Wozzeck d'Alban Berg au Châtelet par Chéreau et Barenboïm
Notice
Des extraits du Wozzeck d'Alban Berg mis en scène au Châtelet par Patrice Chéreau et dirigé par Daniel Barenboïm, avec Franz Grundheber en Wozzeck et Waltraud Meier en Marie, ponctuent des interviews de la cantatrice, du metteur en scène et du chef d'orchestre.
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Éclairage
En janvier 1989, une crise majeure s'ouvre à l'Opéra de Paris, quand le Président Pierre Bergé congédie Daniel Barenboïm, nommé auparavant Directeur artistique et musical, et qui a déjà annoncé un programme prestigieux pour les premières saisons de l'Opéra-Bastille, avec en particulier un Wozzeck d'Alban Berg mis en scène par Patrice Chéreau, qu'il devait lui-même diriger. La majorité des chefs d'orchestre et metteurs en scène prévus par Barenboïm se montrent solidaire de ce dernier, et renoncent aux spectacles prévus, laissant la direction de l'Opéra empêtrée dans de grosses difficultés de programmation.
Le directeur du Châtelet, Stéphane Lissner, en profite pour proposer à Barenboïm, par ailleurs directeur de la Staatsoper de Berlin, de présenter dans son théâtre parisien certains spectacles de la scène berlinoise (Elektra, Lohengrin mis en scène par Harry Kupfer font ainsi le voyage) mais surtout de monter auparavant en coproduction ce Wozzeck initialement envisagé pour l'Opéra de Paris, se posant ainsi clairement en rival de l'institution.
Wozzeck, qui est donc présenté conjointement au Châtelet et à la Staatsoper de Berlin - où il est heureusement intégralement filmé - s'avère un spectacle majeur, par l'ensemble de sa cohérence artistique.
Patrice Chéreau y cherche l'universalité de la misère humaine, en se détachant totalement d'un quelconque réalisme historicisant, grâce aux espaces de Richard Peduzzi, parois de couleurs étranges, bleu ou prune, cubes pleins ou vides, glissant sur un sol nu et brillant sous des lumières blafardes, univers totalement abstrait, comme un hommage brillant au Bauhaus, contemporain de la genèse de la partition, autant qu'à la rigueur de celle-ci. Et le metteur en scène construit sur cette nudité même des personnages au réalisme cru, insensé, poussés au paroxysme de la douleur, de la folie, de l'horreur. Transi d'émotion par la Marie intense de fragilité de Waltraud Meier, par le Wozzeck hébété et déchirant de Franz Grundheber, le spectateur ne peut que s'identifier à eux en toute fraternité.
Waltraud Meier, révélée au grand public par ses premières Kundry de Parsifal à Bayreuth en 1983, où elle chante le rôle dix ans durant, devient vite l'une des plus importantes chanteuses de la fin du XXe siècle. Mezzo à la voix intense, actrice consommée et splendide, elle se tourne en 1993 vers des rôles de soprano comme Isolde, qu'elle chante à Bayreuth de 1993 à 1999, puis Sieglinde à partir de 2000.