Guignol
Notice
En 2001, le festival lyonnais Moisson d'Avril veut dépoussiérer Guignol : en salle ou en plein air, enfants et adultes réunis assistent aux spectacles de la compagnie Les Zonzons, du Théâtre Chignolo, des Petits Bouffons de Paris. Jean-Guy Mourguet, descendant du créateur de Guignol, évoque la genèse locale de son compère Gnafron, alors que pour Simone Blazy, conservateur du musée Gadagne, les marionnettes ont le talent de refléter toutes les préoccupations humaines.
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Éclairage
L'ancien canut lyonnais, Laurent Mourguet (1769-1844), a créé le personnage de Guignol au début du XIXe siècle. Aucun document n'atteste 1808 comme année de naissance, mais cette date a été choisie pour la célébrer. Au chômage, Laurent Mourguet devient marchand forain puis arracheur de dents et utilise la marionnette de Polichinelle pour séduire la clientèle. Son jeu attirant plus de personnes que sa pratique dentaire, il se consacre au théâtre de marionnettes en s'adjoignant les services de Grégoire Lambert Ladré, dit le père Thomas, amuseur public et violoniste, pour dialoguer avec Polichinelle comme le voulait la coutume. Le père Thomas, porté sur la bouteille, est souvent absent au moment voulu, ce qui aurait conduit Mourguet à sculpter la marionnette de Gnafron à son image – il sera affublé d'un gros nez rouge. Gnafron est savetier (gnafre, en parler lyonnais). Quelques années plus tard, Mourguet crée Guignol, véritable autoportrait d'un jeune homme au visage rond, petit nez, et larges yeux en amande, dont le métier change selon les histoires mais qui est le plus souvent domestique.
Le costume de Guignol est toujours le même, une redingote, un gilet marron avec des boutons dorés et un bonnet de cuir. Il est aussi caractérisé par son « salsifis », une tresse de cheveux enrubannée. Son accessoire préféré est très célèbre : un long bâton, appelé tavelle mais aussi racine d'Amérique, ou éventail à bourrique, ou suc'de pomme, ou picarlas, fendu sur la longueur pour claquer fortement lorsqu'il est frappé sur l'étroite surface horizontale de la scène, la « bande ». Guignol s'en sert surtout contre les voleurs, les propriétaires, ou les gendarmes à la grande joie des spectateurs.
Sur le plan technique, c'est une marionnette à gaine lyonnaise : elle n'a pas de jambes et le marionnettiste glisse sa main dans l'étui de tissu qui lui tient lieu de corps en enfilant ses doigts dans des cônes de cuir pour manipuler les bras et la tête – le pouce pour le bras gauche, l'index pour la tête, le majeur, l'annulaire et l'auriculaire pour le bras droit. Cette technique s'est imposée rapidement dans toute la France au XIXe siècle et le terme de guignol a souvent été employé comme synonyme de marionnette à gaine.
Le succès de Guignol fut immédiat, le public populaire se reconnaissant dans ce nouveau personnage naïf et rusé qui partage ses préoccupations et parle sa langue. Plusieurs générations de marionnettistes descendants de Laurent Mourguet ont improvisé, chaque soir, devant les ouvriers et les dockers lyonnais en intégrant les événements locaux aux canevas de leurs histoires. Puis Guignol connaît bien des aléas : la censure du Second Empire, l'éloignement de sa région natale, les changements de public, un répertoire édulcoré... Jusqu'à ce que Jean-Guy Mourguet lui redonne, à Lyon, dans les années 50, son esprit mordant d'origine et refasse quelques adeptes parmi des professionnels convaincus de sa survie nécessaire.