Deux solos du Lac des cygnes par Noureev
Notice
Ces deux solos du Prince sont extraits du premier Lac des Cygnes chorégraphié par Noureev pour le Ballet de l'Opéra de Vienne en 1964, et dont il est le principal interprète avec Margot Fonteyn. Cette production fut filmée en 35 mm, en couleurs, et publié par Unitel en vidéocassette deux ans plus tard. Nous voyons ici en entier les deux solos ajoutés par Noureev et chorégraphiés par et pour lui à la fin du premier acte.
Éclairage
Rudolf Noureev monte pour la première fois sur la scène du Kirov de Léningrad quand il est encore élève de l'Ecole de danse, en février 1958. En octobre, âgé de 20 ans, il y fait ses débuts comme soliste dans le « Pas de trois » du premier acte du Lac des Cygnes. Il n'aborde le rôle du prince qu'en avril 1961, avec Ninel Kurgapkina (qui sera son assistante trois décennies plus tard pour remonter La Bayadère à l'Opéra de Paris). Rudolf Noureev ne danse que deux fois le rôle du prince Siegfried avant de quitter l'URSS. En revanche, après son immense succès à l'Opéra de Paris, il le danse une dizaine de fois au Palais des Sports avec le Ballet du Kirov, entre le 3 et le 15 juin 1961. La dernière représentation, qui est aussi la soirée d'adieu du Ballet du Kirov à Paris, s'achève sur des ovations sans fin. Le lendemain matin, la troupe prend le chemin du Bourget....
En mai 1962, Rudolf Noureev est engagé pour danser Le Lac des cygnes avec le Royal Ballet. Il ose s'ajouter un solo au premier acte, liberté très controversée alors par les britanniques ! Quand il est invité par l'Opéra de Vienne à remonter Le Lac des cygnes en octobre 1964, Rudolf Noureev décide de remodeler la chorégraphie, tout en conservant intact le second acte d'Ivanov. Il y a longtemps qu'il rêve de développer le rôle du prince, car dit-il « Petipa n'a presque rien créé pour les danseurs, et tout pour les femmes ». Dans sa version de Vienne, le Prince devient le pivot de l'action, et les cygnes font partie de son rêve. Ainsi Noureev ajoute dès le premier acte ces deux solos, un sur la musique de la première Variation du « Pas de trois », Adante sostenuto, qui exprime la nostalgie du prince et sa différence, et le second solo (après la « danse des coupes » par le corps de ballet) - sur la musique du finale du premier acte, quand le prince, arbalète à la main s'apprête à partir le soir chasser près du lac mystérieux.
Ces deux solos (extraits du film 35 mm en couleurs qui fut réalisé avec Noureev et Margot Fonteyn à l'Opéra de Vienne dans les décors et costumes de Nicholas Georgiadis) montrent un Noureev dans toute sa splendeur, jeune et d'une souplesse féline, aux mains d'une grande élégance, particulièrement beau et expressif dans la seconde variation qui bénéficie de plans rapprochés.
Quand vingt ans plus tard, nommé directeur de la danse à l'Opéra de Paris, Rudolf Noureev décide de remplacer le légendaire Lac des Cygnes de Bourmeister créé en 1959 (et que lui-même a dansé, notamment avec Natalia Makarova en juillet 1973 aux Nuits du Louvre) par une nouvelle production dont il signe la chorégraphie, il déclenche un mouvement de grève des danseurs de l'Opéra qui tiennent à leur version, même déformée par le temps. Ils n'acceptent de répéter la chorégraphie de Noureev qu'après promesse que l'on reprendra par la suite la version de Bourmeister. On la reprend en effet quelques années plus tard, mais dans des conditions si ridicules qu'elle disparait à jamais de l'affiche, et que Le Lac des cygnes de Noureev, dans les décors d'Ezio Frigerio et les costumes de Franca Squarciapino, mûri et enrichi depuis la version de Vienne, fait toujours courir les foules tant au Palais Garnier qu'à l'Opéra Bastille. Et tous les danseurs de l'Opéra de Paris désirent incarner ce Prince rêveur au rôle étoffé, devenu presqu'aussi important que celui de la Princesse cygne et de son double.
En revanche Le Lac des cygnes de l'Opéra de Vienne demeure le seul témoignage filmé de ce ballet dansé par Rudolf Noureev et sa partenaire de légende, Margot Fonteyn.