Le Ring du Centenaire à Bayreuth / An 1

02 août 1976
03m 58s
Réf. 01070

Notice

Résumé :

Réactions du public du Festival de Bayreuth, hostiles ou laudatives, à propos de la production du Ring de Wagner, fêtant en 1976 le Centenaire du Festival, due à Pierre Boulez et Patrice Chéreau, avec une courte interview de patrice Chéreau, et quelques courts extraits du Crépuscule des dieux.

Date de diffusion :
02 août 1976
Source :
TF1 (Collection: IT1 13H )
Lieux :

Éclairage

Pour fêter le centenaire du festival de Bayreuth, fondé par Richard Wagner en 1876, son petit-fils Wolfgang Wagner, co-directeur du Festival depuis 1951, et seul directeur depuis la mort de son frère Wieland en 1966, invite les français Pierre Boulez et Patrice Chéreau pour réaliser une nouvelle production de la Tétralogie L'anneau du Nibelung, qui s'avère un événement culturel de portée mondiale, tant les réactions du public, enthousiastes ou farouchement opposées, sont violentes et médiatisées.

Le scandale fait imploser la dernière tradition d'embaumement wagnérien en date, post-wielandienne, jusqu'au sein même du Temple de Bayreuth, pour une révolution salutaire, audacieuse et pleinement réussie. Elle est le fait d'une nouvelle approche de la partition par Pierre Boulez, qui lui ôte toute lenteur et toute épaisseur germanique, traditions fréquentes ici, mais déjà combattues par Clemens Krauss et Karl Böhm, et lui offre une lecture qui apparaît profondément moderne, sinon extrêmement théâtrale par simple refus du pathos. Mais plus encore, c'est la théâtralisation extrême de la scène que réalise Patrice Chéreau qui offre une nouvelle approche de l'œuvre, qui va choquer les habitués de Bayreuth en la sortant de la tradition mythologique atemporelle de Wieland Wagner et de ses épigones pour la présenter comme un commentaire sur le XIXe siècle et le début du XXe. On voit ici le Rhin éternel capté par un barrage de béton et de métal, les dieux portant redingotes et robes de chambre en lamé - comme Wagner lui-même -, le dragon réduit à un grand jouet mobile manipulé, comme la forêt artificielle, par des servants, Siegfried portant le smoking pour son mariage... On voit un vrai feu, du vrai sang, de vrais meurtres, qui révulsent enfin la salle, toute la vérité crue (l'inceste, le viol, l'assassinat, le vol, le sexe, le lucre...) d'une œuvre trop souvent paralysée par l'amour univoque que lui portent des spectateurs qu'il convient de ne pas choquer. On y voit un jeu d'acteurs unanimement fêté, dans sa force, sa violence, sa portée subversive, même par les détracteurs de la production, inconscients du fait qu'il est intimement lié à la mise en scène elle-même. On y voit des images d'une beauté transcendante, dues aux décors de Richard Peduzzi, aux costumes de Jacques Schmidt, et aux éclairages de Manfred Voss. On y voit surtout et à nouveau la modernité toujours contemporaine du Ring de Wagner.

Le débat autour de ce Ring aussitôt historique, mais retravaillé chaque été par ses auteurs dans le sens d'une plus grande perfection, durera cinq ans, qui remettront Bayreuth au premier rang des Festivals musicaux, après la longue éclipse qui avait suivi la mort de Wieland Wagner.

Pierre Flinois

Transcription

Présentateur
Nous reviendrons, nous reviendrons à Bayreuth, c’est ce que peuvent dire aujourd’hui Chéreau et Boulez, ils reviendront en 1977. Et pourtant, et pourtant, les traditionalistes ont bougé cette année face aux nouvelles adaptations de la Tétralogie.
(Musique)
Inconnue
Je crois que c’est une véritable parodie de l’œuvre, parce qu’il n’y a vraiment aucune concordance entre la partition et ce que nous voyons sur la scène. Dans le Rheingold , les filles du Rhin, ce sont des créatures élémentaires, des créatures qui sont par-delà le bien et le mal. Et on en fait des putains - il n’y a pas d’autre mot - du Moulin Rouge, alors vraiment, ça n’a pas de sens !
(Musique)
Inconnu
Je suis wagnérien 100%, alors, je n’approuve pas ce ridicule, ces choses ridicules comme ça.
(Bruit)
Inconnue
Pour moi, il a été exactement fidèle au livret, fidèle à ce qu’a fait Wagner, et j’ai été très bouleversée, très, très souvent. Et je trouve que depuis Wieland Wagner, il ne s’était pas passé un évènement pareil ici.
(Bruit)
Inconnu
En fait, pour certains spectateurs, de voir les affreux jojos du spectacle habillés comme eux, ça les a sûrement beaucoup gêné. Alors, les applaudissements ont été assez tièdes au début. Enfin, pour ma part, je trouve que c’est une interprétation qui se justifie tout à fait du fait que le Ring , au départ, est d’inspiration socialiste.
(Bruit)
Inconnue
Moi, ce que je reproche, c’est le manque d’unité total. C’est, je vois un peu de tous les metteurs en scène que j’ai vu de par le monde, un petit peu de chacun. Dans les premiers opéras, L’Or du Rhin , c’était quelque chose d’absolument aberrant où on ne pouvait absolument rien comprendre !
(Bruit)
Inconnue
J’ai crié bravo pour Chéreau après la représentation, il y avait une dame, je crois qu’elle était française d’après d’accent qu’elle avait, et son mari a crié bouh tout le temps. Alors moi, j’ai crié dans son oreille, j’ai crié, j’ai crié bravo, et la femme a donné une, m'a frappé dans le visage !
(Musique)
Patrice Chéreau
Je ferai des changements l’an prochain, ça n’a aucun rapport avec les réactions du public. C’est-à-dire que dans les derniers jours de répétition, je suis arrivé à des impossibilités, je suis arrivé à des nécessités plus grandes. Et de toute façon, on ne peut faire Le Ring qu’après en avoir eu une connaissance concrète. Cette connaissance concrète, je l’ai eue avec les répétitions, c’est maintenant que je, maintenant je pourrais faire, ce de mon point de vue, vraiment la mise en scène. Mais mon point de vue n’a à aucun moment été modifié par la réaction du public. Disons que je n’ai pas besoin de, qu’on me crie, qu’on crie dans la salle pour savoir que j’ai fait une erreur.