Au-delà de l'arène

01 mars 1968
07m 32s
Réf. 00314

Notice

Résumé :

Dans sa ganaderia de Buglose, Joseph Labat présente son cheptel de vaches élevées pour participer aux traditionnels jeux tauromachiques de l'été. Direction ensuite les arènes de la ville, où il commente les différentes figures effectuées par de jeunes écarteurs et sauteurs lors d'un entraînement, avant la fameuse course landaise.

Date de diffusion :
01 mars 1968
Personnalité(s) :

Éclairage

Dès le début de la véritable naissance de la course landaise, dans la seconde moitié du XIXe siècle, les ganaderos, propriétaires éleveurs de vaches de compétition, ont joué un rôle important. D'eux, en effet, dépendait l'intérêt comme la qualité du spectacle.

Aux Dubecq, Baccarisse, Passicos et autres Joseph Barrère des temps héroïques, ont succédé au milieu du XXe siècle les Maigret, Larrouture, Morlaës ou encore Joseph Labat (1915-1996).

Ce dernier, au départ simple métayer de Buglose, près de Dax, devint en quelques décennies l'un des plus grands ganaderos de son époque. Fréquentant les milieux taurins depuis son enfance, il se montre surtout intéressé par le bétail. C'est en 1943 qu'il commence son aventure de ganadero dans sa métairie de "Chiouleben", avec vingt-quatre vaches, dont six de provenance camarguaise. Après quelques années de participation à de petites courses, il commence en "formelle" en 1947 et forme en 1948 une véritable cuadrilla. En 1954, Joseph Labat se rend en Espagne et au Portugal et ramène pour la première fois des vaches portugaises. L'année suivante, il organise les premières courses de plage, spectacles destinés aux touristes et aux jeunes qui se perpétuent encore de nos jours pendant tout l'été sur la côte landaise.

Au milieu des années 1960, il acquiert de nouvelles terres près de Bégaar, au bord de l'Adour, en particulier pour développer son élevage de taureaux. Deux ans plus tard, la célébrité devient nationale et ne va pas cesser de grandir grâce à la participation de ses "vachettes landaises" aux jeux télévisés d'Intervilles, qui deviendront par la suite Jeux sans frontières.

En 1967, enfin, il renouvelle totalement sa cuadrilla en faisant confiance à de jeunes et talentueux écarteurs et sauteur. Il va dès lors, et pendant plusieurs années, dominer le monde de la course landaise en particulier avec ses fidèles "frères gitans", Ramuntcho (Christian Vis, deux fois champion et onze fois vice-champion de France) et Ramuntchito (Guillaume Vis, onze fois champion de France) et le sauteur Henri Duplat (six fois champion de France). Ses coursières ne sont alors pas en reste : "Marciacaise" est élue Corne d'or à quatre reprises autour de 1970 et "Maroca" une décennie plus tard.

Après cette glorieuse époque, Joseph Labat continua à faire confiance aux jeunes, et nombre de futurs grands vinrent à Chiouleben, comme Didier Bordes, Philippe Descazeaux, Didier Goeytes, Christophe Dussau ou encore Philippe Ducamp (sauteur).

