Portrait de Claude Lelouch, 28 ans

20 mai 1966
11m 27s
Réf. 00107

Notice

Résumé :

Reportage sur Claude Lelouch, 28 ans, venu présenter son film "Un homme et une femme". La caméra le suit tout au long de sa participation au Festival de Cannes.

Date de diffusion :
20 mai 1966
Source :
ORTF (Collection: Panorama )

Transcription

(Musique)
Interwiewé
Mesdames, messieurs, veuillez gagner vos places s'il vous plait.
Inconnu 1
La projection commence. La France présente...
Claude Lelouch
Claude Lelouch, 28 ans, cinéaste. "Je voudrais la chambre de monsieur Casanova, s'il vous plait. Je ne sais pas le numéro ", " C'est au premier mais je ne sais pas quel numéro. 112, peut-être ".
Inconnu 2
Voilà l'affiche. Vous avez une seconde pour montrer l'affiche ? Merveilleux, ça. Tout ce qu'il y a dans la structure de la croisette, c'est sensationnel. Tu as vu tout ?
Claude Lelouch
Ça fait très plaisir. Le format à 66 est très grand.
Projectionniste
On va tomber sur 11 mètres ou 12 mètres de base. C'est déjà pas mal.
Claude Lelouch
Parce que c'est un film 1'33, mais il a été cadré en 66, donc vous le projetez en 66.
Projectionniste
Vous savez, au cours de la répétition, on fera le cadrage qu'on veut.
Claude Lelouch
D'accord. Je reviendrai, tout à l'heure, vous voir si ça ne va pas.
Projectionniste
Non mais si vous revenez pour dire que ça ne va pas, j'aime autant que vous ne reveniez pas, à ce moment-là.
Inconnu 3
Il est beau ce théâtre. C'est un beau théâtre, il n'y a pas de problème.
Claude Lelouch
Bon, on interdit l'entrée.
Inconnu 4
C'est tout ce qu'il y a du laboratoire ? Il n'y a que toi ? [Anglais] Vous avez un film qui passe, non ?
Interwiewé
Oui.
Inconnu 5
[Anglais]
Serveur
Monsieur veut un peu de caviar ?
Claude Lelouch
Il y a, aujourd'hui, une génération de cinéastes qui va être, justement, une génération de gens qui ont été éduqués par la télévision, dont les premières choses, les premières émotions ont été des images. Et ces émotions, pour les transcrire, comme c'étaient des images, plus tard, lorsque ces jeunes garçons auront à s'exprimer, ils s'exprimeront aussi avec des émotions. C'est pour ça que je crois peut-être que jusqu'à maintenant, il n'y a peut-être pas eu ce vous disiez il y a deux secondes, c'est-à-dire un art véritable. Mais je crois qu'il arrive, cet art véritable. Il arrive parce que jusqu'à maintenant, il était devenu un art de construction qui était à la merci de la lumière, qui était à la merci de grosses équipes techniques, de décorateurs. Mais tout ça est en train de se débarrasser tout ça. L'auteur va se retrouver maintenant face à face avec une technique qu'il va pouvoir mettre au point tout seul. On ne sait pas. ...grande humanité chez Chaplin. Et en fait, derrière tous ces gens-là, tout le monde vient se raccrocher. On vient tous se raccrocher derrière. Et vous ?
Inconnu 7
Je ne sais pas.
Claude Lelouch
C'est joli.
Inconnu 8
Demain matin, un petit peu.
Claude Lelouch
Demain matin, il n'y aura personne. Moi, je peux me lever tôt, ça ne me dérange pas, 9 heures du matin.
Inconnu 8
Où ?
Claude Lelouch
Au Martinez.
Inconnu 9
Lelouch, 1, première. [Italien]
Journaliste
Claude Lelouch, dans quelques heures, c'est le grand jour, non ?
Claude Lelouch
J'avoue que je suis très inquiet. Ce qui influence, je crois, le cinéma que j'aime, c'est le quotidien.
François Chalais
Vous, ce qui me plait chez vous, c'est qu'on a l'effet de surprise. On a l'impression que si vous aviez tourné la même scène, le lendemain ou la veille, ça n'aurait pas été la même. D'après la situation à laquelle on se trouve intérieurement. Est-ce que c'est exact ?
Claude Lelouch
