En Attendant l'Eclipse de Hervé Robbe
Notice
Quelques images du spectacle du chorégraphe Hervé Robbe En Attendant l'Eclipse. Avec commentaires du créateur.
Éclairage
Lorsqu'il chorégraphie en 1991 En espérant l'Eclipse, Hervé Robbe revient d'un voyage en Espagne et en Amérique du sud. Sa valise déborde d'images, de sensations et de musiques qu'il réinjecte dans cette pièce se chauffant au soleil d'une Espagne imaginaire. La silhouette profilée, le mouvement taillé en biais, augurent déjà de la danse souple et savante, sans cesse reconduite dans son énergie, qui sera celle de Robbe.
Ce spectacle est le onzième mis en scène par Robbe depuis la création de sa compagnie le Marietta Secret en 1987. C'est dire le démarrage sur les chapeaux de roues de sa carrière. Installé d'abord à Paris, il prend la tête du Centre chorégrapique national du Havre Haute-Normandie en 1999. Il en tiendra les rênes jusqu'en 2011. A propos de cette prise de pouvoir, il déclarait en 2001 : "Pendant longtemps, j'ai eu besoin, venant d'un milieu modeste, de m'appuyer sur des références historiques ou esthétiques pour justifier en quelque sorte mes spectacles. Avec le temps, j'ai appris à avoir confiance dans mes désirs, à assumer mes choix et mes responsabilités en tant que chorégraphe et directeur de compagnie. En arrivant au Havre, j'ai eu envie, pour la première fois en quinze ans de travail, de consolider mes bases en posant clairement la question de mon identité. J'ai conçu le solo Polaroïd qui évoque mes origines à travers les images d'un HLM de ma banlieue lilloise où j'ai vécu jusqu'à huit ans. Pour affronter cette question du pouvoir qu'implique la direction d'un centre, il était important pour moi de montrer d'où je venais et comment la danse avait bouleversé ma vie".
Pour Polaroïd, Hervé Robbe filme l'immeuble autrefois "cité radieuse" de son enfance au moment même où le bâtiment est dynamité et s'effondre. Il danse devant ses images de chute, marquant la fin d'une époque et pointant le trajet accompli. Ce retour aux origines augure d'une nouvelle ligne artistique resserrée autour des passions de Robbe : la danse et les arts plastiques. Si le mouvement reste le centre nerveux de son travail, il lui construit des écrans, des cloisons, l'immerge dans des appartements imaginaires. Toujours plus près de ses origines, Un Terrain encore vague (2011) se souvient du no man's land qu'il contemplait depuis la fenêtre de sa barre HLM.
Passé par des études d'architecture, celui qui adorait jouer aux Lego, découvre la danse à 15 ans. Il fait son apprentissage à l'école Mudra, pilotée par Maurice Béjart, à Bruxelles. En 1993, pour Factory, pièce-phare du début des années 90, il invite le sculpteur anglais Richard Deacon à concevoir de très beaux meubles en bois, haricots aux formes douces, avec lesquels les danseurs habillés comme des travailleurs, dialoguent. Le public, revêtu d'une chasuble de protection, partage l'espace de représentation et peut observer au plus près ces drôles d'ouvriers de la danse au coeur d'une usine magique. Parmi ces interprètes, on croisait Rachid Ouramdane, Emmanuelle Huynh ou Christian Rizzo, aujourd'hui à la tête de leurs propres companies.
Ce goût pour le croisement des pratiques explose au début des années 90 sur la scène chorégraphique. Au même moment, la chorégraphe Odile Duboc (1941-2010) conçoit Projet de la matière avec la plasticienne Marie-Josée Pillet (voir le document) tandis que Régine Chopinot fait appel au land-artiste Andy Goldsworthy pour Végétal.
Au fil du temps, Hervé Robbe produit des environnements plastiques et visuels de plus en plus imposants. En 2000, Permis de construire-Avis de demolition, combine un spectacle et une installation audiovisuelle (voir le document). Cinq ans après, Mutating score entraîne les spectateurs dans une déambulation douce au coeur d'une scénographie sans cesse mobile. "Je suis parti d'un corps académique pour arriver à un corps libre... Je suis parti d'un appartement fonctionnel et contraignant pour ouvrir des lieux imaginaires" résumait le chorégraphe en 2001.
La proximité avec les spectateurs, qui se retrouvent à partager l'espace scénique, fait partie des obsessions d'Hervé Robbe. L'installation So Long as Baby...Love and Songs will be (2006), conçue entièrement par le chorégraphe, met définitivement le public en vedette dans un mobilier blanc impeccablement élégant. Casqué d'écouteurs, assis sur un canapé ergonomique, le spectateur écoute des chansons douces dont les clips réalisés et interprétés par Robbe et ses danseurs, défilent sur des écrans.
Chorégraphe, metteur en scène, plasticien mais aussi cinéaste – il a co-écrit avec Vincent Bosc le film Une maison sur la colline (2009) dans la Villa Noailles, à Hyères-, Hervé Robbe multiplie les propositions multi-média, se situant bien avant la mode dans la tendance "multimédia". Depuis 1987, il a chorégraphié plus d'une trentaine de pieces et collaboré avec des companies internationales comme la Batsheva Dance Company de Tel-Aviv (Israel) ou le Ballet Gulbenkian de Lisbonne (Portugal).