François Bordes

Transcription

(Bruit)
Journaliste
Un ganadero sous un ciel gris, image insolite qui nous introduit dans les coulisses des courses landaises. Nous sommes ici à Buglose, à quelques kilomètres de Dax où l’on pense, durant l’année entière aux jeux de l’été. Des jeux rendus plus populaires encore par la télévision. Les petites vaches à la robe sombre sont devenues en effet les vedettes caracolantes du petit écran. Leur nervosité peut les faire passer pour sauvages mais cette réputation est usurpée au moins dans une certaine mesure. Jugez-en plutôt, car ces vaches landaises et leurs écarteurs qui font d’un sport un jeu ou d’un jeu un sport, les voici telles que nous les avons découverts en liberté, au-delà de l’arène.
(Bruit)
Journaliste
Monsieur Labat voilà donc les fameuses vaches landaises si sauvages, vaches landaises, quelle est leur race ?
Joseph Labat
Ce sont des vaches espagnoles, portugaises, les sœurs des taureaux de corrida.
Journaliste
Quel âge ont-elles ?
Joseph Labat
Euh entre trois et cinq ans.
Journaliste
Et vous les gardez combien de temps ?
Joseph Labat
Euh, deux, trois saisons. Deux, trois ans, pas plus.
Journaliste
Vous les mettez dans les arènes à partir de quel âge ?
Joseph Labat
A partir de trois ans.
Journaliste
Vous en avez combien là ?
Joseph Labat
Euh, 104.
Journaliste
Vous les entraînez ?
Joseph Labat
Ah non, jamais. Jamais, on n'entraîne pas.
Journaliste
Même pas l’été, au moment des courses ?
Joseph Labat
Ah jamais, jamais. Elles rentrent sur pistes toutes neuves.
Journaliste
Et l’hiver alors, que font-elles ?
Joseph Labat
Elles vont dans les bois pacager, on les soigne, elles prennent des soins d'hiver.
Journaliste
Et lorsque vous les mettez dans l’arène,
Joseph Labat
On les prépare avec des fourrages secs pour qu’elles soient plus nerveuses avec de l’avoine, du son, des aliments exprès quoi. On les, pour les exciter.
Journaliste
Et vous ne les faites jamais répéter.
Joseph Labat
Ah, jamais. Jamais.
Journaliste
Là, on a l’impression qu’elles se battent. Elles ne risquent pas de se faire du mal ?
Joseph Labat
Elles sont inquiètes parce qu’elles nous voient ici, elles voient des étrangers, c’est pour ça qu’elles sont inquiètes.
Journaliste
Nous n’avons nulle crainte à avoir ?
Joseph Labat
Ah non, pas avec moi toujours. Tout seul peut-être oui.
Journaliste
Ah si j’étais tout seul elles viendraient vers moi.
Joseph Labat
Ah oui, oui oui. Vous ne resteriez pas là, non.
(Bruit)
Journaliste
Monsieur Labat personnellement vous m’excuserez de préférer cette position de repli derrière la talenquère hein. Vous craignez tout de même un peu vos vaches, vous les emboulez.
Joseph Labat
On les emboule pour certaines mesures de protection. On les tient par la corde pour les donner, leur donner une direction, pour que la bête soit élancée sur l’homme, qu’elle ait une trajectoire dans la piste.
Journaliste
Donc c’est tout de même une petite précaution.
Joseph Labat
Oui, oui. Oui.
Journaliste
Ces hommes qui écartent ou qui sautent dans ces manifestations, qui sont-ils ?
Joseph Labat
Ce sont des hommes qui ont des, des écarteurs qui ont un métier secondaire.
Journaliste
Et où les prenez-vous, dans la région ?
Joseph Labat
Tous dans la région. Et voici Ramuntcho, chef de cuadrilla, qui se prépare à faire un écart [incompris]. L’appel sur le saut, un bel écart, très bel écart.
Journaliste
Quel est le rôle de celui qui se tient derrière Ramuntcho ?
Joseph Labat
C’est pour amener la vache, qu’elle passe de l’écarteur et qu’elle le suive jusqu’au bout de l’arène. Et voici Ramuntchito, champion de France qui se prépare à faire une feinte. Une belle feinte de Ramuntchito.
Journaliste
Quelle différence existe-t-il entre une feinte et un écart ?
Joseph Labat
C’est-à-dire que l’écart se fait sur le saut, un appel droit et sur le saut. On tourne sur les pointes de la corne à la bête. Et pour la feinte, on ne quitte pas les pieds du sol. La feinte se fait, on jette à l’intérieur et on tourne à l’extérieur.
Journaliste
Monsieur Labat, ces hommes, comment les rencontrez-vous, où les prenez-vous, dans quel milieu ?
Joseph Labat
Dans des cultivateurs, dans les, il y a des ébénistes, il y a des, un peu de tout pour les métiers. Ils ont tous des métiers.
Journaliste
Vous nous avez dit qu’on n’entraînait pas les vaches, mais les hommes s’entraînent-ils ?
Joseph Labat
Jamais. Ils s’entraînent, ce sont des sportifs, il faut être très sportif mais ils ne s’entraînent pas. Henri Duplat se prépare pour un saut périlleux.
(Bruit)
Joseph Labat
Un saut périlleux très réussi. Bien Henri.
Journaliste
La course landaise, c’est un sport.
Joseph Labat
Ah oui, c’est un sport. Il faut être vraiment athlète pour être écarteur.
Journaliste
Et un sport d’amateurs.
Joseph Labat
Oui.
Journaliste
Au sens noble du mot.
Joseph Labat
Ah oui, amateur oui. Henri Duplat, champion de France se prépare pour faire un saut de l’ange.
(Bruit)
Joseph Labat
Très bien réussi. Très bien. [Un quitte], bien.
Journaliste
Quels sont vos rapports avec ces hommes ?
Joseph Labat
Nous avons de très bons rapports, ce nous faisons, nous ne faisons qu’un. Henri Duplat se prépare à faire un saut à pieds joints, les pieds dans le béret. Bien, bien. C’est un saut très difficile.
Journaliste
Est-ce que vous estimez que la course landaise de nos jours est ce qu’elle était autrefois ?
Joseph Labat
Euh, elle est plus, beaucoup plus moderne. Nous suivons l’évolution, par les équipes des hommes qui sont très sportifs, ce n’est pas pareil. La course landaise a beaucoup évolué oui.
Journaliste
C’est mieux ?
Joseph Labat
Ah oui. Ah oui. Beaucoup plus de tenues, beaucoup plus de panaches, c’est bien mieux.
(Musique)