Compagnie Hendrick Van Der Zee (HVDZ)

16 avril 2004
01m 42s
Réf. 00583

Notice

Résumé :

Reportage sur Les Sublimes, présenté au manège de Reims. Des extraits du spectacle qui rendent compte du mélange des arts mis en scène et un bref entretien de Guy Alloucherie qui contextualise sa création critique et révoltée face à la violence économique de la société.            

Date de diffusion :
16 avril 2004
Source :
Fiche CNT :

Éclairage

Les Sublimes (mettre une étoile rouge à la place du point sur le i) que Guy Alloucherie met en scène sont des figures qui appartiennent à un univers censé disparu, le carreau de la mine, habité par ceux qui y ont déposé leur sueur et leur sang. Par l'affirmation de leur présence, ainsi réhabilités, ils donnent chair à la cohorte des exclus oubliés ou négligés, toujours méprisés, broyés par l'infernale machinerie de l'exploitation capitaliste, ici et maintenant.

Depuis 1998, la Compagnie Hendrick Van Der Zee (H.V.D.Z.) qui s'attache à rendre actif l'assemblage « recherches artistiques, action culturelle et engagement militant » [1] prend naissance, à la Fabrique Théâtrale à Loos-en-Gohelle (Scène nationale du Bassin minier du Pas-de-Calais). Elle a déjà produit des spectacles rendant audible et visible la présence des vaincus de l'Histoire. Notamment, en 2001, dans J'm'excuse, Guy Alloucherie s'était emparé des destins croisés de deux itinéraires de fils de mineur, le sien et celui du comédien Kader Baraka. Le metteur en scène revendique cette origine, pour affirmer la vivacité de ses racines dans ses engagements contemporains : « Je suis fils de mineur mais aussi militant anticapitaliste, nourri de la culture des mots et fasciné par l'énergie des corps... » [2].

La Base 11-19 [3], un carreau de fosse en friche, qui reste, selon G. Alloucherie, « le lieu de la classe ouvrière, des luttes, des grèves, des catastrophes, de la silicose, du travail », est devenue le lieu de travail de la compagnie. Elle y a conçu Les Sublimes, « un spectacle de cirque-danse-théâtre ». Si la mise en scène et la direction artistique sont assumées par G. Alloucherie, une équipe de création [4] est indispensable pour qu'au final, aucun genre n'empiète sur l'autre, pour que le mélange ne trahisse aucune forme, pour arriver à une équivalence de traitement.

Mélange des genres, mélange des éléments. Au travers des mots et des corps, s'affirment des fragments de constats, des matériaux jetés en vrac, des matières éparses favorisant le surgissement d'éclats d'un réel brut et violent qui nous envahit. Guy Alloucherie, acteur, témoin, porte parole, occupe régulièrement le devant de la scène. S'emparant d'un micro, il raconte « je » et tous les « autres ». Ainsi, son autobiographie s'efface au profit de celle de ceux qui ne sont plus, de celle de ceux qui sont privés de parole. Non pour parler à leur place, mais pour les inciter à arracher la parole à son interdit.

Les artistes de cirque (acrobates au sol ou au mât chinois, jongleurs, voltigeurs, trapézistes), les danseurs, les comédiens, les acteurs du monde réel – par vidéos interposées – construisent, à tour de rôle ou simultanément, un tableau poétique et salutaire du chaos du monde administré. « Dans la manière dont je le pratique, depuis l'endroit où je le fais, il me semble que mon théâtre est militant. Cela ne signifie pas que le théâtre soit un véhicule pour faire passer un message. Mon esthétique est marquée par le collage des textes, des gestes, des sons et des vidéos. Elle reflète en quelque sorte la complexité de l'être humain » [5].

[1] Notamment, dans Les Veillées. Des spectacles construits lors de résidences qui privilégient les rencontres et le travail artistique avec des habitants.

[2] Guy Alloucherie, « Le Désordre du monde » propos recueilli par Jean-Christophe Planche, Les Cahiers du Chanel, n° 26, octobre 2006, p. 3.

[3] Titre de la création de suivante, en 2007.

[4] Guy Alloucherie - direction artistique et mise en scène, Martine Cendre - dramaturgie, création sonore et assistante à la mise en scène, Howard Richard & Marie Letellier – chorégraphie, Frantz Loustalot - conception technique et régie générale, Sophie Oswald - conception vidéo.

[5] Guy Alloucherie, « Le Désordre du monde », op. cit.

Martine Maleval

Transcription

(Musique)
Journaliste
Explosif, émouvant, brut, révolté et indocile, le spectacle Les sublimes prend aux tripes et ne peut laisser indifférent. En représentation au Manège de Reims cette semaine, la compagnie Hendrick Van Der Zee située près de Lens offre une critique violente et amère du libéralisme sauvage avec en toile de fond les corons, les ouvriers du nord martyrisés et le chaos social de cette région sinistrée.
(Musique)
Guy Alloucherie
C’est des gens qui étaient… une région si fière de ses travailleurs, de ses mineurs. Si je pense au bassin minier en particulier, qui du jour au lendemain ferme les mines. Les gens se retrouvent sans travail et on leur dit des années plus tard, maintenant il faut vous remettre à travailler, il faut faire des stages, il faut vous former, ceci, cela... Euh, vous êtes fainéants. C’est-à-dire que c’est insupportable, c’est une humiliation. Et là, il y a un devoir de bien sûr... Il y a un devoir fondamental de réagir.
Journaliste
Alloucherie ne sombre jamais dans le dogmatisme. Pendant la performance, il vient sur scène comme fil rouge afin d’expliquer la genèse de son œuvre à la fois poétique et hardcore.
Guy Alloucherie
Quand j’étais môme, je voulais fuir très loin, m’en aller. On disait, il faut quitter cette région pour s’en sortir. S’en sortir. Se sortir de quoi. De ça ? On pensait donc que de là où l’on vient, c’est si nul intellectuellement, humainement, économiquement parlant. Qu’il faut s’en sortir. C’est sacrément humiliant tout de même.
Journaliste
En tournée dans toute la France ce printemps, Les sublimes dérangeront peut-être, marqueront sûrement.