Vers une reconversion du site d'Arjuzanx

27 juin 1989
02m
Réf. 00213

Notice

Résumé :

D'ici trois ans, la centrale thermique d'Arjuzanx fermera définitivement ses portes, laissant derrière elle pas moins de 2700 hectares défigurés par 30 années d'extraction de lignite. Aussi, pour préserver l'emploi dans la région, EDF, en collaboration avec l'ONF, décide de reconvertir le site minier en réserve naturelle.

Date de diffusion :
27 juin 1989
Source :

Éclairage

En cette fin des années 1980 l'avenir de l'exploitation du lignite d'Arjuzanx est fixé. Malgré les espoirs éphémères des employés d'EDF et de la population du bassin d'emplois de Morcenx, l'unique centrale thermique française [1] au "charbon de terre", qui fonctionne depuis trente ans, doit disparaître. Les choix industriels se sont portés essentiellement sur le nucléaire, même si l'on parle timidement parfois des autres énergies "nouvelles" (solaire, éolienne). Dans le contexte de désindustrialisation qui commence à modifier considérablement la carte industrielle du pays, les responsables d'EDF ont à cœur de laisser en bon état l'immense site d'Arjuzanx.

Sur plus de 2700 hectares en effet le paysage a été bouleversé par une activité continue d'excavation. Se déplaçant sur d'impressionnantes chenilles, une gigantesque structure métallique [2] nantie de sa roue à godets a inlassablement avalé les sables argileux superficiels afin d'alimenter le tapis roulant acheminant le lignite vers les fours de la centrale. De cette "usine électrique" rappelant la "bataille pour l'énergie" du temps de la Reconstruction (1945-1960), les hautes cheminées et les immenses tours de refroidissement perpétuellement empanachées ne seront bientôt qu'un souvenir. EDF, "soucieuse de redorer son blason terni par le nucléaire", observe le journaliste, entreprend donc un vaste programme de reconversion du site.

En liaison avec l'Office national de la chasse, c'est d'abord le remodelage de certains terrils ou le reprofilage des berges des plans d'eau engendrés par les années d'exploitation, de fins travaux d'hydraulique réhabilitant un paysage quasiment "lunaire", la fertilisation des sols (on aperçoit même une assez surprenante parcelle de blond froment ondulant au vent de l'été), des ensemencements et la replantation d'arbres : autant d'initiatives qui vont transformer le site d'Arjuzanx en réserve naturelle et en élément très attractif pour le "tourisme vert" alors en plein essor. On parle même d'un village de pêcheurs et d'un golf...

C'est aussi une aide qu'EDF apporte à la revitalisation économique de la contrée rudement touchée par son désengagement : la zone industrielle installée non loin de la centrale attire déjà quelques PME [3] devant prendre le relais du gros employeur qu'était l'entreprise publique depuis trente ans.

Comme prévu, la centrale éteint donc ses feux en février 1992. Vingt ans après, le remarquable site d'Arjuzanx offre des activités de pleine nature (pêche, randonnée pédestre ou équestre, canoë et baignade en été). Il est surtout devenu un espace privilégié pour la flore [4] et la faune. Les abondantes zones humides favorisent particulièrement la nidification des anatidés et limicoles (Sarcelles d'hiver, Fuligules milouins, Échasses blanches ou Petits gravelots). Mais les "vedettes", que de nombreux amoureux de la nature viennent depuis les tours d'observation admirer dans leurs vols élégants, ce sont les Grues cendrées qui, en grand nombre, hivernent dans cette contrée du vieux pays de Brassenx où se côtoient grandes exploitations agricoles vouées au maïs, pinhadars et zones humides.

[1] La première fonctionne à Hostens, dans les Landes girondines, de 1930 à 1959.

[2] Il s'agit d'ailleurs de matériel allemand, comme dans l'entre-deux-guerres, car c'est dans la grande plaine au nord de la Rhénanie-Westphalie, en Saxe ou dans le Brandebourg que ces puissants engins ont été initialement conçus.

[3] À partir de 2003, par exemple, l'entreprise INERTAM (groupe Europlasma) développe son projet de traitement des déchets (amiante en particulier) avec une torche à plasma.

[4] Avec notamment une grande richesse mycologique liée aux milieux tourbeux.

Jean-Jacques Fénié

Transcription

E. Lemasson
Arjuzanx, 40 Km à l’ouest de Dax, la dernière centrale thermique alimentée par un gisement de lignite fermera définitivement ses portes en 1992. Ces énormes excavatrices seront alors démantelées ; depuis 1959, elles ont extrait à ciel ouvert 32 millions de tonnes de lignite. Une gigantesque plaie de 2700 hectares au beau milieu de la forêt landaise et un formidable pari pour EDF, reconvertir ces friches industrielles en lieu de tourisme vert et en réserve naturelle. Expérience unique en France sur une telle échelle, cette reconversion opérée avec l’office nationale de la chasse devrait prendre encore plusieurs années ; difficile en effet de recréer de toutes pièces un écosystème déformé par 30 années d’exploitation minière, refertilisation des terrains, ensemencement, plantation de plus d’1 million et demi d’arbres. Aidée par l’homme, la nature reprend ici petit à petit tous ses droits, la preuve qu’industrie et nature peuvent parfois bon ménage.
Serge Houdbine
Nous essayons ici de faire la démonstration de cette compatibilité, il est évident que pendant des années, nous avons exploité ce sol au détriment de la nature ; aujourd’hui nous essayons de compenser en donnant la priorité à la nature.
Serge Avignon
C’est peut être un cas unique en France où des gens s’occupant d’environnement, d’écologie sont en contact direct avec un industriel, un gros industriel qu’est l'électricité de France et je dirais que le courant passe même très bien.
E. Lemasson
Au-delà du pari écologique qui redore un blason terni par le nucléaire, l’ambition d’EDF est de réussir à Arjuzanx une totale reconversion économique. Au bord de ces immenses splendeurs artificielles qui ont remplacé les gisements, des plages sont en cours d’aménagement, on parle déjà d’un village de pêcheurs et de terrain de golf ; on parle aussi d’implantation d’entreprises compatibles avec l’exploitation touristique, une vingtaine de PME se sont d’ailleurs déjà installées dans le bourg avec l’aide financière d’EDF. Coût total de cette reconversion 70 millions de francs, la défiguration du site les valait sans doute.