Passionnés de cloches dans les Landes
Notice
Portrait de deux passionnés de cloches : Denis Villenave, carillonneur et Vincent Mateos, historien
Éclairage
La cloche est l'un des plus anciens instruments sonores que nous connaissions. On en trouve les premières traces dès l'âge du Bronze en Chine et au Japon. (1)
Elle devient très tôt un moyen de communication universel en raison de sa longue portée acoustique de sorte qu'on l'utilise dans toutes les religions – excepté l'islam – pour appeler à la prière. Les Romains appelaient tintinnabulum les grelots et clochettes et employaient le mot campana pour désigner une cloche. C'est l'origine du gascon campana [campane] employé par ailleurs dans bon nombre de dialectes méridionaux alors que les parlers septentrionaux ont adopté très tôt l'ancien irlandais cloc, que l'on retrouve sous la forme clocca en latin de basse époque, introduit par les moines venus d'Hibernie.
Elle n'est cependant utilisée dans toute la chrétienté que depuis le VIIe siècle et il faut attendre 1095, date à laquelle le pape Urbain II institue, au concile de Clermont, la sonnerie de l'angélus, pour que son usage se généralise dans toutes les paroisses du royaume. À partir du XIIIe siècle, les progrès en matière de conception et de technologie de la fonderie permettent la création de spécimens de grande taille conçus notamment pour les cathédrales dont la construction est alors en plein essor.
Les cloches, réalisées par le coulage de bronze dans un moule en briques couvert de cire que l'on brise ensuite, deviennent dès lors des œuvres originales, uniques, comme le souligne Vincent Matéos, spécialiste de l'art campanaire dans les Landes.
Ce "fondu de cloches"qui opère pour le compte du Conseil général, est d'ailleurs privilégié en la matière puisqu'il travaille dans le département qui possède l'un des plus beaux carillons de France. Mais ce carillon ne se trouve pas à Buglose par hasard. C'est même une longue histoire.
En effet, dans ce petit hameau de Pouy (2), non loin de Dax, les pèlerins viennent depuis longtemps prier devant une statue de la Vierge tenant l'Enfant-Dieu sur ses genoux, qui est datée de la fin du XVe ou du début du XVIe siècle. Mise en péril lors les saccages opérés par les troupes protestantes de Montgommery, l'œuvre d'art est cachée dans un marais voisin en 1570 et y demeure jusqu'à ce qu'on la retrouve en 1620, protégée dans sa gangue de vase. Une première chapelle est immédiatement érigée pour l'abriter mais, face au développement du pèlerinage, on bâtit, entre 1850 et 1865, l'édifice actuel dans lequel l'évêque d'Aire, originaire du nord des Flandres et nostalgique des carillons de son pays natal, décide d'installer cette machine sophistiquée.
Les événements s'enchaînent donc ensuite pour aboutir à la réalisation de cet instrument exceptionnel animé régulièrement par un enfant du pays : on confie la conception de l'instrument au chanoine Maisonnave et la facture des cloches à la célèbre fonderie Paccard d'Annecy-le-Vieux. La bénédiction des quatre premières cloches a lieu le 8 septembre 1894, un an avant l'installation de 19 nouvelles cloches. Dès l'origine, ces 23 cloches sont actionnées grâce à un clavier singulier inventé par le chanoine, présenté sous le nom de "machine à carillonner" à l'Exposition universelle de Paris, en 1900.
Le bourdon pèse 2 100 kg et donne le do. Les cérémonies d'installation et de bénédiction durent deux jours, les 9 et 10 mai 1901. Les cloches suivantes sont commandées et installées au fur et à mesure que l'on récolte les fonds nécessaires. Durant l'été 1923, il en arrive trois autres, parmi les plus grosses, fondues dans les ateliers de la Maison Dancausse à Tarbes. Enfin, en 1926, 31 nouvelles petites cloches complètent le carillon qui en compte aujourd'hui une soixantaine (3).
Cette basilique "mineure" (4) abrite donc une œuvre majeure de l'art campanaire français.
(1) http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%82ge_du_bronze
(2) L'ancienne paroisse de Pouy (du gascon poi, "hauteur, promontoire") est associée au souvenir de saint Vincent de Paul, natif du lieu. En son honneur, en 1828, on rebaptise le lieu Saint-Vincent-de-Paul ; Buglose en est un hameau.
(3) buglose40.wordpress.com/historique/
(4) À la demande de Monseigneur Bezac, évêque d'Aire et Dax de 1963 à 1978, le pape Paul VI accorde en septembre 1966 à l'église du Sanctuaire Notre-Dame de Buglose le titre de Basilique mineure, lors des fêtes du centenaire du couronnement de la statue de Notre-Dame.