Deux curés des Coëvrons dans La Lorgnette
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Résumé
Depuis la fermeture de son église, le curé d'Izé donne la messe dans un ancien atelier de cordonnerie et fait la charité auprès de ses paroissiens pour restaurer l'édifice. Il va même jusqu'à se donner en spectacle dans un café du village pour récolter des fonds. Ce qui n'est pas du tout du goût du curé de Saint-Thomas-de-Courceriers, la paroisse voisine, avec qui il s'invective par caméra interposée.
Date de publication du document :
01 sept. 2021
Date de diffusion :
18 juin 1978
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Contexte historique
ParProfesseur certifié d'histoire-géographie au collège Volney, Craon (Mayenne)
Publication : 01 sept. 2021
Un an après la fin de l’émission satirique dominicale « Le Petit Rapporteur » sur TF1 en juin 1976, Jacques Martin (1933-2007) lance « La Lorgnette » sur Antenne 2. Celle-ci durera une saison : 1977-1978. Il s’agit d’un faux journal télévisé, genre qui aura de nombreux avatars comme « Le Bébête Show » sur TF1 en 1982-1995 ou « Les Guignols de l’Info » sur Canal + en 1988-2018. L’extrait que nous voyons ici est pris parmi les dernières émissions de la saison. On retrouve des anciens du « Petit Rapporteur » : bien sûr Jacques Martin (créateur et présentateur de l’émission), mais aussi Pierre Bonte (journaliste attaché à la France des villages) et Stéphane Collaro (journaliste sportif, puis humoriste et futur créateur du « Collaro Show »).
Le tout jeune journaliste qui interviewe nos deux curés mayennais dans ce coin des Coëvrons n’est autre que Laurent Cabrol. Depuis cette émission, il a fait son chemin à travers de nombreuses émissions dans des domaines aussi variés que la météorologie (successeur d’Albert Simon sur Europe 1, de Brigitte Simonetta sur Antenne 2), les jeux (« Des chiffres et des lettres » pendant deux années sur Antenne 2, « Une famille en or » sur TF1), le téléachat (successeur de Pierre Bellemare dans « Téléshopping » durant 14 ans sur TF1)… Laurent Cabrol est aussi un écrivain. Dans les années 2000, il a publié non seulement une trilogie de romans : des « polars de terroirs » se déroulant autour de Mazamet, mais encore un essai sur le réchauffement climatique.
En juin 1978, le curé d’Izé est Raymond Fauveau (1901-1984). Il a été ordonné prêtre en 1926, nommé curé de Saint-Christophe-du-Luat en 1933, puis d’Izé en 1945. Le curé de Saint-Thomas-de-Courceriers est Charles Le Bossé (1903-1980). Il a été ordonné prêtre en 1933, nommé curé de Chammes en 1934, de Thuboeuf en 1942, enfin de Saint-Thomas en 1960. Les deux sont d’anciens combattants et prisonniers de guerre de la Seconde Guerre mondiale. Ils devraient avoir quelques intérêts communs. Mais non ! Ils ne s’apprécient pas du tout !
Peut-on parler d’une querelle de clocher ? Oui, car il s’agit bien d’une querelle insignifiante, purement locale et concernant très peu de monde. L’ampleur donnée à cette affaire est créée avec humour par l’émission de télévision. Les deux protagonistes ne se voient pas, ne se parlent pas, ils s’ignorent. Les motifs de leur inimitié sont futiles : l’un vend des sermons « chocs » pour faire réparer l’église d’Izé, l’autre s’occupe de ses vaches dans la paroisse de Saint-Thomas ! Tout l’art des opérateurs de « La Lorgnette » réside dans l’opposition successive des deux paroles, le curé d’Izé étant parfois filmé de très près (gros plans). Au total, c’est surtout la personnalité du curé d’Izé qui est marquante. Il est rare de trouver à cette époque-là un prêtre qui chante « C’est l’amour » et danse avec une chaise en bois dans un café !
