Derniers préparatifs avant l'ouverture du Festival 1968

10 mai 1968
11m 52s
Réf. 00117

Notice

Résumé :

Reportage dans le bureau du délégué général Robert Favre le Bret, quelques jours avant l'ouverture du 21ème Festival.

Type de média :
Date de diffusion :
10 mai 1968
Source :
ORTF (Collection: Panorama )

Transcription

(Musique)
Maurice Seveno
Ici Cannes, Palais du festival. Ce n'est pas encore l'heure mais elle approche. Disons qu'on ressent déjà le premier frémissement de la grande "cinélâtrie" annuelle qu'est le festival de Cannes. Cette séance inaugurale sera placée sous le signe du souvenir. Un souvenir d'abord récent : l'année dernière, le jury du festival avait distingué le film d'Antonioni, "Blow up", et lui avait décerné son grand prix.
(Musique)
Maurice Seveno
Et profitant de ce no film's land, j'écris que ce sera dur. Vingt cinq films en quinze jours, représentant treize pays. Mais il se passe tant de choses dans le monde que l'on se pose la question : A-t-on le droit, aujourd'hui, à Cannes, de s'occuper exclusivement et passionnément de pellicule, plan séquence, flash back, travelling, co-production et bel effet au cinq cent ? La réponse est oui, puisque le cinéma d'aujourd'hui témoigne de la vie d'aujourd'hui. Cette année encore plus que jamais. Et suprême coquetterie, tout cela dans un sweet décor, sans doute en trompe l'oeil, car derrière se cachent beaucoup de gens inattendus. Vraies ou fausses vedettes de cinéma, candidats producteurs, aspirants réalisateurs, allez donc savoir. Monsieur [Lenterie], c'est important, pour vous, la culture ?
Inconnu 1
Quelle culture ? Tout dépend de quelle culture il s'agit.
Maurice Seveno
Et vous avez étudié de nouvelles techniques ? Vous vous êtes mis au courant de ce qu'il se fait à l'étranger ?
Inconnu 1
Oui.
Maurice Seveno
Non mais c'est important, une réunion comme celle-là, parce que vous pouvez avoir des échanges de vue avec des confrères, tout de même, du monde entier !
Inconnu 1
Oui. Technique américaine ou anglaise. Ils ont surtout du charbon, les Anglais. Les Allemands.
Maurice Seveno
Mais vous étiez contre, vous, un petit peu, tout ce qu'il s'est passé. Vous avez trouvé que peut-être dans les délibérations finales, ça n'a pas été tellement juste.
Inconnu 1
Il n'y a pas eu de conclusion. Ils se sont séparés comme ça.
Maurice Seveno
Dans ces villes idéales pour congrès, symposiums, colloques et pomme de terre-débat, il faut s'attendre à tout. Même à cela. Et alors, qui auriez-vous souhaité comme président du jury ?
Inconnu 1
Marcel Achard, patate !
Maurice Seveno
Mais un festival chassant l'autre, aujourd'hui donc, place au cinéma. Robert Favre Le Bret, c'est votre vingt et unième ?
Favre le Bret Robert
Oui. Le festival a enfin atteint sa majorité non sans mal. C'est encore une nouvelle bataille à gagner sur plusieurs fronts.
Maurice Seveno
Vous avez eu la gentillesse de nous accueillir tout au long de la semaine et nous allons voir un petit peu comment, dans la dernière semaine des préparatifs, vous passez votre journée. Comment est la journée de Monsieur festival ?
Favre le Bret Robert
" Un appartement très haut ? Oui, bon, je vais essayer. Parce que vous savez, un appartement très haut, maintenant, il n'y en a plus. Ils sont tous pris. Vous comprenez ? Moi, je lui avais parlé du Carlton quand j'ai déjeuné avec elle. ... Oui mais samedi, c'est déjà très tard ! Vous comprenez qu'il y a déjà des mois que toutes les réservations sont faites. ... Quelle autre personne ? Quelle autre personne ? ... Ah, c'est vous. Oui mais ça, je ne sais pas. Vous comprenez ? C'est sans précédent qu'un membre du jury... Moi, je ne peux inviter un membre du jury ! ... Ah bon ! D'accord, d'accord. ... "
Maurice Seveno
L'arrivée de Monica Vitti, sans doute la plus célèbre parmi les membres du jury, une arrivée toute simple, sans beaucoup de "news", comme nous disons. Sans beaucoup de photographes. Et qui correspond bien au caractère de Monica Vitti, qui n'a rien de la star.
Favre le Bret Robert
Alors, deux heures et demi, trois heures et demi, quatre heures et demi, cinq heures et demi. C'est tard. "Allô ? ... Monsieur [Karminka] ? Allô ? ... Bonjour, monsieur [Karminka]. ... Très bien, et vous-même ? ... Ecoutez, je n'ai pas pu avoir les Tchèques parce que vous savez, c'est très difficile d'avoir Prague au téléphone. ... " Madame...
Maurice Seveno
Pour Robert Favre Le Bret, c'est vingt et un ans de diplomatie, de subtils compromis mais aussi de panachages acrobatiques. Comme il le disait lui-même tout à l'heure : " Vingt et un ans, c'est une majorité mais c'est aussi très long et surtout très fatigant ". Est-ce vrai, monsieur, que vous songez à vous retirer ?
