Les événements de l'Aurès en novembre 1954
Notice
Attentat contre un train de phosphate dans la région de Souk Ahras et rappel de la poursuite des opérations de pacification dans les Aurès en novembre 1954.
- Afrique > Algérie > Souk Ahras
Éclairage
Le 12 novembre, Pierre Mendès France, président du Conseil, lance à l'Assemblée : "On ne transige pas lorsqu'il s'agit de la paix intérieure de la nation et l'intégrité de la République (…) Entre l'Algérie et la France, il n'y a pas de sécession concevable". François Mitterrand, ministre de l'Intérieur, renchérit : "L'Algérie c'est la France. Des Flandres au Congo, il y a la loi, une seule nation, un seul parlement. C'est la Constitution et c'est notre volonté".
Le soulèvement FLN est donc présenté comme un acte de rébellion intérieur. Les rebelles sont accusés de "terrorisme", de "banditisme" : ce sont des "hors-la-loi" menant une opération de déstabilisation dans la République, et non une guerre qui impose l'idée de choc entre deux nations et in fine la reconnaissance du fait national algérien. Le caractère définitif de cette option gouvernementale mène d'emblée à une impasse : rejet a priori d'un dialogue pacifique sur l'indépendance (par refus d'accélérer l'inévitable démembrement de l'empire français, ce malgré le tout récent précédent tunisien), justification d'une répression aveugle qui attise la rébellion algérienne.
À la mi-novembre 1954, le gouvernement, pris par surprise et persuadé que la rébellion sera muselée en quelques semaines, ne mesure donc clairement ni la portée des "événements" algériens ni les conséquences de ses choix politiques et tactiques.
Dès novembre 1954, les Actualités Françaises et la télévision reprennent à leur compte le vocabulaire auquel le gouvernement recourt pour définir la réussite de l'action militaire menée en Algérie ("l'Aurès est méticuleusement fouillé", "trafic immédiatement rétabli", "retour au calme") et, par opposition, la culpabilité de l'ennemi auquel on s'affronte (c'est un "terroriste"). Cet usage terminologique a pour objet de nier l'état de guerre en Algérie, car ce serait déjà reconnaître le fait national algérien. De 1954 à 1958, on parle donc d'opération de police, d'action de maintien de l'ordre, d'opérations de rétablissement de la paix civile, d'entreprise de pacification etc.
En adoptant ces termes, les médias audiovisuels participent donc d'emblée et largement à entretenir une politique du non-dit qui inspira à l'historien John Talbott, en 1981, l'expression désormais usuelle de "guerre sans nom".