En tout cas, les cieux semblent avoir choisi leur camp ! En effet, six mois après la diffusion de cette émission sur Antenne 2, exactement le 13 décembre 1978, une tornade extrêmement violente traverse le bourg d’Izé, détruit l’église et 32 maisons avant de filer vers le nord-est en évitant le bourg de Saint-Thomas… Le clocher est partiellement décapité et la nef est éventrée. La commune prendra en charge la reconstruction de l’église. L’un des vitraux, placé en octobre 1981, représente deux figures politiques de l’époque : Georges Marchais (secrétaire général du parti communiste français) et François Mitterrand (nouveau président de la République) sous les traits de deux soldats romains au pied du Christ… Est-ce une dernière facétie de Raymond Fauveau avant de prendre sa retraite l’année suivante ?
Bibliographie
Périodiques
- La Semaine religieuse du diocèse de Laval
- L’Église de Laval
Journaux :
- Le Courrier du Maine
- Le Courrier de la Mayenne
Sites internet :
- keraunos.org
- meteo-mayenne.fr
Transcription
(Cliquez sur le texte pour positionner la vidéo)
(Musique)
Journaliste
Cette année, dans le petit village d’Izé, la fête foraine s’est installée sur la place de l’église.Rien d’étonnant, puisque depuis plusieurs mois, l’église est fermée pour des raisons de sécurité.
(Musique)
Journaliste
Monsieur le Curé a donc trouvé refuge dans une chapelle de fortune, qu’il a aménagée dans un ancien atelier de cordonnerie.
(Musique)
Raymond Fauveau
Mes frères, vous n’ignorez pas que nous sommes en panne d’église.C’est bien plus grave qu’une panne d’essence ou une panne de moteur.C’est aussi bien plus cher.Il nous faut donc beaucoup d’argent, nous en aurons par tous les moyens honnêtes.Je vous le demande pour finir, ne soyez pas en panne de charité, amen.
Journaliste
Mais, à quelques kilomètres de là, dans la paroisse voisine de Saint-Thomas, cet appel ne semble pas entendu de la même manière.Monsieur le Curé de Saint-Thomas a d’ailleurs une idée très précise sur la question.
Laurent Cabrol
Vous savez que l’église d’Izé est en train de s’écrouler, là.
Charles Le Bossé
Elle est en train de s’écrouler, parce que le Curé n’a jamais eu la politesse de le dire au Maire qu’elle était croulante.
Laurent Cabrol
Ah, bon.Vous pensez que c’est la faute du Curé ?
Charles Le Bossé
Il aurait dû le voir.
Raymond Fauveau
L’architecte, il avait annoncé au départ une centaine de millions de centimes.Forcément, lui, dans un bureau, il ne doute de rien.Enfin, heureusement, des revues chrétiennes, et encore pas beaucoup, mais y’en a encore, plaident pour moi et l’argent arrive.
Laurent Cabrol
Ah, bon, vous avez réussi à avoir un petit peu de sous ?
Raymond Fauveau
Même pas mal.
Laurent Cabrol
Combien, dites-le-nous, là, allez ?
Raymond Fauveau
Ah, je peux pas dire ça.
Laurent Cabrol
Allez !
Raymond Fauveau
Enfin, ça dépasse largement la moitié de la somme promise.
Laurent Cabrol
C’est-à-dire que vous avez plus de 50 000 000 d’anciens francs ?
Raymond Fauveau
Oh, largement, oui.
Laurent Cabrol
Dites donc, les chrétiens sont généreux !
Raymond Fauveau
C’est sûr, oui.
Laurent Cabrol
Qui est-ce qui donne le plus ?
Raymond Fauveau
C’est pas les riches, hein.Les riches ne donnent pas.L’expérience m’a appris que les riches sont imperméables à la charité.C’est les petites gens qui donnent.Les riches, ils sont constipés.
Laurent Cabrol
Constipés, pourquoi ?
Raymond Fauveau
Ben, tout pour eux, rien pour les autres, tiens.
Laurent Cabrol
Vous n’avez pas envie de lui donner un petit coup de main pour la retaper, sa… ?
Charles Le Bossé
Non.Parce qu’il s’est trouvé 10 millions, lui, paraît-il, avec...Il a sa spécialité.Il fait ce qu’il appelle des sermons chocs, il les vend dans le monde entier, il ramasse des millions.Je ne sais pas qu’est-ce qu’il en fait, il n’a qu’à en faire autant pour son église.