Je dis que le mélange des genres est une chose importante dans la mesure où nous vivons tous un mélange de genres quotidien. Ça aussi, c'est aussi une chose que j'ai déjà dite mais je vais peut-être vous répéter. Nous connaissons notre programme d'une journée. Je prends une journée parce que c'est une chose quotidienne. Vous, vous connaissez votre profession. On sait ce que vous faites et vous savez qu'à telle heure, vous allez interviewer telle personne, vous avez un programme, dans votre journée. Et autour de ce programme, qui est, en fait, votre scénario de base, qui est votre trame dramatique de la journée, va venir tout ce qui est formidable, c'est-à-dire vous allez passer une bonne ou une mauvaise journée. Vous allez passer une bonne journée dans la mesure où vous allez vous réveiller de bonne humeur. Si vous vous réveillez de mauvaise humeur, vous allez faire un film psychologique, qu'il faut traiter d'une façon psychologique. Après, vous descendez dans la rue, vous vous promenez et vous allez voir des tas de gens, dans la rue. A partir de ce moment-là, ça devient un reportage. il faut filmer votre promenade dans la rue comme un reportage. Comme l'aurait filmé François Reichenbach, c'est-à-dire d'une façon insolite. Ensuite, vous allez manger, vous allez déjeuner à midi. Et en face de vous, il y a une très jolie femme, très belle. Vous en tombez amoureux. Ça devient un film d'amour. Et dans l'après-midi, vous sortez du restaurant, on vous vole votre portefeuille. Ça devient un film policier. Et tout ça reste fidèle à François Chalais. Tout ça ne change absolument pas votre trame dramatique de la journée puisqu'à quatre heures, vous allez faire effectivement votre interview, et puis, à huit heures, vous allez envoyer votre pellicule. Ça ne change pas du tout votre trame dramatique. Mais ce qui est formidable, ce n'est pas votre journée dramatique, ce qui est passionnant, c'est tout ce qu'il se passe autour de votre journée. C'est-à-dire le quotidien, toutes les choses que vous allez prendre. Et c'est ce mélange des genres ce qui fait qu'après, on dit que je filme comme Godard, comme Antonioni, comme untel, comme Reichenbach. C'est vrai et c'est faux dans la mesure où à chaque fois qu'on aborde une séquence différente, au cours de la journée, j'essaie de la filmer d'une façon totalement différente.
Inconnu 10
Alors, on se retrouve tout à l'heure.
Claude Lelouch
Quelle heure voulez-vous ?
Inconnu 10
Si vous vouliez me rendre un très grand service...
Claude Lelouch
Qu'est-ce qu'il fait, Bob, il rentre ou il ne rentre pas ? Je juge quand même un petit peu la réaction des mecs, quand même.
Inconnu 1
Moi aussi. Alors, voilà ce que je te propose. On se retrouve au bistrot, à côté.
Inconnu 2
La France présente "Un Homme et une femme", un film de Claude Lelouch. Un film de Claude Lelouch. Un film de Claude Lelouch.
Inconnu 11
On tombe dans une époque où les orages, tout ça, fait qu'un éclair suffit. Le disjoncteur a sauté tout de suite.
Claude Lelouch
Et c'est ce qui a arrêté la projection ? Est-ce que les gens se sont levés, là-haut ?
Jean-Louis Trintignant
Non, personne n'a bougé. Ça a été coupé. Je suis arrivé à la fin.
Journaliste
Vous étiez là pendant la panne ?
Jean-Louis Trintignant
Oui. J'ai cru mourir.
Inconnu 2
Et comment tu crois que ça a marché ?
Claude Lelouch
Bien. Mais tu comprends, l'arrêt de la projection au moment précis où il fallait...
(madame) Lelouch
Formidable, mon fils, formidable. C'est formidable, mon fils.
Inconnu 12
Je te dis qu'on a vu des journalistes déjà, qui ont sauté au cou de jean Louis, tout à l'heure encore, en disant : ne te fais pas de souci, c'est formidable. Tu n'as pas à te faire de souci. Ça a très bien marché, très bien marché.
Inconnu 13
Le silence de mort dans la salle, jamais on n'a vu ça.
Inconnu 12
Vraiment, ça a très très bien marché. Ne te fais pas te bile. Détends-toi, montes t'allonger une heure.
Claude Lelouch
Qu'est-ce qu'on fait ? On part ? On se revoit directement en bas, alors ?