Sonder le vertige intérieur avec Moglice Von Verx

2005
03m 49s
Réf. 00516

Notice

Résumé :

Extrait du spectacle I Look up, I look down... de la compagnie Moglice Von Verx. Au pied d'un agrès géant, monolithe gris d'une hauteur de 5,20m, les trapézistes Mélissa Von Vépy et Chloé Moglia mettent en scène le paradoxe de la condition humaine, entre désir d'envol et fascination pour la chute.

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Date de diffusion :
2005
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Éclairage

Dès leur sortie du CNAC en 1999, les trapézistes Mélissa Von Vépy et Chloé Moglia se retrouvent autour d'une envie commune : « l'ensemble de notre promotion se dirigeait vers la création du collectif AOC, mais nous avions chacune envie de choses plus intimistes et métaphysiques. Nous avons assez vite déformé le trapèze pour pouvoir y travailler à deux, en jouant sur un trait horizontal à différentes altitudes. Nous voulions choisir des agrès suffisamment ouverts, pour amener une dimension plus quotidienne à des gens qui ne seraient pas a priori sensibles au monde du cirque », se souvient Mélissa Von Vépy [1]. Au sein de la compagnie Moglice Von Verx, fondée en 2001, leurs pièces successives explorent le rapport au vide, physique comme métaphorique : dans des univers souvent sombres, s'égrainent la dualité, la perte des repères, le risque, le rêve d'envol comme l'appel du gouffre... L'agrès lui-même se mue tour à tour en avion de fête foraine (Temps troubles, 2003), en miroir (Miroir, miroir, 2009), en crochet géant (Croc, 2007), ou encore en tableau d'ardoise (Rhizikon, 2009), devenant prétexte à sonder le vertige intérieur. Dans leur « théâtre vertical », il s'agit sans cesse de creuser plus avant cette « histoire de cette négociation avec le vide. » [2]

En 2005, leur quatrième création, I Look Up, I Look Down, met en scène le duo aux prises avec un improbable monolithe gris d'une hauteur de 5,20m : « il fallait que chacun puisse se reconnaître en nous : deux nanas un peu paumées, debout au bord d'une falaise, qui s'appuient l'une sur l'autre pour essayer de s'en sortir, tout en se faisant un peu des crasses de temps en temps... La falaise était une tour Samia, un échafaudage basique habillé avec du contreplaqué. Il s'agissait presque d'un anti-agrès, une surface lisse complètement verticale, quasi impossible à escalader. C'est ce qui nous intéressait, nous partions sur une acrobatie de l'absurde. », explique Chloé Moglia. [1]

« L'agrès doit être porteur de sens. C'est pour cela que nous avons toujours fait appel à des constructeurs inventifs - en particulier Sylvain Ohl, qui travaille avec Johan Le Guillerm -, plutôt qu'à des scénographes : il nous importait de prendre en charge cette phase de conception, elle est passionnante et déterminante dans notre mode de recherche », complète Mélissa Von Vépy [1].

Au pied du mur comme au sommet de son arête acérée, la représentation du risque permet au duo de « saisir et traiter de ce tiraillement entre peur et fascination, aux frontières du grave et et de l'absurde, de l'homme au bord du vide, en équilibre instable. » [3] Intégrés au spectacle, des extraits d'un enregistrement sonore du philosophe Vladimir Jankélévitch font résonner singulièrement ces problématiques. [4]

A la fin des années 2000, les routes de Chloé Moglia et Mélissa Von Vépy se séparent, tout en menant des recherches convergentes : la première mêle trapèze, danse et arts martiaux internes, dans une quête d'épure et de minimalisme, au sein de l'association Rhizomes (Nimbus, Rhizikon, Opus Corpus...). A la tête de la Cie Happés, Mélissa Von Vepy continue d'explorer l es paysages scéniques en suspension aptes à « faire surgir un imaginaire » (Croc, Dans la gueule du ciel...). Toutes deux ont participé aux SujetS à Vif de la SACD, dans le cadre du Festival d'Avignon (Mélissa Von Vépy en 2009 avec Miroir, miroir ; Chloé Moglia en 2012 avec Le Vertige).

[1] Propos tirés du dossier « L'agrès : entre apprivoisement et dépassement », sur le site territoires de cirque

[2] Pascal Henry, metteur en scène de Un certain endroit du ventre (2001), cité sur le site happés théâtre vertical

[3] site happés théâtre vertical

[4] Vladimir Jankélévitch, La Tentation, Ina, Fremeaux & associés, France Culture

Julie Bordenave

Transcription

(Musique)
Comédien
La nidation est la condition dérisoire du désir comme la mort est la condition de la vie, mais la mort, est la condition implicite, et permanente de la vie, sans que j’aie besoin de courir des aventure et je puis même ne jamais m’en apercevoir. C’est en, en philosophant sur la vie que je m’en aperçois. Au contraire, la nidation devient la condition dérisoire du désir, quand je suis tenté. C’est là l’ironie de toute ambivalence. Mais remarquez que cela, c’est le cas même de la mort, et justement d’une des tentations qu’est la tentation de la mort elle-même ! Et qui explique par exemple le désir qu’a l’homme (n’ayant pas). Le désir du néant, l’attrait du néant, le jeu avec le périple de mort, que l’homme s’amuse à exalter dangereusement. C'est-à-dire que l’homme joue à exalter dangereusement la… ce qui est la condition permanente de son existence pour la passionner, pour passionner son existence. Pour la rendre aventureuse. Il y aura donc, finalement une tentation romanesque, dramatique et très intense de la mort, pour lequel s’affirme justement le caractère dramatique de la vie, et le fait que… elle mérite malgré tout qu’on la vive. Elle mérite que nous la… l'éprouvions.
(Bruit)
(Musique)