Laurent Cabrol
Alors, vous avez publié des livres de sermons ?
Raymond Fauveau
Huit.
Laurent Cabrol
Huit.Et comment s’appellent-ils ?
Raymond Fauveau
Ça a commencé par sermons de choc, choc 2, choc 3, et puis [inaudible] parechoc et tout le tremblement, quoi.
Laurent Cabrol
Pourquoi parechoc ?
Raymond Fauveau
Pour les mettre en garde contre les chocs qui les attendent là-haut.J’ai tiré 13 000 exemplaires, c’est pas mal, hein.
Laurent Cabrol
Et vous le vendez toujours ?
Raymond Fauveau
1 000 francs, c’est pas cher, hein.Au prix de qu'est le beurre hein
Laurent Cabrol
Ah, bon, vous croyez vous qu'il fait fortune en vendant ces sermons ?
Charles Le Bossé
Oui, il vend ses sermons oui, il fait le petit Bourdalou, le petit Lacordaire, le petit Bossuet, ils ramassent des millions comme ça.
Laurent Cabrol
Et pourquoi vous ne faites pas pareil, vous-même ?
Charles Le Bossé
Parce que je ne veux pas le concurrencer et puis je suis pas de la même mentalité.
Laurent Cabrol
Ah, bon, vous n’êtes pas du même genre, vous ?
Charles Le Bossé
Non, je suis pas le même genre.Moi j'ai... Lui, il a ses sermons chocs.
Laurent Cabrol
Et vous, vous avez quoi ?
Charles Le Bossé
Moi, j’ai mes vaches.
Laurent Cabrol
Il y a un curé à côté, là, dans le village voisin.
Raymond Fauveau
Ah, le curé aux vaches ?
Laurent Cabrol
Oui, pourquoi vous l’appelez le curé aux vaches ?
Raymond Fauveau
Parce qu’il s’occupe beaucoup des vaches.Il s’en occupe beaucoup.D’ailleurs, vous avez pu vous en rendre compte, hein.Il sent même la vache, hein.
Laurent Cabrol
Comment ?
Raymond Fauveau
Il sent même la vache.Le curé, il sent la vache.
Laurent Cabrol
Et lui, il ne vous a pas prêté d’argent, non ?
Raymond Fauveau
Ah jamais, non, pas de danger.
Laurent Cabrol
Vous faites un petit geste de bonne volonté, essayez de l’aider, non ?
Charles Le Bossé
Je lui enverrai un timbre.
Laurent Cabrol
Un timbre de quoi ?
Charles Le Bossé
Parce qu’il est pas encore assez timbré.
Laurent Cabrol
Et ben, dites donc, c’est pas la charité chrétienne tout ça.
Charles Le Bossé
Le curé d’Izé m’ignore.Je ne l’ai jamais vu me faire une visite d’amitié, depuis 18 ans que je suis là.
Laurent Cabrol
Il y a quand même d’autres moyens pour gagner des sous, pour trouver de l’argent pour votre église.
Raymond Fauveau
Et bien, à l’occasion, je chante dans les cafés, servir les gens.
Laurent Cabrol
Vous chantez dans les cafés ?
Raymond Fauveau
Oui, pourquoi pas ?
Laurent Cabrol
Et quel genre de chansons ?
Raymond Fauveau
Des chansons convenables.Convenables, je ne chante pas des chansons lestes, Monsieur, non, jamais.
Laurent Cabrol
Des chansons tendres, alors ?
Raymond Fauveau
Ah, des chansons d’amour, l’amour, c’est bien.
Laurent Cabrol
C’est vrai ?
Raymond Fauveau
ça dépend comment on le chante.
Laurent Cabrol
C’est l’amour du prochain ?
Raymond Fauveau
Et de la prochaine aussi.
Laurent Cabrol
Vous savez qu’aussi, il chante dans les cafés, pour gagner un peu d’argent pour son église.
Charles Le Bossé
Il chante dans les cafés ?
Laurent Cabrol
Oui, vous l’avez jamais entendu ?Il chante dans le café à Izé, là pour…
Charles Le Bossé
Je savais pas.
(Musique)
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Date de la vidéo: 21 avr. 2000
Durée de la vidéo: 03M 11S