Peter Sellars met en scène Don Giovanni à la Maison de la Culture de Bobigny
Notice
Interview du metteur en scène américain Peter Sellars, ponctuée d'extraits de sa production de Don Giovanni de Mozart importée à la Maison de la Culture de Bobigny.
Éclairage
Quand Peter Sellars met en scène Don Giovanni et Les Noces de Figaro en 1989 à la Maison de la Culture de Nanterre, il est loin d'être un inconnu pour le public lyrique averti. Responsable du Pimlico Festival de New York, où il a déjà mis en scène la Trilogie Mozart-Da Ponte (Cosi fan tutte n'est pas représenté à Bobigny), et un Jules César de Haendel que Gérard Mortier a invité à La Monnaie dès 1988 (et qui viendra encore égayer Nanterre en 1990), il est déjà célèbre pour son côté iconoclaste. « Le théâtre, ce n'est rien d'autre que du risque » dit-il. L'agitateur culturel N° 1 de la scène américaine signe encore et toujours avec audace autant que constance spectacles sublimes ou soirées ratées, propositions qui jamais ne laissent indifférent, car toujours, en conscience, voulues comme remise en cause des acquis, des certitudes, pour montrer qu'à jamais le théâtre est toujours contemporain. Des classiques grecs à Messiaen (il monte Saint François d'Assise à Salzbourg en 1992), ne dénonce-t-il pas le fait que « le théâtre appartient trop souvent, du point de vue dramaturgique, aux années 1890, et non 1990 » ?
Parfois simplistes, souvent inspirées, ses propositions passent immanquablement au filtre de l'Amérique contemporaine, son univers, son langage propres, mais parlent aussi bien de la culture européenne, où il puise la plupart des textes qu'il met en œuvre, que de son propre héritage culturel. Et ce jamais gratuitement, mais toujours dans un sens politique aigu.
Ses Mozart, créées au Pimlico Festival, insensés de lucidité, ses Haendel (Theodora à Glyndebourne) si neufs qu'on les croirait d'aujourd'hui, ses Stravinski (à Salzbourg, à Madrid) comme mythiques, son étonnant Nixon in China de John Adams (que Bobigny voit en 1991), son irradiant L'Amour de loin et son fort réaliste Adrianna mater de Kaija Saarihao, son Tristan et Isolde à l'Opéra Bastille, sont comme inscrits dans l'histoire présente même, comme nombre des pièces de théâtre qu'il met en scène.
L'un des points forts de sa production de Don Giovanni, dont l'action se déroule à Harlem, tandis que celle des Noces de Figaro se déroule au sommet de la Trump Tower, est de confier les rôles de Don Giovanni et de son valet Leporello à deux frères jumeaux, noirs qui plus est, Herbert et Eugene Perry, pour accentuer le côté similaire des deux personnages, qui échangent leur costumes et leur personnalité pour le besoin de l'action, montrant ainsi qu'il n'y a en la matière pas de frontière de classe quand il s'agit de séduire. L'autre point fort vocal de la distribution est la présence de Lorraine Hunt en Elvira, l'une des interprètes préférées de Peter Sellars.
À Paris, Peter Sellars produit de nombreux spectacles à Bobigny, à l'Opéra-Bastille (Saint François d'Assise, Tristan et Isolde), et au Châtelet (El Nino, L'amour de loin).