Le trio Fratellini
Notice
Biographie du trio Fratellini. Des photos, des dessins, des extraits de spectacles nous font découvrir ce trio clownesque. La voix off retrace sa carrière et cite des acteurs ou auteurs qui ont été des spectateurs admiratifs.
Éclairage
Le clown, qui depuis son entrée dans la piste à la fin XVIIIe siècle a su faire évoluer son personnage et son jeu, a eu besoin à la fin du XIXe d'un comparse pour lui donner la réplique, l'Auguste. Avec les Fratellini s'expérimente une nouvelle formule : un clown pour deux Augustes ! Le trio, qui entre dans la légende, se doit de recomposer la relation duelle. L'indispensable travail de réécriture des entrées se fait au profit de personnages, certes typés, mais capables d'une relative profondeur à même d'autoriser un jeu théâtral, une inscription dans une intrigue. La distribution désigne un clown, François, un premier Auguste au jeu intermédiaire, Paul, et un deuxième Auguste, Albert.
Michel Serrault définit leur travail comme un art de la caricature inspiré de la vie quotidienne, « c'était l'outrance habitée par la naïveté, sans la vulgarité [...] ils chargeaient le trait pour toucher au cœur à partir de ce qu'ils avaient vu dans la rue », provoquant un rire, à l'intention subversive, qui remettait « brutalement en question les gens et les choses installés » [1].
Par ordre d'entrée en piste :
François, clown blanc à la voix forte et audible, le plus souvent vêtu de somptueux costumes, dont l'élégance et la souplesse gestuelle font un clown porteur de toute la complexité du personnage comique. Pour Annie Fratellini, « il est la preuve formelle qu'un clown doit avoir la technique de base, l'acrobatie. Que le clown n'est pas comme ses détracteurs ont voulu voir en lui : l'autorité, la puissance. François est complice » [2]. Michel Serrault le définit comme le représentant de « l'institution, la sagesse, la raison et le bon sens » [3].
Paul, le premier faire valoir, porte gilet et costume sombre, ample et grossier. Son maquillage se limite à quelques traits de crayon. Annie Fratellini considère que, avec « l'idée neuve, unique de porter un monocle, un haut-de-forme ; il est le "dandy", le pouvoir ridiculisé » [4]. Sa gestuelle affiche une lourdeur manifeste, mais laisse percer aux instants cruciaux une élégance et une légèreté inattendues. Pour Pierre Robert Levy, Paul a « l'aspect d'un notable de province empêtré dans ses soucis et ses hésitations » [5]. Il est une victime ; mais il apparaît conscient de ses déboires et les aggrave volontairement. Même s'il sort vaincu, l'agresseur n'en est pas pour autant grandi et la complicité souterraine des protagonistes met en exergue la complexité des rapports de force.
Albert, le deuxième Auguste, défini par Michel Serrault comme « l'éléphant dans un magasin de porcelaine. Il semait la panique en empêchant les deux autres de travailler... » [6]. Le maquillage d'Albert, création originale, est qualifié de cubiste : petits yeux ronds enchâssés dans un rectangle blanc lui même cerné de noir, nez énorme modelé dans une matière rouge, bouche de même couleur figée dans un sourire immobile qui fend son visage d'une oreille à l'autre. Travaillé durant des années, il s'est imposé comme un modèle. Pour Tristan Rémy, ce personnage provoque « l'irruption de l'extravagance dans la vie, du démentiel dans la fantaisie, de l'inconscient et du frénétique » [7], son jeu est basé sur la répétition et une importance démesurée est accordée aux détails. Son univers s'agrémente d'un foisonnement d'objets dont la manipulation est toujours l'occasion d'une facétie. Pour ne citer qu'un exemple, La Violetera, interprétée par Raquel Meller, qui offrait des violettes au public, est reprise par Albert qui lance aux spectateurs des carottes et des poireaux.
[1] Michel Serrault, « Toujours présents », Préface à Pierre Robert Levy, Les Fratellini, Arles, Actes Sud, 1997, p. 9-10.
[2] Annie Fratellini, Destin de clown, Lyon, La Manufacture, 1989, p. 72.
[3] Michel Serrault, Op. cit., p. 14.
[4] Annie Fratellini, Op. cit..
[5] Pierre Robert Levy, Les Fratellini, p. 20.
[6] Michel Serrault, Op. cit. , p. 14.
[7] Tristan Rémy, Les Clowns, (1947), Paris, Grasset, 2002, p. 229.