Les bateliers du courant d'Huchet
Notice
Les bateliers du courant d'Huchet sont les seuls autorisés à naviguer sur ce cours d'eau insolite qui prend sa source dans le lac Léon pour se jeter dans l'océan Atlantique. Ancienne confrérie de pêcheurs, la batellerie transporte depuis un siècle, les visiteurs en quête de nature sauvage et d'inspiration.
Éclairage
Exutoire de l'étang de Léon, le courant littoral dit "d'Huchet" [1] rejoint l'Océan à Moliets. Depuis la Nave, où se pêchent anguilles et lamproies, jusqu'à Pichelèbe, le petit cours d'eau - véritable curiosité géographique - chemine, encaissé dans les sables du cordon dunaire, sous la voûte de la ripisylve [2] faite de chênes et de pins. Cyprès chauves et grandes osmondes royales s'y développent, donnant à ce décor une allure presque amazonienne. Ce site, transformé aujourd'hui en réserve naturelle, fut rendu célèbre par Maurice Martin, inventeur de la Côte d'Argent, et tous ceux qui contribuèrent à faire connaître cette contrée presque sauvage au début du XXe siècle.
Né et mort à Bordeaux (1861-1941), cet employé d'une grande maison de négoce en vin se passionne d'abord pour les sports : le cyclisme notamment mais aussi le rugby, l'automobile et même l'aviation. Il donne de nombreux articles sur le sport, non seulement à La Petite Gironde, le quotidien bordelais diffusant déjà sur une large partie du Sud-Ouest, mais aussi à L'Illustration ou à la Revue du Touring Club de France. Il œuvre largement en effet pour faire de la promotion touristique. C'est ainsi que le 20 mars 1905, au cours d'un petit périple entre Arcachon et Biarritz qu'il accomplit avec journalistes, sportifs et autres notables, il propose, lors de l'étape à Mimizan, de baptiser "Côte d'Argent" ce long et sauvage tronçon du littoral atlantique.
C'est dans ce contexte que le courant d'Huchet se fait connaître grâce à Gabrielle D'Annunzio [3] qui, séjournant à Hossegor, entend parler de pêcheurs d'anguilles qui descendent un cours d'eau jusqu'à la mer. Il veut voir ; il est conquis et, en 1910, c'est la première visite officielle en compagnie d'autres hommes de lettres. L'article de L'Illustration intitulé « Une contrée vierge en France » lance définitivement le site.
En 1920, les pêcheurs assurent les premières visites et, en 1930, ils s'organisent en syndicat regroupant une dizaine de membres. Le développement du tourisme après 1960 ouvre la batellerie à d'autres professions mais le petit groupe - une vraie confrérie - demeure très uni jusqu'à la formation, en 1997, d'un GIE [4] des bateliers comptant trente-quatre membres cooptés. Très structurés, ils sont propriétaires de leur propre embarcation, élisent trois gestionnaires qui recueillent les cotisations ainsi que la recette quotidienne mise en commun et partagée.
Si le GIE vit des cotisations, une association loi 1901, l'Union des bateliers, créée également en 1997, organise des manifestations durant la période estivale, pérennisant les traditions et le sens de la fête...
Portant tous un chafre, un surnom, les bateliers d'Huchet, par leur connaissance du milieu et la foi qui les anime assurent aux touristes une découverte hors du commun exaltée déjà, dans la langue du pays, par de grands poètes gascons, l'abbé Césaire Daugé [5] ou Emmanuel Delbousquet notamment.
[1] Ce microtoponyme représente le gascon uishet, "exutoire, sortie, guichet".
[2] Synonyme de forêt-galerie.
[3] Écrivain et poète italien (1863-1938). Exilé entre 1910 et 1915, il séjourne notamment à Hossegor et à Arcachon où il mène une existence mondaine. De retour dans son pays, il devient un chantre du patriotisme et se lance, avec les Arditi, dans l'aventure de Fiume.
[4] Groupement d'Intérêt Économique.
[5] DAUGE, Césaire, Sonets de Mar