveurs du public. Mais elle ne s'imposera pas au répertoire comme La Vie parisienne ou La Belle Hélène. Ce n'est qu'en 1969, grâce à la production légendaire de Maurice Lehmann présentée au Théâtre de Paris, que La Périchole retrouve les grâces des programmateurs. En décembre 1982, Jérôme Savary en présente une nouvelle production au Grand Théâtre de Genève. Jusqu'alors considéré comme un trublion à cause des spectacles déjantés qu'il a produit avec son Grand Magic Circus, Savary cultive un sens du show et de l'humour burlesque teinté de gauloiserie, qui plaît beaucoup au public le plus large. Mais il a aussi une solide experience de l'opérette, notamment grâce à une production légendaire du Voyage dans la lune d'Offenbach qu'il a conçue pour le Komische Oper de Berlin en 1979. Sa production de La Périchole est à la fois colorée, drôle et pleine de details poétiques. Après les representations genevoises, elle est présentée au Théâtre des Champs-Elysées en octobre 1984 avec, dans le rôle-titre, la chanteuse-actrice Hélène Delavault. En 1999, Savary proposera une vision entièrement renouvelée du chef-d'œuvre d'Offenbach, transposée dans une dictature latino-américaine contemporaine et dans laquelle il tiendra lui-même le role du Vice-Roi.

Alain Perroux

Transcription

(Musique)
Journaliste
Elle est enchaînée la Périchole mais qu’on se rassure, ça va s’arranger. Ça va s’arranger parce qu’on est dans un opéra bouffe, c’est-à-dire dans un opéra comique et comique au sens vrai du terme. Pas plus Offenbach au XIXe siècle que Savary aujourd’hui n’ont lésiné sur les effets.
(Musique)
Journaliste
Les personnages sont haut en couleur, leurs voix ont la qualité Palais Garnier et néanmoins ils bougent, froufroutent, exhibent plumes et panaches, tutus et boas. Une synthèse entre le music-hall et le grand répertoire classique. Ce n’est jamais vulgaire ?
Hélène Delavault
Non, vulgaire, non ! Qu’est-ce que c’est, la vulgarité, si c’est s’amuser, alors soyons vulgaires ! C’est l’histoire de deux pauvres chanteurs qui n’arrivent pas à vivre de leur métier et bon, et ils cherchent des solutions à essayer de vivre leur amour et puis vivre, survivre, manger.
(Musique)
Journaliste
Et votre touche à vous, c’est quoi ? C’est l’excessif dans cette mise en scène ?
Jérôme Savary
Pas du tout, ma touche c’est l’excessif si la vie est excessive. Pour moi, la vie n’a de sens que si elle est excessive, je ne crois pas dans l’excès. La vie doit être excessive et le théâtre aussi, je ne crois pas dans les demi-teintes, j’aime bien le technicolor.
(Musique)
Journaliste
Fidèle à ses options, Savary, servi merveilleusement par le génie d’Offenbach, a voulu d’abord distraire. La Périchole , un technicolor polychrome et polisson qui fera beaucoup rire.
(Musique)
Présentateur
Alors Jérôme Savary, c’est une superproduction, notre réalisateur vient de, il vient de faire un gros plan sur votre cravate qui est adaptée à l’opérette,
Jérôme Savary
Absolument, j’ai tenu à mettre une cravate et une chemise musicale, vous avez vu chers téléspectateurs les notes de musique que j’ai sur ma chemise.
Présentateur
Est-ce que vous êtes musicien en dehors de vos capacités de metteur en scène ?
Jérôme Savary
Je joue très mal de la trompette, du piano, un peu de batterie, de l’accordéon. Oui, je suis musicien et je crois que c’est nécessaire pour monter Offenbach. Il faut être non pas un déchiffreur émérite mais il faut être musicien dans l’âme parce que Offenbach sans le rythme, sans le tempo, c’est foutu.
Présentateur
Mais Offenbach, c’est aussi le grand spectacle, c’est la mise en scène en technicolor comme vous le disiez dans le reportage.
Jérôme Savary
Vous savez, je sens Offenbach comme un frère, Offenbach était un directeur de théâtre. Quand il a monté pour la première fois la Périchole, il a dépensé plus d’argent pour monter la Périchole que ne pouvait lui en rapporter la jauge, même…. Vous savez la jauge c’est le théâtre complet. C’est ce que j’adore chez lui, il était complètement fou, moi j’adore les spectacles fous. Je dis souvent en rigolant à mes chanteurs, c’est le dernier grand spectacle avant la crise, mais vous savez que Busby Berkeley est né de la crise des années 30, et bien peut-être que Savary est en train de naître de la crise des années des années 80.
Présentateur
Alors, justement Georges Hirsch, vous êtes le Directeur du théâtre des Champs-Élysées, Savary a fait salle comble à Mogador avec son Cyrano de Bergerac ,
Jérôme Savary
Et fait toujours, et fait toujours ! Nous reprenons pour la deuxième année.
Présentateur
Vous avez fait un gros pari quand même là, 85 représentations et puis le théâtre des Champs-Élysées, c’était surtout de la musique jusqu’à maintenant, musique classique.
Georges-François Hirsch
Ben, Offenbach c’est de la musique aussi, classique, nous revendiquons. Non, c’est un gros pari c’est évident, mais je crois qu’il était intéressant de le tenter. Ça ne pouvait être tenté qu’avec Jérôme et il est bien évident que maintenant, nous sommes partis pour 85 représentations, c’est en même temps le début de notre saison et je ne peux plus rien faire.
Présentateur
C’est en fait un petit peu le ravalement d’une vieille maison qui date des art-déco de 1930 ?
Georges-François Hirsch
Nous renouons avec la tradition de création du théâtre des Champs-Élysées, vous savez que le théâtre des Champs-Élysées a été le lieu où on a créé Le Sacre du Printemps , nous souhaitons renouer avec cette tradition.
Présentateur
Bien alors, Jérôme Savary, qu’est-ce qu’il faut dire à quelqu’un qui commence un spectacle ?
Jérôme Savary
Il ne faut rien dire du tout !
Présentateur
Ils ne disent rien…
Jérôme Savary
Ne dites pas, je vous en prie !