Tristan et Isolde mis en scène par Wieland Wagner

24 février 1966
02m 35s
Réf. 01102

Notice

Résumé :

Le reportage propose une interview de Wieland Wagner, petit fils de Richard Wagner, inventeur du Neues Bayreuth, et promoteur d'un style de mise en scène d'opéra qui domine la scène lyrique des années cinquante et soixante. On entend ensuite la cantatrice Birgit Nilsson interpréter un extrait de la Mort d'Isolde. Ce reportage illustre ainsi la reprise de Tristan et Isolde de Richard Wagner en 1966.

Date de diffusion :
24 février 1966
Source :
ORTF (Collection: JT NUIT )

Éclairage

Tristan et Iseult de Wagner est entré au répertoire de l'Opéra de Paris le 11 décembre 1904. Si la mise en scène originale en est revue en 1936, les décors initiaux seront utilisés jusqu'en 1958, tandis les langues française et allemandes alterneront selon la distribution invitée. La proposition faite par George Auric, directeur de la Réunion des théâtres lyriques nationaux, à Wieland Wagner de présenter le 25 février 1966 une production entièrement nouvelle fait donc événement. Elle reprend celle qui avait enthousiasmé le Festival de Bayreuth en 1962, tout en marquant l'irruption de la mise en scène contemporaine la plus novatrice, dans un paysage de répertoire resté trop longtemps immuable.

Wieland Wagner, dont la remarquable production de Fidelio avait été présentée aux spectateurs de l'Opéra lors d'une tournée de l'Opéra de Stuttgart en 1955, est invité à présenter trois productions au Palais Garnier. Une première fois, en 1964, il monte sa mise en scène - fort célèbre à l'époque - de Salomé, avec Anja Silja. Il est invité une seconde fois en 1966, avec cette production de Tristan et Isolde, spectacle emblématique d'une révolution scénographique engagée en 1951, et connue sous le nom générique de Neues Bayreuth. Caractérisée par un refus des décors naturalistes anecdotiques régnant sur les scènes lyriques mondiales jusqu'aux années 60, elle installe l'action dans des espaces lumineux nus et vides, plantés d'immenses totems à la force symbolique extrême, mystérieuse, indécodable. Dans ces tableaux puissamment évocateurs, le déplacement ou la rencontre des corps animés d'une gestique très expressive par son économie et sa puissance physique, met en tension ou en équilibre, selon les épisodes de la narration musicale, tout le tableau visuel, et offre enfin à Wagner la réalisation effective de son projet d' "œuvre d'art total". Tristan et Isolde devient ainsi à l'acte I la traversée des amants sur le fleuve Léthé, vers la mort désirée, sous l'emprise des pulsions d'Eros Thanatos, (l'Eros de mort). L'acte II, dominé par un monolithe percé de deux trous, pierre levée des ancêtres, phallus dressé, mystère palpitant, concentrant la lumière de la nuit bleutée au dessus des amants vêtus de cuir mauve, et réduits à leur buste, debout, immobiles, statufiés, devient mythique représentation du désir incarné. Et au final, Isolde, debout, bras levés, s'efface lentement, tache jaune de plus en plus immatérielle dans le néant de la vie qui s'éteint, de l'amour qui triomphe dans la mort. Personne n'ira aussi loin que Wieland Wagner dans l'abstraction symbolique, avec une modernité d'images ancrée dans son époque, celle des Arp, Moore, Picasso. Cette production référentielle, qui suscita des réactions très vives des traditionalistes, est reprise en 1967 et 1972.

L'invitation à monter L'anneau du Nibelungen à partir de 1967 s'est limitée à la réalisation de la seule Walkyrie par Peter Lehmann, l'assistant de Wieland Wagner, du fait de la mort prématurée de ce dernier en octobre 1966.

La distribution de Tristan, dirigée par George Sébastian, qu'on aperçoit ici au piano, et centrée sur les légendaires Wolfgang Windgassen en Tristan, et Birgit Nilsson en Isolde (ils se produisirent à Bayreuth, dans la production originale, de 1962 à 1970 sous la baguette de Karl Böhm), ainsi que sur Rita Gorr et Hans Hotter, est historique. Birgit Nilsson est alors la plus grande soprano wagnérienne, et son interprétation de la Mort d'Isolde, dans le costume de cuir ajusté typique de la production, est le seul instant préservé de cette série, dont il ne reste aucun autre témoignage audio ou vidéo. Nilsson reviendra à l'Opéra de Paris pour y interpréter une sidérante Turandot signée Margarita Wallmann et Jacques Dupont en 1968, et une série d'Elektra sous la direction de Karl Böhm, qui figure parmi les sommets de l'époque Liebermann.

Pierre Flinois

Transcription

Journaliste
Au foyer de la danse de l’Opéra de Paris hier après-midi, au cours de la répétition générale de Tristan et Iseult qui sera repris demain soir, nous avons retrouvé le metteur en scène Wieland Wagner qui, malgré l’accident qui lui était arrivé la veille, a accepté de répondre à nos questions en compagnie du chef d’orchestre Georges Sebastian. Wieland Wagner, à qui nous avons demandé quelles étaient ses intentions dans cette nouvelle mise en scène de Tristan et Iseult.
Wieland Wagner
Je pense que c’est très différent des autres mises en scène, très nouveau. Jusqu’alors, on se contentait de mettre en scène Tristan et Iseult en suivant scrupuleusement les indications de Richard Wagner. L’ouvrage avait été construit en plein romantisme, donc la mise en scène était un peu surannée. Maintenant, j’ai voulu, à partir du support musical qui constitue un miroir des intentions de l’auteur, recréer, suggérer d’une façon scénique les intentions, les sentiments profonds de Richard Wagner.
Journaliste
Madame Birgit Nilsson, c’est la première fois que vous venez chanter sur la scène de l’Opéra de Paris ?
Birgit Nilsson
Yes, it's the firt time I'm appearing here, to Paris Opera, but I hope it will not be the last one.
Journaliste
Mais vous étiez déjà venue pour donner des récitals, je crois?
Birgit Nilsson
Yes, it's true, I have made two concerts here, a couple of years ago.
Journaliste
Vous avez interprété tous les rôles du répertoire wagnérien, vous donnez à Paris le rôle d’Isolde, est-ce que c’est votre rôle préféré ?
Birgit Nilsson
Well, it's one of my favorite role, [incompris].
Journaliste
Madame Nilsson nous a dit qu’elle aimait beaucoup ce rôle d’Iseult car elle le trouvait très humain. Elle accepta ensuite de nous chanter le début de la mort d’Iseult.
(Musique)