Le cuisinier Michel Carrère

20 décembre 1998
04m 05s
Réf. 00293

Notice

Résumé :

Après avoir travaillé pendant 20 ans à La Chamade à Bordeaux, le chef cuisiner Michel Carrère s'installe à Saint-Justin dans les Landes, où il bénéficie d'un approvisionnement direct en matières premières, auprès des éleveurs et des producteurs locaux. Dans son restaurant, il propose une cuisine simple, issue du patrimoine culinaire landais.

Type de média :
Date de diffusion :
20 décembre 1998
Personnalité(s) :
Thèmes :

Éclairage

Quittant un restaurant bordelais, la Chamade qui lui avait valu la reconnaissance étoilée du Guide Michelin, le chef Michel Carrère a décidé de renouer avec les souvenirs gustatifs de son enfance en s'installant dans la bastide de Saint-Justin en 1996.

Ce virage professionnel prenait alors l'air d'une remontée dans le temps par son rapprochement avec les espaces de production, autant que pour rester en éveil et en recherche de nouvelles productions gastronomiques. Si le célèbre Michel Guérard recommande lui-même cette table, c'est qu'il y trouve des points communs avec ce confrère cuisinier ancrés tous deux dans une exigence permanente de qualité et d'innovation dans l'essentiel du bon. Le pendant de la reconnaissance du grand maitre est le patrimoine que Michel Carrère a lui-même transmis aux jeunes passés dans le restaurant qu'il avait laissé dans la capitale girondine.

Ainsi, transmission et innovation ont sans doute libéré et guidé ce chef de cuisine dans l'apport du plaisir permanent qu'il offre aux gourmands qu'il accueille à l'Hôtel de France à Saint-Justin. Evoquant autant les souvenirs de grand-mère que la proximité des fournisseurs, Michel Carrère exprime avant tout le plaisir, la nécessité, la qualité de rapports humains qui font du terroir landais un espace d'attractivité et de complexité gastronomique.

En effet, les noms de grands cuisiniers, le jugement permanent de clientèles exigeantes ne laissent que peu de répit à ces professionnels qui contribuent à sauvegarder et à transmettre le goût de la simplicité gustative. Ne jamais pouvoir déroger aux règles de la gourmandise c'est pour ces cuisiniers et ces cuisinières l'obligation de savoir entretenir le juste rapport avec le producteur, qu'il s'agisse de volailles, d'asperges ou d'armagnac, produits reconnus par des labels de qualité.

L'exemplarité de la démarche de Michel Carrère livre comme enseignement une savante alchimie qui, avant même l'acte de cuisine, invite à la rencontre entre un terroir, des hommes et des femmes et le talent modeste de ceux qui s'engagent véritablement à "servir" une œuvre gastronomique comme le ferait un artiste.

Le dépouillement complexe évoqué par le cuisinier prend un sens particulier dans les Landes où la difficulté de bien produire s'est aussi transmise depuis des générations, car il ne s'agit pas que de filière de produits mais bien de sensations et d'émotions, de souvenirs que ce type de tables sait entretenir et forger avec générosité.

Bibliographie générale :

- BARREAU Jacques, Les Hommes et leurs aliments. Esquisse d'une histoire écologique et ethnologique de l'alimentation humaine, Paris : Messidor/Temps Actuels, 1983, 381 p.

- COURTINE, Robert Jullien, La cuisine des terroirs. Traditions et recettes culinaires de nos provinces, Lyon : La Manufacture, 1994, 575 p.

- FLANDRIN, Jean-Louis et MONTANARI, Massimo (dir.), Histoire de l'alimentation, Paris : Fayard, 1996, 919 p.

- MONTAGNE, Prosper, Larousse Gastronomique, Paris : Larousse, 1938, 1088 p.

- TOUSSAINT-SAMAT, Maguelonne, Histoire naturelle et morale de la nourriture, Paris : Bordas, 1987, 592 p.

Bibliographie spécifique :

- CLAUSTRES, Francine, La cuisine landaise, Bordeaux : éditions Sud-Ouest, 1996, 128 p.

- CNAC (Centre National des Arts Culinaires), L'inventaire du patrimoine gastronomique, Aquitaine, Paris : Albin Michel, 1997, 322 p.

- CONSTANS, Rémy, Gastronomie gasconne à la Belle Epoque, Bon-Encontre : Association de Livres en Livres, 1998, 108 p.

- CORTY-CAPDEVILLE, Claudie, Manuel de cuisine de Gascogne, Bayonne : Jean Curutchet / éditions Hariette, 1994, 228 p.

