Raimund Hoghe et Swan Lake, 4 Acts

19 octobre 2005
03m 59s
Réf. 00870

Notice

Résumé :

Dans le cadre de l'émission Les Mots de Minuit, le chorégraphe allemand Raimund Hoghe donne les clefs de sa version du Lac des Cygnes, ballet de Tchaïkovski, qu'il a intitulé Swan Lake, 4 acts.

Date de diffusion :
19 octobre 2005
Source :

Éclairage

C'est l'histoire d'un prince bossu qui rêve d'un cygne trop beau pour lui. Ou bien l'inverse. D'un cygne bossu qui rêve d'un Prince trop beau pour lui. L'un dans l'autre, ces deux hypothèses troublent l'eau du lac de Swan Lake, 4 acts, version sacrificielle et somptueuse du Lac des Cygnes réalisée en 2005 par le chorégraphe et metteur en scène allemand Raimund Hoghe (né en 1949). Le bossu, c'est lui. Il a ainsi intitulé un film-autoportrait réalisé en 1998 Le Bossu. Raimund Hoghe, qui fut journaliste pendant vingt-cinq ans, avant de devenir le dramaturge de Pina Bausch pendant dix ans (de 1980 à 1990) ne craint ni les mots, ni les images. Depuis son premier spectacle Meinwärts (1994), dédié au ténor juif allemand Josef Schmidt, de petite taille comme Hoghe, a décidé de faire de sa bosse un étendard. C'est sur elle, en la surexposant, en la dénudant, en l'illuminant tel un paysage, qu'il a bâti son œuvre. Si elle aveugle régulièrement le regard du spectateur, la petite silhouette de Raimund Hoghe, toujours en costume noir, curieusement apaise.

Raimund Hoghe a 45 ans lorsqu'il décide de passer à l'acte et de grimper sur scène. Arpenteur de plateau qu'il auréole d'intimité, il en redessine les contours, sacralise des coins secrets par le biais de bougies, de fleurs, de glaçons... Sur un répertoire de chansons populaires des années 50 ou d'airs d'opéra chantés par la Callas, Hoghe ritualise la vie en solitaire, teinte sa différence aux couleurs d'une paradoxale pudeur. Avec toujours le désir d'amour et de beauté planant sur le plateau. Enfant, Hoghe rêvait de devenir danseur : sa petite taille et sa bosse l'empêchèrent de concrétiser ce rêve. Revanche d'une vie offensive et superbement courageuse, il est devenu l'interprète principal de ses fresques minimalistes.

Après avoir mis en scène en 2004 une version superbe du Sacre du Printemps sur la musique de Stravinsky intitulée Sacre-The rite of spring, Raimund Hoghe a poursuivi son exploration des pièces mythiques du répertoire classique. Swan Lake, 4 acts, Boléro-Variations (2007), sur des musiques variées de boleros, indiquent l'intérêt passionné de Hoghe pour l'art de la relecture.

Conçu avec des danseurs ayant interprété pour certains la version classique du Lac des Cygnes, Swan Lake, 4 acts, sur la musique de Tchaïkovsky, est nourri par les couches de gestes et de mémoire des danseurs. Hoghe qui déclare « avoir rêvé ce lac comme on rêve d'amour », a cherché « à incarner un rêve d'amour plein de malentendus ». Sa démarche s'inscrit dans la foulée de tous les chorégraphes qui ont osé s'affronter au monstre du ballet classique. Parmi les versions offensives, celles de John Neumeier en 1976, de Mats Ek en 1987, de Matthew Bourne en 1995, entre autres, ont frappé le public. Celle de Raimund Hoghe, toute entière innervée de fureur d'aimer et d'impuissance, appartient au registre des plus émouvants.

Avec une quinzaine de pièces à son actif, Raimund Hoghe a fait du plateau un espace de résilience tout en imposant un geste d'auteur aiguisé. Toujours présent sur scène au milieu de ses interprètes, il réordonne le monde selon des rituels minimalistes d'une rare intensité. Il est depuis 2010 artiste en résidence à l'Agora-Cité de la danse, à Montpellier. Ses spectacles sont régulièrement présentés au festival Montpellier Danse, au festival d'Automne, à Paris.

Rosita Boisseau

Transcription

(Musique)
Philippe Lefait
Ce qu’on voit dans ce spectacle, d’abord l’incroyable performance physique, où vous voilà avec Lorenzo de Brabandere qui est un danseur avec lequel vous travaillez depuis quelques années. Alors plusieurs questions par rapport à votre travail, d’abord le Ballet de Leningrad et vous, le Lac des Cygnes, on a l’impression ou on peut avoir l’impression que ça n’a rien à voir.
Raimund Hoghe
Pour moi, si. Il y a quelque chose à voir, il y a ce désir commun, ce désir très fort dans les deux. Et d’ailleurs ce Ballet de Leningrad, je l’avais visionné lorsque j’ai commencé à travailler sur ce Lac des Cygnes. J’ai vu ça avec différentes chorégraphies que j’ai étudiées, qui m’ont servi. Qui ont été une source d’inspiration pour moi. Donc pour moi, l’idée n’était pas de faire quelque chose de radicalement différent mais de faire quelque chose qui reprenne ce désir commun, ce désir si fort et c’est ça finalement le lien qui nous unit. Finalement, la question n’est pas vraiment une question d’improvisation, c’est plus une question de suivre cette histoire, d’avoir ce désir à l’esprit. C’est quelque chose de très important. On entend au début qu’il y a des mots en russe, ça permet de donner le contexte, donner le contexte historique ; permettre de reprendre les mémoires des gens par rapport à ce Lac des Cygnes.