Le trio Fratellini

16 novembre 1983
04m 44s
Réf. 00568

Notice

Résumé :

Biographie du trio Fratellini. Des photos, des dessins, des extraits de spectacles nous font découvrir ce trio clownesque. La voix off retrace sa carrière et cite des acteurs ou auteurs qui ont été des spectateurs admiratifs.  

Date de diffusion :
16 novembre 1983
Thèmes :
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Éclairage

Le clown, qui depuis son entrée dans la piste à la fin XVIIIe siècle a su faire évoluer son personnage et son jeu, a eu besoin à la fin du XIXe d'un comparse pour lui donner la réplique, l'Auguste. Avec les Fratellini s'expérimente une nouvelle formule : un clown pour deux Augustes ! Le trio, qui entre dans la légende, se doit de recomposer la relation duelle. L'indispensable travail de réécriture des entrées se fait au profit de personnages, certes typés, mais capables d'une relative profondeur à même d'autoriser un jeu théâtral, une inscription dans une intrigue. La distribution désigne un clown, François, un premier Auguste au jeu intermédiaire, Paul, et un deuxième Auguste, Albert.

Michel Serrault définit leur travail comme un art de la caricature inspiré de la vie quotidienne, « c'était l'outrance habitée par la naïveté, sans la vulgarité [...] ils chargeaient le trait pour toucher au cœur à partir de ce qu'ils avaient vu dans la rue », provoquant un rire, à l'intention subversive, qui remettait « brutalement en question les gens et les choses installés » [1].

Par ordre d'entrée en piste :

François, clown blanc à la voix forte et audible, le plus souvent vêtu de somptueux costumes, dont l'élégance et la souplesse gestuelle font un clown porteur de toute la complexité du personnage comique. Pour Annie Fratellini, « il est la preuve formelle qu'un clown doit avoir la technique de base, l'acrobatie. Que le clown n'est pas comme ses détracteurs ont voulu voir en lui : l'autorité, la puissance. François est complice » [2]. Michel Serrault le définit comme le représentant de « l'institution, la sagesse, la raison et le bon sens » [3].

Paul, le premier faire valoir, porte gilet et costume sombre, ample et grossier. Son maquillage se limite à quelques traits de crayon. Annie Fratellini considère que, avec « l'idée neuve, unique de porter un monocle, un haut-de-forme ; il est le "dandy", le pouvoir ridiculisé » [4]. Sa gestuelle affiche une lourdeur manifeste, mais laisse percer aux instants cruciaux une élégance et une légèreté inattendues. Pour Pierre Robert Levy, Paul a « l'aspect d'un notable de province empêtré dans ses soucis et ses hésitations » [5]. Il est une victime ; mais il apparaît conscient de ses déboires et les aggrave volontairement. Même s'il sort vaincu, l'agresseur n'en est pas pour autant grandi et la complicité souterraine des protagonistes met en exergue la complexité des rapports de force.

Albert, le deuxième Auguste, défini par Michel Serrault comme « l'éléphant dans un magasin de porcelaine. Il semait la panique en empêchant les deux autres de travailler... » [6]. Le maquillage d'Albert, création originale, est qualifié de cubiste : petits yeux ronds enchâssés dans un rectangle blanc lui même cerné de noir, nez énorme modelé dans une matière rouge, bouche de même couleur figée dans un sourire immobile qui fend son visage d'une oreille à l'autre. Travaillé durant des années, il s'est imposé comme un modèle. Pour Tristan Rémy, ce personnage provoque « l'irruption de l'extravagance dans la vie, du démentiel dans la fantaisie, de l'inconscient et du frénétique » [7], son jeu est basé sur la répétition et une importance démesurée est accordée aux détails. Son univers s'agrémente d'un foisonnement d'objets dont la manipulation est toujours l'occasion d'une facétie. Pour ne citer qu'un exemple, La Violetera, interprétée par Raquel Meller, qui offrait des violettes au public, est reprise par Albert qui lance aux spectateurs des carottes et des poireaux.

[1] Michel Serrault, « Toujours présents », Préface à Pierre Robert Levy, Les Fratellini, Arles, Actes Sud, 1997, p. 9-10.

[2] Annie Fratellini, Destin de clown, Lyon, La Manufacture, 1989, p. 72.

[3] Michel Serrault, Op. cit., p. 14.

[4] Annie Fratellini, Op. cit..

[5] Pierre Robert Levy, Les Fratellini, p. 20.

[6] Michel Serrault, Op. cit. , p. 14.

[7] Tristan Rémy, Les Clowns, (1947), Paris, Grasset, 2002, p. 229.

Martine Maleval

Transcription

(Musique)
Annie Fratellini
Leur père, Gustave Fratellini, est le premier à entrer dans le cirque. Il est né à Florence en 1842. Il eut quatre fils qui apprirent très tôt les disciplines du cirque. Au début, Louis et Paul travaillent ensemble comme clowns et Auguste alors que François, déjà grand écuyer et Albert sont acrobates. A la mort de Louis à Varsovie en 1909, Paul, François et Albert se réunissent pour former le premier trio de l’histoire des clowns.
(Musique)
Annie Fratellini
Ils seront indissociables jusqu’à la mort de Paul en 1940.
(Musique)
Annie Fratellini
Proches de la Comedia dell’Arte, avec eux, toute la verve italienne envahissait la piste. Tous les grands artistes les louèrent, Rouault, Picasso, Cocteau, Colette, Darius Milhaud qui leur dédiait la musique du Bœuf sur le toit.
(Musique)
Annie Fratellini
Paul Fort qui disait" Trois en un comme Dieu" et le Dieu, c’est le rire.
(Musique)
Annie Fratellini
De 1909 à 1924, ils travaillèrent au cirque Médrano. Jacques Copeau écrivit "Depuis que je vous connais, je n’entre jamais sans un peu d’émotion dans cette antre odorante et fantastique que vous appelez votre loge. Il conserve pour moi le prestige des greniers de mon enfance où l’amoncellement des choses hors d’usage et à demi détruites, soulevait les puissances poétiques de mon imagination".
(Musique)
Annie Fratellini
"Que de fois, je vous ai retrouvé dans le clair obscur de cette boutique de magicien. Je vous ai vu tracer lentement d’une main sûre et légère comme celle d’un chinois, votre sourcil pareil au croissant de lune".
(Musique)
Annie Fratellini
"Quand vous mettez les pieds sur la piste, les hommes, les femmes, les enfants de tous âges, toutes classes qui remplissent les gradins du Médrano communient instantanément dans le geste d’accueil qu’ils vous font. Leur âme est avec vous dans le cercle de lumière qui accompagne chacun de vos mouvements. François, Albert, Paul, n’est-ce pas un grand bonheur. Demeurez toujours ensemble tous les trois, c’est votre trinité qui est souveraine".
(Bruit)
Annie Fratellini
En 1924, ils quittent le cirque Médrano pour le cirque d’hiver. Et puis, ils ont un chapiteau, le cirque Fratellini en 1930.
(Musique)