Jérôme Savary met en scène La Périchole d'Offenbach
Notice
Reportage à l'occasion de la première parisienne d'une production de La Périchole montée par Jérôme Savary. Des extraits de sa mise en scène «en technicolor» alternant avec quelques propos de la chanteuse du rôle-titre et de Jérôme Savary, qui répond ensuite aux questions du présentateur Noël Mamère, aux côtés du directeur du Théâtre des Champs-Elysées, George-François Hirsch.
Éclairage
Après les fastes de 1867, année de l'Exposition Universelle et saison où Jacques Offenbach voit quatre de ses œuvres obtenir un succès retentissant (parmi lesquelles La Vie parisienne et La Grande Duchesse de Gérolstein), l'année 1868 est jalonnée par la naissance de partition moins courues. Le 6 octobre 1868, Offenbach crée ainsi La Périchole, qui obtient un demi-succès en dépit de l'interprétation d'Hortense Schneider, devenue son interprète fétiche (elle avait notamment brillé dans le rôle-titre de La Grande Duchesse de Gérolstein).
Le livret d'Henri Meilhac et Ludovic Halévy s'inspire d'une nouvelle de Prosper Mérimée, Le Carrosse du Saint-Sacrement, elle-même inspirée d'une histoire vraie: dans le Pérou du XVIIIe siècle, le vice-roi avait eu une liaison avec une chanteuse des rues, et devant son fort caractère, le monarque l'avait un jour traitée de «Perra chola» (chienne d'indienne), d'où le nom de «Périchole» (prononcer: «périkole»). L'opéra-bouffe d'Offenbach reprend cette trame: le Vice-Roi tombe amoureux de la chanteuse des rues, qui crève la faim avec son amoureux Piquillo. Il l'emmène dans son palais, doit la marier pour des raisons protocolaires, et la jette en prison quand il s'aperçoit qu'elle l'a berné. La tonalité douce-amère de cette partition inspirée, ainsi que la peinture d'une certaine misère comme la dénociation d'un pouvoir arbitraire expliquent peut-être le demi-succès de la création.
L'œuvre sera remaniée en 1874, où elle obtiendra davantage les faveurs du public. Mais elle ne s'imposera pas au répertoire comme La Vie parisienne ou La Belle Hélène. Ce n'est qu'en 1969, grâce à la production légendaire de Maurice Lehmann présentée au Théâtre de Paris, que La Périchole retrouve les grâces des programmateurs. En décembre 1982, Jérôme Savary en présente une nouvelle production au Grand Théâtre de Genève. Jusqu'alors considéré comme un trublion à cause des spectacles déjantés qu'il a produit avec son Grand Magic Circus, Savary cultive un sens du show et de l'humour burlesque teinté de gauloiserie, qui plaît beaucoup au public le plus large. Mais il a aussi une solide experience de l'opérette, notamment grâce à une production légendaire du Voyage dans la lune d'Offenbach qu'il a conçue pour le Komische Oper de Berlin en 1979. Sa production de La Périchole est à la fois colorée, drôle et pleine de details poétiques. Après les representations genevoises, elle est présentée au Théâtre des Champs-Elysées en octobre 1984 avec, dans le rôle-titre, la chanteuse-actrice Hélène Delavault. En 1999, Savary proposera une vision entièrement renouvelée du chef-d'œuvre d'Offenbach, transposée dans une dictature latino-américaine contemporaine et dans laquelle il tiendra lui-même le role du Vice-Roi.