Entretien avec le général Massu
Notice
Dans son bureau, le Général Massu répond aux questions de Pierre Dumayet sur son livre La vraie bataille d'Alger.
- Armée > Contrôle des populations > Contrôles de "suspects"
- Armée > La torture et sa dénonciation
- Conflits et tensions > Troubles intérieurs > Attentats, terrorisme
- Relations internationales > Crise internationale > Tension diplomatique
- Vie politique > Partis et mouvements politiques > Indépendantistes > FLN
Éclairage
Le général Massu (1908-2002) s'était déjà distingué au cours de la Seconde Guerre mondiale et en Indochine, avant que le général de Gaulle ne lui demande de prendre la tête – à partir du mois de janvier 1957 – du commandement militaire du territoire de la zone nord algéroise et du commandement de la 10e division parachutiste. Disposant des pleins pouvoirs civils et militaires, il y livre alors « la bataille d'Alger », une série d'opérations dont l'objectif est de démanteler le FLN et de mettre fin aux attentats. Si onze mois plus tard, l'ordre semble rétabli, la bataille d'Alger a toutefois contribué à détériorer les relations entre Européens et musulmans.
Ce sont ces opérations qui sont au cœur de l'ouvrage que le général Massu fait paraître en 1971 et qui s'intitule La vraie bataille d'Alger. Dans un texte qui se présente sous la forme d'une interview, il raconte des faits et les met en relation en même temps qu'il approfondit certaines des controverses qu'ils ont suscitées. La torture et le terrorisme sont deux sujets de cet ordre. De la torture, il explique ne jamais y avoir assisté mais l'avoir essayée sur lui-même. Surtout, il conteste la généralisation et systématisation dont on la soupçonne et doute aussi de son intérêt en toutes circonstances. Pour autant, il fait de celle-ci le seul moyen efficace contre le terrorisme. D'ailleurs, du terrorisme, il constate l'impossibilité légale d'en enrayer l'action et l'obligation, par conséquent, de solliciter des moyens non légaux pour y mettre fin.
Une version conforme à celle qu'en donnent alors les gradés militaires, l'heure n'étant pas encore à celle de la remise en cause.
A propos de l'émission elle-même : Pierre Dumayet (1923-2011) fait partie des pionniers de la télévision qui ont marqué de leur empreinte l'histoire de celle-ci. Il joua un rôle important dans l'évolution du journal télévisé et de certains magazines dont En votre âme et conscience (1955-1970) ou Cinq colonnes à la une (1959-1968). Mais il joua aussi un rôle significatif de passeur, lui qui fut à l'origine de plusieurs émissions littéraires dont Lecture pour tous (1953-1968). Ses interviews sont caractéristiques d'une façon de faire qui témoigne à la fois d'une époque mais aussi des traits de sa personnalité. En effet, ses entretiens sont soigneusement préparés. Il lit des passages précis des ouvrages présentés et dialogue d'égal à égal avec son interlocuteur tout en restant respectueux à son égard.
Sur un autre plan, mais cette fois-ci en lien avec le contexte télévisuel, un événement est symptomatique des transformations alors perceptibles. Le lendemain de l'entretien, au cours du journal télévisé de la mi-journée (13 h 15), parole est donnée à Max Lejeune, ministre de la Guerre de l'époque, que le général Massu a mis en cause la veille à propos de deux affaires : le canal de Suez et l'arraisonnement de l'avion d'Ahmed Ben Bella. Dans les deux cas, le ministre nie et met en cause la supposée réécriture de l'histoire par le général. Mais ce désaccord entre les deux hommes a ceci de particulier qu'il montre que la télévision joue désormais un rôle social significatif.
Regardée, elle est non seulement commentée, mais elle contribue à « faire » l'événement, ici politique. Une tendance qui, forcément, ira en s'accentuant en une période où plus de 70 % des foyers sont équipés d'un téléviseur et où la programmation se diversifie.