Favre le Bret Robert
Ah oui ! Oui parce que ça commence à bien faire. Ca fera vingt... 46... vingt-trois ans au festival. Ca suffit. Je voudrais quand même un peu vivre pour moi.
Maurice Seveno
C'est subventionné, le festival de Cannes ?
Favre le Bret Robert
Oui, c'est uniquement subventionné. C'est-à-dire qu'il n'y a pas de recettes, quoi, ou presque pas de recettes. Alors c'est subventionné à la fois par l'Etat, c'est-à-dire par le fond d'aide au cinéma pour les deux tiers, et puis, un tiers par la ville de Cannes.
Maurice Seveno
Et les recettes des séances, ça ne compte pas ?
Favre le Bret Robert
Non, parce que les recettes des séances, il y en a de moins en moins, étant donné qu'il y a de plus en plus d'ayants droit, ceux qui ont des cartes d'entrée. Alors, on ne fait presque plus de recettes. En réalité, n'est-ce pas, il y quinze cent places dans la salle. Alors, on double les séances. Ça fait donc trois mille places. Et il y a à peu près cinq mille ayants droit, ou quelque chose comme ça.
Maurice Seveno
Sur le plan des films en compétition ?
Favre le Bret Robert
Sur le plan des films en compétition, c'est extrêmement intéressant. C'est une sorte de souffle de renouveau. Par exemple, la plupart des films sont dûs à des jeunes réalisateurs et souvent, ce sont leur premier film, n'est-ce pas ? En effet, il n'y a que trois ou quatre, sur les vingt-neuf films présentés, il n'y a que trois ou quatre réalisateurs chevronnés. Et tous les autres, ce sont des jeunes et parfois des très jeunes. Par exemple, la sélection anglaise comporte une série de films uniquement faits par de jeunes réalisateurs, d'ailleurs, pleins de talent.
Maurice Seveno
Est-ce que le jury est soumis à des pressions en raison des impératifs commerciaux ? Vous parliez, tout à l'heure du marché.
Favre le Bret Robert
Non. Non, absolument pas. Le marché est absolument séparé. Absolument aucune pression. Absolument aucune pression. Et ça, j'y veille, d'ailleurs. Non, la seule chose, vous comprenez, la seule que je dis avant le débat final des jurés, je leur dis : " Il y a deux grand prix". Le grand prix du festival international du film et le grand prix spécial du jury. Le grand prix du festival doit aller à un film qui puisse être ratifié... dont le choix puisse être ratifié par une très large audience, n'est-ce pas ? C'est-à-dire un film qui puisse... "
Maurice Seveno
Faire une grande carrière publique, à votre avis ?
Favre le Bret Robert
Une carrière publique. Et c'est le fait, à part deux exceptions, c'est le fait de tous les grand prix du festival. Tous ont connu une carrière... ou une très grande carrière, en tout cas, une carrière plus qu'honorable. C'est important. Alors, par contre, le grand prix spécial du jury doit aller à un film qui est un film de recherche, d'un style original ou d'une conception nouvelle, vous comprenez ?
Inconnu 2
Monsieur le président, madame, messieurs, je voudrais vous remercier par avance de votre dévouement et du travail que vous aurez à accomplir sous la présidence de l'éminent académicien, de l'Académie française, monsieur André Chamson, qui voudra bien diriger vos débats.
Favre le Bret Robert
Nous attendons monsieur Rojdestvensky, le poète de renom. Je ne sais pas, il n'est pas... Il est arrivé. Bon. Il va peut-être venir dans quelques instants. Bien. ...
Maurice Seveno
Est-ce que, pour terminer, vous pouvez faire un pronostic sur le palmarès de cette année ?
Favre le Bret Robert
Ecoutez, je vais vous dire, cette année, pas du tout. Quelquefois, quand on regarde un film, on le sait, quand on voit un film qui domine, par exemple un "Salaire de la peur". On peut remonter à plusieurs années, là, c'est facile de faire un pronostic. Cette année, ça peut se jouer entre vraiment plusieurs films. Et la tâche du jury va être particulièrement, cette année, très difficile.
Maurice Seveno
Soirée du souvenir, vous disais-je, tout à l'heure. Et bien, en effet, les quelques seize cent privilégiés qui ont été invités à cette soirée inaugurale assistent, actuellement, à la projection du film "Autant en emporte le vent", le film de Selznick et Fleming. Et c'est un hommage, donc, aux deux grands comédiens qu'étaient Clark Gable et Vivien Leigh. Malheureusement, vous ne verrez pas d'images de ce film car les droits pour la télévision n'en sont pas libres après tant de temps, hélas. Mais voici, pour terminer ce panorama en direct de Cannes, quelques photos d'"Autant en emporte le vent". Ici Cannes, à vous, Paris.
(Musique)