La Compagnie Foraine

1998
03m 55s
Réf. 00506

Notice

Résumé :

Sur des extraits de ReVu/rue Marcel-Duchamp (1997-1998) et de Et Qui Libre ? (1999), Adrienne Larue précise les objectifs de La Compagnie Foraine dans la démarche qui consiste à croiser de manière féconde les arts plastiques et les arts du cirque et ce dans le respect de chacune des formes impliquées dans la piste, selon des règles définies.

Date de diffusion :
1998
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Thèmes :

Éclairage

Adrienne Larue et Dan Demuynck se rencontrent en 1967, à l'Ecole Lecoq. Ils fondent une compagnie de théâtre itinérant et leur désir d'explorer une pluralité d'expression les conduit à l'Ecole Nationale du Cirque d'Annie Fratellini. Ils déclarent, « le mode de vie des gens du cirque, l'itinérance, l'aspect décalé par rapport à une certaine normalité nous attiraient ». [1] Ils travaillent un numéro de saut à la banquine, Les Flips (A. Larue est la porteuse), qu'ils présentent au Cirque d'Hiver.

Depuis 1974, D. Demuynck et A. Larue et leurs enfants, Armance Brown, Fabien Demuynck et Iago Larue, multiplient les échanges productifs entre les arts (poésie, théâtre, musique, pantomime, cirque) et avec d'autres artistes (Théâtre de l'Unité, Agathe et Antoine, Les Colporteurs et l'Ensemble Ars Nova, entre autres). Avec Cirque Beckett (1989-1990), Lear-Eléphants (qui fait appel au comédien Benoît Régent) et Le Commis Lear (avec François Chaumette) (1991-1993), ils constatent que la confrontation du texte et de l'acte circassien recèle des limites liées au poids de l'image qui, de par sa charge émotionnelle, « recouvre tout » et happe le spectateur. Selon A. Larue, « pour sortir de l'image et aller vers l'écriture, il faut chercher ce point mystérieux où les deux s'équilibrent », autrement dit : « Quelle proportion de langage peut-on introduire sans tomber dans la caricature ni dans une historiette que personne n'écoute ? ». [2] Ce constat conduit la Compagnie Foraine à croiser les arts du cirque et les arts plastiques. Le mélange actif dans le cadre structurant de la piste en affirme l'ouverture et relève de « cette vieille idée qu'il faut faire sortir l'art du musée » [3], non pour l'exposer mais pour l'inscrire dans un espace de liberté créatrice.

Pour ReVu/Ex-centrique (1993), ReVu/rue Marcel-Duchamp (1997-1998) [4] et Et Qui Libre ? (1999), A. Larue et D. Demuynck demandent à des plasticiens de concevoir des agrès ou des numéros dans une relation de contraintes partagées [5]. Pour Dan Demuynck, l'« univers du plasticien est la première contrainte, le cirque en est une autre » et, poursuit-il, « là se situe [...], la condition de la création : la liberté sous la contrainte. Se faire contraindre sur l'espace, le rythme, la couleur... par des gens en qui l'on a confiance, permet de découvrir des territoires où l'on ne se serait pas aventuré seul » [6].

Dans la relation incontournable de l'artiste circassien à son objet, ses agrès, l'interférence de l'artiste plasticien le projette dans l'instable et l'improbable. L'artiste, sensé être maître de son corps, est conduit à une remise en cause de sa gestuelle, pourtant résultante d'une longue expérimentation. Elle est à étudier, à "re"calculer. Les corps, projetés dans des schémas encore inexplorés, inaugurent des postures, se soumettent à des rythmes déstabilisants et, ainsi, déclinent une palette gestuelle riche et susceptible d'être mobilisée par un propos artistique.

[1] Dan Demuynck et Adrienne Larue cités par Hugues Le Tanneur dans « Baths du corps, acrobates de l'esprit », Paris Aden, du 29/03 au 4/04 2000, p. 10.

[2] Adrienne Larue, « L'Equilibre mystérieux de la Compagnie foraine », entretien réalisé par Carole Boulbès, dans Yan CIRET, Le Cirque au-delà du cercle, Artpress, spécial n° 20, 1999, p. 44.

[3] Dan Demuynck et Adrienne Larue cités par Hugues Le Tanneur, Op. cit.

[4] Réalisé en collaboration avec La Zattera di Babelle, compagnie italienne dirigée par Carlo Quartucci, qui confronte les productions d'artistes de l'Arte povera à des fragments de textes.

[5] Sont sollicités : Daniel Buren et ses rayures, Alain Sonneville et ses matières souples et visqueuses, Jannis Kounellis, Tony Brown, Gilbert Peyre et son robot. Citons également Christian Boltanski pour C.B. contorsionniste.

[6] Dan Demuynck, « Rencontre contemporaine », propos recueillis par Laurence Castany, dans Le Cirque et les arts, Hors-série Beaux-Arts magazine, Paris, 2002, p. 78.

Martine Maleval

Transcription

(Musique)
Intervenante
Le cirque a une mauvaise image de marque à l’époque. Quand je dis, je vais déposer le nom Compagnie Foraine. On m’a dit, tu ne trouves pas que ça fait voleur de poule ? Je lui ai dit, ben justement, il y avait cette provoc qui restait. C’était compagnie justement, les compagnons. Donc, j’imaginais une troupe transcontinentale en toute simplicité, par delà les langages et qui ferait, ben ma foi, ce qu’elle a à faire pour parler du monde en général. Enfin, c’était le programme minimum complètement ambitieux.
(Musique)
Comédienne
J’aime la structure intelligente, j’aime l’intelligence. Mais dans le domaine de l’art, j’aime beaucoup moins les idées aussi brillantes fussent-elles.
Intervenante
C'est-à-dire que ce n'est pas une rencontre tout azimut. Chacun vient et on va voir ce qui se passe. On a essayé de travailler, et je me suis efforcée de rédiger des textes, parce que l’écriture dans ces cas-là, c’est important. Parce que quand vous le lisez à haute voix, et vous vous dites, bon, alors j’ai dit ça et je n’ai pas dit ça. Bon, j’ai dit, la piste n’est pas un lieu où on vient accrocher des œuvres d’art. Bon ben, ça y écrit, c’est fini, donc il n’y a plus de tentation. Mais au début, je n’étais pas sûre. On dit, la piste n’est pas un lieu où les plasticiens vont venir faire des performances. Ils ont rêvé d’être clowns. Ah non, ce qu’on leur propose, c’est qu’il y a des artistes chez nous dont le métier est d’être Auguste ou clown blanc, alors qu’ils viennent les rencontrer. Puis, par exemple du cirque, on garde ce que j’appelle moi, la force, l’âme du cirque, la piste. Ca sera dans la sciure, ça sera en rond. Le spectacle terminé, il restera itinérant. On pourra déménager, le remonter. Donc, je voulais qu’il y ait des règles respectées qui me semblent être les règles du cirque. C'est-à-dire que le numéro ne dépassera pas 7 minutes. Il sera basé sur cette espèce d’alternance de la force, le rire, la poésie, le son ou l’absence du son, écouter les sons du cirque. Il y a eu quand même un protocole, et bien sûr un protocole c’est fait parfois pour être transgressé, mais pas au départ. Je pense que si on ne tient pas que les règles, elles sont faites pour être respectées, alors ce n'est pas la peine de les écrire.
(Silence)
Intervenante
Nous sommes tous des poètes, mais à partir du moment où on a dit ça, nous appartenons à tous les tiers-mondes.