Alger, au rythme des attentats

09 mai 1962
01m 34s
Réf. 00019

Notice

Résumé :

Suite aux attentats sanglants perpétrés par l'OAS, le fossé se creuse entre la communauté musulmane et européenne.

Type de média :
Date de diffusion :
09 mai 1962
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Éclairage

Après la signature des accords d'Évian le 19 mars 1962, l'OAS s'engage dans une guerre d'usure qui commence le 23 mars dans Bab El Oued. En ce lieu où l'OAS s'est retranchée, des membres de l'organisation y désarment des soldats, provoquant des escarmouches qui font des victimes. Mais si les événements de Bal El Oued voient la victoire des forces de l'ordre, ils ne mettent pas pour autant fin à la détermination des membres de l'organisation. Ainsi cette dernière multiplie-t-elle les attentats. Ce qui a pour effet d'instaurer un climat de terreur. Parmi ceux-ci, le 2 mai, l'attentat à la voiture piégée du port d'embauche des dockers d'Alger sera des plus sanglants, faisant de nombreuses victimes parmi les musulmans présents en ce lieu. Le lendemain, c'est un camion-citerne qui explose sur les hauteurs de la Casbah. Quelques jours plus tard, c'est au FLN de répliquer, s'en prenant à des bars réputés comme étant fréquentés par des membres de l'OAS. Ce qui, en retour, entraîna les inévitables représailles de ces derniers.

Quotidienne, massive, cette surenchère a pour effet d'accélérer le départ des Européens et, par conséquent, de déjouer les projets de l'OAS. Mi-mai, une rencontre entre FLN et OAS est donc envisagée. Après une série de négociations, elle se déroule le 15 juin. Une trêve en résulte ; elle est assortie d'une amnistie pour les personnes concernées. Les modalités de l'application de celle-ci seront annoncées, le 17 juin, via les canaux respectifs du FLN et de l'OAS. C'est Jean-Jacques Susini – l'un des fondateurs de l'OAS – qui, pour ce mouvement, lit le communiqué sur une radio dédiée. Côté FLN, c'est Chawki Mostefaï – conseiller du président de l'Exécutif provisoire Abderrhamane Farès – qui se charge de l'annonce.

Si les images des attentats traduisent la réalité de la violence, elles sont assorties d'un discours tranché sur les responsabilités et cèdent à une forme d'angélisme. En effet, elles laissent entrevoir – même timidement – une issue favorable aux événements, musulmans et Européens pouvant être conduits à collaborer pour faire face à une situation de crise.

Pour autant, c'est des auteurs des attentats que viendra la sortie de crise, les responsables politiques étant impuissants face à l'escalade dont ont été victimes les populations. Or, en mai 1962, rien encore ne peut laisser présager d'une telle perspective.

Béatrice Fleury

Transcription

(Musique)
Journaliste
À Alger, les étudiants européens ont pris au marché la place des marchands musulmans. Ceux-ci, comme les ouvriers du service de nettoiement, ont déserté la ville européenne après l’attentat du centre d’embauche des dockers, qui fit 62 morts et 110 blessés, tous musulmans.
(Musique)
Journaliste
Ainsi, chaque jour, mesure-t-on davantage les graves conséquences de la violence entretenue par l’OAS. Sa plus spectaculaire manifestation en ces derniers jours aura été l’explosion du camion-citerne piégé dans le quartier de Tagarane. L’essence, la citerne en contenait 16 000 litres, propagea l’incendie tout au long de l’avenue. Bilan, trois morts et une trentaine de blessés. Mais le bilan aurait dû être plus tragique si, comme l’envisageaient les auteurs de l’attentat, le camion avait achevé sa course sur le quartier musulman bâti en contrebas. Et la fièvre d’Alger s’alimente chaque jour un peu plus à ces attentats qui sèment systématiquement la terreur et aussi la haine. Jusqu’ici, les musulmans n’ont pas répondu, mais ils désertent les hôpitaux habituels. À Climat de France et dans d’autres quartiers musulmans, le FLN a installé ses propres hôpitaux où les blessés musulmans viennent chercher les soins des médecins musulmans, et, dit-on aussi, de médecins européens. Le fossé, on le voit, n’est peut-être pas si définitif.