Exposition César et Barelier à Mont-de-Marsan
Notice
Le centre d'art contemporain de Mont-de-Marsan accueille en cet été 1988 une exposition consacrée aux sculpteurs César et André Barelier. Interview à cette occasion du célèbre artiste marseillais qui expose pour la première fois dans les Landes.
Éclairage
Mont-de-Marsan a vu naître, à la fin du XIXe siècle, deux sculpteurs qui connaissent une certaine renommée, Charles Despiau (1874-1946) et Robert Wlérick (1882-1944). Élève de Rodin, le premier est considéré comme l'un des pères de l'art moderne et se fait connaître en participant à l'érection des premiers monuments aux morts ; inspiré par l'œuvre de Houdon, le second assoit sa renommée avec la réalisation de commandes comme la statue du maréchal Foch qui s'élève sur l'esplanade du Trocadéro, à Paris. Tous deux sont grandement inspirés par le corps de la femme, leurs œuvres sont figuratives, empreintes encore d'un certain classicisme mais elles s'inscrivent nettement en réaction contre le lyrisme de Rodin et l'académisme des sphères officielles.
La préfecture des Landes est donc particulièrement ouverte à toute manifestation qui promeut la sculpture. Et, en cet été 1988, alors que la ville expose dans la rue une vingtaine de pièces parmi les plus intéressantes [1], le musée restructuré depuis une dizaine d'années par son conservateur Armand Amann, accueille un hôte de choix : César.
L'auteur du trophée en bronze de la cérémonie des Césars du cinéma français se nomme, en réalité, César Baldaccini. Né à Marseille en 1921, mort à Paris en 1998, il appartient au mouvement des Nouveaux réalistes né en 1960. Il suit un parcours, somme toute classique, perfectionnant ses dons à l'école des Beaux-Arts de Marseille puis à Paris et se distingue surtout à partir de 1960, date à laquelle il travaille en utilisant la technique de la "compression dirigée".
À l'aide d'une presse hydraulique, il compresse divers objets. Mais ses choix ne sont pas anodins ; sa démarche est symbolique. C'est ainsi que la comtesse de Noailles lui offre sa première voiture, une Zil soviétique toute neuve – la seule de Paris – qu'il renvoie aplatie, à 10 % de son volume initial : un défi à la société de consommation, affirme-t-il...
D'autres véhicules subissent le même sort. Ainsi, deux ans avant l'exposition de Mont-de-Marsan, il présente à la Fondation Cartier une compression monumentale de Peugeot 205 Turbo 16 accidentées qu'il intitule Les Championnes ; il récidive en 1998 avec sa Suite milanaise, des Fiat toutes neuves laissées aux bons soins de l'artiste. Son imagination n'a d'égal que le snobisme de certains de ses clients comme ces femmes fortunées qui lui confient des bijoux en or qu'il rend compressés en cubes à porter au cou.
Mais que ce soit le programme des Compressions, la série Expansions (coulées de polyuréthane ou de cristal) les Empreintes humaines (le pouce géant installé sur le parvis de la Défense à Paris ou le poing qui porte le mât du drapeau du lycée militaire de Saint-Cyr) ou bien encore les séries intitulées Fers et animaux imaginaires, l'œuvre de César ne laisse pas indifférent.
À l'instar de Dali ou de Picasso, derrière l'artiste qui "dérange", apparaît en filigrane un remarquable artisan maître du matériau qu'il sublime.
[1] Compte tenu du succès qu'a rencontré cette opération, les œuvres sont restées en place. La ville, riche de son patrimoine bâti médiéval et d'une des plus importantes collections de sculptures figuratives des années Trente, organise depuis, tous les trois ans, le "Mois de la sculpture". C'est l'occasion d'inviter des artistes contemporains qui investissent le centre historique.