- Cuisine, alimentation, manières de tables dans le Sud-Ouest (19ème-20ème siècle), exposition, Toulouse, Centre des Cultures Régionales de Midi-Pyrénées, 1983, 228 p.

- MANCIET, Bernard, Le cuisinier landais, Bordeaux : éditions Confluences, 2001, 255 p. (comprenant le recueil du célèbre texte de la fin du 19ème)

Malika Boudellal

Transcription

(Musique)
(Bruit)
Michel Carrère
C’est joli comme ça, mais quand c’est rôti, c’est joli aussi.
Inconnue
Ah ben ceux-là pour la Noël ; les autres c'est pour garder pour faire du foie.
Journaliste
Des souvenirs d’enfance, et le plaisir d’un Landais qui retrouve sa terre natale. Michel Carrère a passé 20 ans à Bordeaux, puis il est revenu chez lui il y a 2 ans. Un retour aux sources qui lui permet de suivre sans détour les filières d’élevage et de production.
Michel Carrère
C’est un rapport différent avec les marchandises, on a possibilité d’avoir une marchandise plus suivie quoi, puis de parler avec des gens qui produisent cette marchandise, ça c’est intéressant.
(Bruit)
Michel Carrère
Là, il faut avoir toujours les yeux en l’air, un œil sur la route et l'autre en l'air, à cette époque-ci, parce que vous voyez les palombes.
Journaliste
Michel Carrère passe ici beaucoup plus de temps avec les fournisseurs, une garantie de qualité.
Pierre Laberdolive
Bonjour Michel !
Michel Carrère
Salut Christian, ça va bien ?
Pierre Laberdolive
Oui.
Michel Carrère
Très bien.
Pierre Laberdolive
Il fait frais, mais enfin bon, tant mieux que le beau temps revienne un petit peu parce que…
Michel Carrère
Surtout que ça fera passer les palombes.
Pierre Laberdolive
Michel, il faut goûter, ça c’est du 85. Cela donne déjà 12 ans, regarde un peu la couleur que ça a.
Michel Carrère
Si c’est joli ça. Ce n'est pas beau ça.
Pierre Laberdolive
L’armagnac pleure, ce sont les larmes de l’armagnac.
Michel Carrère
C'est pas beau ça ? Qu’est-ce que c’est beau, qu'est-ce que c'est fin ça. J'en ai les moustaches qui se [incompris].
Pierre Laberdolive
Là, on sent bien le bois. C’est vraiment puissant.
Michel Carrère
Ce n'est pas ça qu’on cherche aussi.
Pierre Laberdolive
Il attache beaucoup d’importance à ces produits locaux, à cette façon de cuisiner un petit peu de nos grands-mères, bon, avec cette simplicité, sans non plus peut-être détériorer les produits vraiment du terroir et les produits simples.
(Bruit)
Journaliste
Des produits traditionnels, comme ces croustades dont la recette reste secrète. Les menus de Michel Carrère reposent sur le patrimoine de la région, ce retour au pays est un virage dans sa carrière. Il a quitté La Chamade à Bordeaux pour un autre type d’établissement, peut-être aussi une autre conception de la restauration, plus simple, sans superflu.
Michel Carrère
Je ne pense pas que je fasse les mêmes plats, non, je ne pense pas. Il y a toujours une idée de recherche. Il y a peut-être plus l’idée d’aller à l’essentiel quoi. Dépouiller les choses, et trouver juste ce qu’il faut, le produit qu’il faut qui va avec, c’est beaucoup plus difficile. C’est beaucoup plus difficile, et c’est ce qui m’intéresse le plus à l’heure actuelle.
Journaliste
Mais un plat dépouillé moins cher n'est pas un plat moins bon. La qualité demeure et parfois l'emporte. Sur place, Michel Carrère trouve des produits plus frais
Michel Carrère
Ici, ils ont des asperges magnifiques par exemple. Bon, il y a des recettes que vous pouvez faire, en ayant les asperges hyper fraîches comme on les a ici, ramassées à 8 heures, cuites pour midi. Vous pouvez faire des recettes que vous ne pouvez pas faire, quand par exemple à Bordeaux, on vous vend des asperges très fraîches, oui, mais ce sont des asperges qui ont déjà 2 jours, ce n’est plus les mêmes recettes. Elles sont très fraîches, oui, mais elles ont 2 jours.
Journaliste
Vous avez l’intention de rester ici ou de partir, de repartir ?
Michel Carrère
On ne sait pas de quoi demain sera fait. Mais si j’ai des souhaits à émettre, oui, je pense.