Boris Charmatz
Notice
Le chorégraphe Boris Charmatz, personnalité de la danse contemporaine depuis le milieu des années 90, évoque avec le journaliste Philippe Lefait, son parcours, ses axes de travail, commentent des images de ses spectacles. Ce très long entretien ramasse les enjeux de son parcours sur un ton libre et enjoué.
Éclairage
Boris Charmatz (né en 1973) est l'une des figures de proue, avec Jérôme Bel entre autres, de la "non danse", mouvement de critique de l'art chorégraphique apparu en France au milieu des années 90, autrement appelé "danse conceptuelle" ou "danse plasticienne", tant ses motifs font appel d'abord à des idées et des installations avant de valoriser le mouvement. Directeur depuis 2009 du Musée de la danse, nom dont il a rebaptisé le Centre chorégraphique national de Rennes dirigé par Catherine Diverrès.
Au micro de Philippe Lefait, l'ancien élève de l'école de danse de l'Opéra de Paris et du Conservatoire national supérieur de Musique et de Danse de Lyon préfère évoquer le cinéma (entre autres, les films de Tarkovski), La Classe morte de Tadeusz Kantor (1915-1990), vue à la télévision dans un camping... Interprète chez Régine Chopinot, puis chez Odile Duboc dont il dit "que s'il n'avait pas collaboré avec elle, il n'aurait peut-être pas développé le même travail", il crée l'association Edna en 1992 avec le danseur Dimitri Chamblas.
C'est avec A Bras le corps (1993), duo ultra-énergique chorégraphié et dansé avec Chamblas, qu'il se fait connaître. En 1996, Aatt... Enen... Tionon, uniquement signé par Charmatz, dresse un échafaudage métallique sur les trois étages duquel ont pris place trois danseurs dont le chorégraphe (voir le document). Chacun des travaux de Charmatz déplace le front de la danse pour examiner ce qu'il en reste.
Curieux de tous les styles, il s'est glissé dans la gestuelle en aplats de Vaslav Nijinski pour L'Après-midi d'un faune (1912) sous la houlette du Quatuor Albrecht Knust, mais aussi dans les volutes d'Isadora Duncan sous la direction de l'experte Elisabeth Schwartz... Improvisateur, il remet sans cesse son ouvrage sur le métier avec des musiciens comme Médéric Collignon ou des danseurs comme Steve Paxton.
Avec une quinzaine de pièces et installations à son actif - il a aussi réalisé des films et des expositions -, Boris Charmatz, artiste associé du festival d'Avignon en 2006, a imposé son geste artistique multipolaire, plastique, pédagogique (il a imaginé une école de danse nomade baptisée "Bocal" (2002-2004)), littéraire (il a signé Entretenir/à propos d'une danse contemporaine (2003), et écrit Je suis une école (2010)). Avec le directeur du Théâtre de la Ville Emmanuel Demarcy-Motta, il pilote depuis 2010, le concours Danse élargie ouvert aux artistes de tous les horizons. En choisissant de rebaptiser le CCN de Rennes, Musée de la danse, Boris Charmatz crée un concept qui lui ressemble au carrefour de la danse, de l'écriture, des installations plastiques, de la pédagogie. "Si c'est un lieu, annonce-t-il sur le site du Musée, c'est aussi une idée nomade, qui peut se déplacer, abriter du temps, du vide, des discours, des nus, du politique, des discussions, des œuvres et des fantasmes et parfois même tout cela en même temps".